‘To Appease Rich White Progressives’: Among Latinos, the Word ‘Latinx’ Doesn’t Fly

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“Apaiser les progressistes blancs riches” : chez les Latinos, le mot “Latinx” ne passe pas

Pour remplacer le terme genré « latino », la tendance dans les milieux progressistes, notamment dans les médias, est de dire « Latinx ». Un néologisme pour le moins impopulaire dans la communauté hispanique américaine.

En 2018, le mot « Latinx » est officiellement entré dans le dictionnaire américain Merriam Webster, défini comme une « alternative de genre neutre à latino ou latina » et prononcé « latinex ». Comme les noms communs en anglais n’ont pas de genre, la question d’une écriture inclusive ne se pose pas, mais le terme « latino », venu de l’espagnol, fait exception. Certains médias parlent désormais de « communautés latinx » et des universités ont des cours de « Latinx studies ».

En 2019, pendant les primaires démocrates, la sénatrice Elizabeth Warren a plusieurs fois utilisé le mot, déclarant notamment dans une vidéo : « Quand je serai présidente, les familles latinx pourront compter sur moi ». Un choix de vocabulaire périlleux dans la mesure où, selon les sondages, seuls 2 ou 3 % des Latino-Américains utilisent ce mot. Pourtant, environ la moitié des représentants démocrates à la Chambre des représentants ont déjà utilisé le terme sur les réseaux sociaux.

Ce néologisme a émergé vers 2004 dans les espaces LGBT latinos sur Internet car il permettait à une personne de s’identifier comme non-binaire, ou queer. Mais le terme est aussi considéré comme une manière de lutter contre le sexisme en subvertissant une structure grammaticale où le masculin domine. Un peu comme le point médian en français, le « x » est vu comme une façon d’effacer l’hégémonie du masculin dans le langage. En anglais, certaines personnes non binaires utilisent d’ailleurs le terme « Mx », l’alternative non genrée à M. ou Mme.

RUPTURE GÉNÉRATIONNELLE

Mais en dehors de certains espaces universitaires et médiatiques, le terme est quasiment inconnu. Selon un sondage de 2020, 76 % des Américains hispaniques n’en avaient jamais entendu parler. Dans une interview avec le site Politico, le consultant politique Kristian Ramos évoquait une rupture générationnelle entre les jeunes militants qui ont adopté « Latinx » et une « population générale qui n’a aucune idée de ce que ça veut dire et trouve ça un peu ridicule ».

Pire, une étude de décembre 2021 a révélé que 40 % des Latino-Américains trouvaient le terme agaçant et gênant, et que 30 % d’entre eux auraient moins tendance à soutenir un candidat qui utiliserait ce mot. Après la publication de ce sondage, le Miami Herald, principal quotidien de Miami, une ville hispanique à 27 %, a publié un éditorial appelant la gauche et les médias à abandonner ce terme.

PARI GAGNANT ?

Ruben Gallego, un représentant démocrate d’Arizona, a rappelé sur Twitter que les membres de son équipe n’étaient pas autorisés à utiliser « Latinx » dans leurs communications officielles. « Quand les politiciens latinos utilisent le terme, c’est en grande partie pour apaiser les progressistes blancs riches qui pensent que c’est le mot que nous utilisons, écrit-il. Ça ne vous fera pas perdre une élection, mais si votre équipe utilise Latinx cela veut probablement dire qu’ils ne comprennent pas la communauté latino. »

Après les élections présidentielles de 2020, qui ont vu une augmentation du vote latino pour Trump (en hausse de 31 % par rapport à 2016), mieux comprendre cette communauté est justement devenu crucial pour les Démocrates. De nombreux consultants ont noté qu’utiliser des mots de jargon populaires sur Twitter, comme « Latinx », n’était pas une stratégie gagnante.

En novembre 2021, une étude réalisée en partenariat avec le magazine socialiste Jacobin concluait que les candidats qui utilisent « un langage très spécialisé et centré sur l’identité sont moins populaires que les candidats qui parlent un langage plus universel et populiste ». D’un autre côté, certaines associations militantes, comme Poder Latinx (« Pouvoir latino »), comptent justement sur ce langage inclusif pour mobiliser une nouvelle génération plus intéressée par les discours sur l’identité.

VOLONTÉ ÉTRANGÈRE

Au-delà de la question électorale, l’utilisation du « x » pour rendre le mot neutre n’est pas acceptée par tous. Dans certains pays hispanophones, notamment en Argentine, l’écriture inclusive se fait en remplaçant les « a » et les « o » par un « e » neutre, donc « Latine » au lieu de « Latinx ».

Aux États-Unis, certains Latinos voient donc l’ajout du « x » comme une volonté étrangère. « Latinx est une anglicisation de notre langue, un terme artificiel qui défie les règles de la prononciation espagnole », écrivait un lycéen latino dans le New York Times. Malgré ces controverses, le terme a déjà fait des émules. Une alternative neutre à Philippin, « Filipinx » est apparue récemment. Mais comme sa cousine « Latinx », elle a du mal à s’imposer dans le langage courant.

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