Aux Etats-Unis, un Parti républicain sans vergogne
En invalidant, le 7 février, une décision de la Cour d’appel concernant le redécoupage électoral voté par les élus républicains de l’Alabama, la majorité conservatrice de la Cour suprême des Etats-Unis a porté un nouveau coup à la lutte contre les discriminations.
Des mois durant, le Parti républicain s’était indigné. Rien n’était fondé, assurait-il, dans les accusations portées contre les dizaines de lois électorales adoptées au pas de charge dans les Etats conservateurs après la défaite de Donald Trump face à Joe Biden. Les défenseurs des droits civiques avaient tort de croire qu’elles visaient principalement à corseter le vote de minorités jugées majoritairement favorables au Parti démocrate, à commencer par les électeurs afro-américains, en violation du Voting Rights Act, l’une des victoires majeures obtenues par le mouvement pour les droits civiques, en 1965.
La majorité conservatrice de la Cour suprême des Etats-Unis a pourtant confirmé leurs inquiétudes en portant, le 7 février, un nouveau coup à ce monument de la lutte contre les discriminations. Elle a en effet invalidé la décision d’une Cour d’appel qui avait elle-même jugé non conforme au droit un redécoupage électoral voté par les élus républicains de l’Alabama.
Ce charcutage, l’une des plaies purulentes d’une démocratie américaine en piètre santé, permet de concentrer le vote noir dans une seule des sept circonscriptions de cet Etat sudiste, théâtre il y a un demi-siècle de marches qui ont fait l’histoire. Une injustice d’autant plus scandaleuse que les Afro-Américains comptent pour 27 % de la population de l’Alabama. Cette carte électorale inique sera en vigueur pour les prochaines élections avant un jugement sur le fond que les défenseurs des droits ne peuvent désormais que redouter.
Le mépris affiché envers le Voting Rights Act a été si manifeste que le président de la Cour suprême, John Roberts, a rejoint les trois juges progressistes pour le dénoncer. Le juge conservateur a pourtant orchestré la première offensive contre cette loi emblématique, en 2013, lorsqu’il a permis la suppression de l’avis préalable du département de la justice pour toute modification des lois électorales en vigueur dans les Etats lestés par un passif avéré en matière de discrimination. La manœuvre en cours dans l’Alabama prouve malheureusement, a posteriori, la légitimité de ce contrôle.
Menace sur la démocratie américaine
Cette dérive rend plus légitimes que jamais les tentatives démocrates d’empêcher une instrumentalisation des lois électorales pour le bénéfice du seul Parti républicain. Elle représente la plus grande menace qui pèse aujourd’hui sur la démocratie américaine. Hélas, le président Joe Biden et les élus de son parti ne disposent pas aujourd’hui, face à un Grand Old Party en pleine dérive, des majorités nécessaires au Congrès pour que le vote conserve sa fonction primordiale : l’expression d’une volonté générale désormais attaquée de toutes parts.
Les démocrates ne sont pas exempts de reproches, notamment en matière de charcutage électoral, comme en témoignent les circonscriptions redessinées dans leurs bastions après le dernier recensement décennal. La transformation de la Cour suprême en machine de guerre conservatrice est en revanche le produit presque exclusif des efforts républicains et la traduction d’une véritable tyrannie de la minorité dont le poids démesuré des Etats ruraux au Sénat est l’illustration.
Cette dérive a précédé l’hystérisation entretenue depuis son irruption dans la politique par Donald Trump, encore illustrée par la mise au ban, le 4 février, des élus qui refusent la théorie du complot d’une élection présidentielle volée et par l’absolution accordée aux émeutiers du Capitole maquillés en patriotes. Malheureusement pour les citoyens des Etats-Unis, les effets mortifères de ce dévoiement risquent donc de survivre à l’ancien président.
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