1 Year after the Invasion of the Capitol: Trump at the Top, Biden at the Bottom

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Un an après l’invasion du Capitole : Trump au plus haut, Biden au plus bas

Paradoxe étasunien

Par Mathilde Karsenti

À en croire de récents sondages, un an après l’assaut du Capitole à Washington, l’état de santé de la démocratie américaine n’est pas au beau fixe. Des fragilités qui d’après certains analystes existaient déjà en amont et qui ont été exacerbées par cet événement. Mais dans ce marasme ambiant, Donald Trump tire les marrons d’un feu dans lequel Joe Biden semble se consumer chaque jour un peu plus. Explications.

Un an après l’attaque qui avait fait cinq morts au Capitole le 6 janvier 2021, les États-Unis sont encore loin d’avoir recouvré santé et sérénité. Les symptômes du malaise social qui s’est installé de l’autre côté de l’Atlantique perdurent. Les doutes aussi. Ainsi, d’après une enquête d’opinion menée par la chaîne CBS News, un tiers des Américains estiment aujourd’hui que l’usage de la force peut parfois servir à défendre les idées démocratiques. De la même manière, selon une autre étude parue dans le Washington Post en collaboration avec l’Université du Maryland, seuls 54 % d’entre eux seraient encore fiers de leur démocratie, contre 90 % en 2002.

Des résultats qu’il convient d’interpréter avec mesure. Pour Lauric Henneton, spécialiste de civilisation américaine, les citoyens américains inquiets pour leur démocratie ne forment pas un seul bloc. Selon le maître de conférences à l’Université de Versailles-Saint-Quentin, ceux-là sont à chercher « autant dans le camp des démocrates craignant un coup d’État des républicains, que dans celui des républicains qui perçoivent l’élection de Joe Biden comme un vol et une menace pour la démocratie ». Un sondage CNN de septembre 2021 montre d’ailleurs que 78 % des républicains considèrent toujours la victoire de Joe Biden illégitime, soit quelque 65 millions de personnes. Ce qui, dans un article récent du Los Angeles Times, a fait dire à Robert A. Pape, expert en terrorisme à l’Université de Chicago, que « 21 millions d’entre elles sont desrecrues potentielles pour une future insurrection en cas défaite de Donald Trump en 2024 ! »

« ENCORE BEAUCOUP DE SOUFFRANCE »

Dans le camp démocrate, on profite aussi de ce triste anniversaire pour jouer sur la corde sensible. S’exprimant à la tribune du Sénat ce lundi 3 janvier, le chef du parti Chuck Summer a ainsi parlé de « tache indélébile dans l’histoire de [la] démocratie américaine ». Quant au démocrate Cory Booker, il a confié à l’AFP ce mercredi 5 janvier, qu’il y avait « encore beaucoup de souffrance ».

Une souffrance qui ne date pourtant pas d’hier tant les divisions sociales et politiques traversent l’histoire des États-Unis et semblent inhérentes à un régime démocratique bi partiste. Quels sont alors les ingrédients qui ont favorisé la bascule vers une inquiétude généralisée envers le système même ? Pour beaucoup d’analystes, la première campagne de Donald Trump et sa victoire surprise en 2016 ont changé la donne. Avec l’avènement du président à la mèche, le ton a changé, et au final « l’assaut du Congrès américain a été le paroxysme d’une montée des tensions ces dernières années. Cet événement a seulement éclairé d’une lumière crue la réalité de ce pays, à savoir une division profonde qui travaille la société américaine » reprend Lauric Henneton.

ENQUÊTE EN COURS

Une opinion partagée par le professeur Jean-Eric Branaa, de l’Université Paris II Panthéon Assas qui justifie lui aussi le malaise actuel par « le rôle possible joué par un président en exercice – Donald Trump – mais aussi par celui, déstabilisateur de certains parlementaires et figures politiques républicains. Une commission d’enquête est d’ailleurs toujours en cours contre certains d’entre eux accusés de « complicité » dans l’assaut du Capitole » précise le chercheur. Parmi ceux-làl’ancien chef de cabinet de l’ex président, Mark Meadows.

Quant à l’existence d’un traumatisme collectif post Capitole, là encore, pour Lauric Henneton, tout est question de perception et de croyances : « Certes, cet événement a bouleversé une partie des Américains mais ce n’est pas exactement le cas des sympathisants de Trump, qui y voient majoritairement une manœuvre des démocrates pour se payer leur héros » confie-t-il. En ce sens, la décision de Donald Trump d’annuler sa prise de parole prévue le 6 janvier – martelant une fois encore qu’il a été victime de « fraude électorale » – illustre bien cette vision. « L’ex président étasunien atoujours réduit les événements du 6 janvier comme étant un simple rassemblement pacifique dont les débordements ont été le fait d’antifa et de gauchistes » ajoute le spécialiste.

Un récit remâché mais efficace qui permet aujourd’hui encore à Donald Trump de conserver une forte popularité. « Et c’est justement parce qu’il réussit à raconter cette histoire et à rendre vivant ce récit auxquels adhèrent une partie des Américains et singulièrement ses nombreux partisans, que Trump reste présent dans le jeu politique » fait remarquer Jean-Eric Branaa pour qui une victoire de l’ex président aux prochaines élections reste tout à fait envisageable… « tant que, justement, personne ne sera en mesure d’apporter un autre récit aussi fort aux Américains !»

LES PROMESSES NON TENUES DE BIDEN

Et c’est bien là que le bât blesse côté démocrate. Joe Biden moins bon bâteleur que son prédécesseur, ne semble pas avoir grand-chose à raconter ni à offrir. Un an après l’assaut du Capitole – que d’aucuns voyaient comme une aubaine pour le président élu – ce dernier est en grande difficulté. Sa popularité n’a cessé de diminuer au cours l’année 2021 atteignant une moyenne de 42 % selon l’agrégateur de sondages FiveThirtyEight. Ce que Jean Eric Branaa – pour qui les faiblesses de l’actuel président sont « inquiétantes » –explique à sa manière, pointant du doigt qu’« obtenir 42 % en période de Noël est tout simplement anormal ».

Si ce résultat, l’un des pires pour un président après une année en exercice, peut être expliqué par différents facteurs notamment concernant sa politique étrangère – en particulier le retrait piteux des États-Unis en Afghanistan – le professeur argue que Joe Biden souffre aussi de la parole non tenue sur de nombreuses promesses. « Comme celle de ramener le pays au calme après le Capitole, ou encore de mettre fin à la pandémie… »

Malgré son immense plan de relance dont une loi sur les infrastructures et des subventions accordées aux petits agriculteurs, la côte de Joe Biden baisse désespérément. Le président américain va devoir apprendre à raconter des histoires.

Par Mathilde Karsenti

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