Avec le début de la guerre en Ukraine, plusieurs options s’offrent à Washington face à Moscou. Aucune d’entre elles ne garantit quoi que ce soit cependant, surtout pas une fin heureuse.
Alors que la Russie a officiellement entrepris l’invasion de l’Ukraine, et que la Maison-Blanche a déjà fait savoir qu’un tel geste hostile allait déclencher une série de mesures sévères contre Moscou, une question fondamentale s’impose : quelles sont les options pour les États-Unis à ce moment-ci ?
Il y en a quatre.
Les sanctions
L’administration du président américain Joe Biden peut continuer — comme elle le fait depuis lundi, après la reconnaissance par Moscou des régions séparatistes prorusses de l’Est ukrainien — à imposer des sanctions financières au régime russe. L’idée est d’y aller de façon graduelle, en passant à des punitions de plus en plus sévères. C’est ce qu’elle a annoncé jeudi, avec quatre banques russes supplémentaires pénalisées et plus de la moitié des importations technologiques de la Russie supprimées. Vladimir Poutine pourrait être aussi personnellement sanctionné.
Toutefois, cette voie est semée d’embûches internes pour le président démocrate. Car ce n’est pas seulement le degré de sévérité qui risque d’augmenter progressivement, mais également le degré de difficulté à faire adopter ces mesures par les élus. Car, constitutionnellement, les sanctions les plus musclées sont généralement celles qui doivent recevoir l’aval du Congrès, où l’atteinte d’un consensus est un travail ardu, surtout en cette période de grandes divisions aux États-Unis.
Au sein de l’OTAN, la résistance, particulièrement de la part de pays européens craignant la Russie ou dépendant d’elle, se fera sentir tôt ou tard. Par exemple, bien que l’administration Biden semble avoir réussi un important coup diplomatique en obtenant de l’Allemagne, après des semaines de tractations, la décision de suspendre le « fameux » oléoduc Nord Stream 2 la liant à la Russie, d’autres nations, comme l’Italie, paraissent déjà frileuses à l’idée de se mettre davantage à dos leur principale source d’approvisionnement en gaz.
Et puis, les sanctions ont un pouvoir limité. Tout simplement parce que, pour la Russie, lorsqu’il est question de l’Ukraine, les considérations de nature économique peuvent avoir un poids très relatif par rapport aux préoccupations géopolitiques. Tant et aussi longtemps que le Kremlin se sentira menacé par l’Occident, comme c’est le cas depuis maintenant des années, notamment depuis le rapprochement de son voisin avec l’Europe et l’OTAN, punir financièrement quelques oligarques n’accomplira pas de miracles.
L’insurrection
Si Poutine cherche à occuper le territoire ukrainien pendant une certaine période, les États-Unis pourraient appuyer et financer, à visage découvert ou secrètement, une insurrection sur le sol contre les troupes russes. C’est ce que le sénateur et ex-candidat présidentiel républicain Mitt Romney suggérait déjà en janvier à la télévision américaine. Romney, qui il y a 10 ans avait qualifié la Russie d’« ennemi géopolitique numéro un » des États-Unis, voit dans une éventuelle insurrection la possibilité de saigner — au sens figuré et littéralement — la Russie.
Poutine, si sensible à l’histoire de son pays, doit se souvenir que les enlisements militaires à l’étranger ont été au cœur de la chute du régime tsariste pendant la Première Guerre mondiale et du régime soviétique pendant la guerre froide. Les risques liés à une occupation de l’Ukraine — le fait de devenir responsable d’un pays de 40 millions de personnes dont la nette majorité, particulièrement dans sa partie ouest, ne veut rien savoir d’une présence russe — sont bien réels pour Poutine. La perspective de complications et de pertes militaires soutenues pourrait peser dans la balance.
Toutefois, les coûts d’une telle approche, ne serait-ce qu’en pertes de vies pour les Ukrainiens, seraient considérables et l’issue demeurerait incertaine. En fin de compte, les États-Unis pourraient contribuer à créer ou alimenter l’équivalent d’un conflit civil qui ferait des torts inimaginables à l’Ukraine… et réduirait pratiquement à néant ses chances de se joindre à l’OTAN — le point de départ de la crise. Poutine pourrait ironiquement en sortir gagnant.
La militarisation
En plus de financer une insurrection, les États-Unis pourraient, en principe, se porter activement à la défense de l’Ukraine en y envoyant leurs propres soldats. Il s’agirait évidemment de l’option la plus nette — et aussi, bien sûr, la plus dangereuse. Comme l’a récemment dit le président Biden lui-même : « Lorsque les Américains et les Russes commencent à se tirer dessus, il y a une guerre mondiale. » Cette option a donc, pour l’instant, été catégoriquement rejetée par la Maison-Blanche.
Cela n’a toutefois pas empêché l’administration Biden de donner son appui à l’envoi de soldats dans des pays baltes comme l’Estonie et la Lettonie, ex-territoires soviétiques comme l’Ukraine, voisins de la Russie et… membres de l’OTAN. Dans un contexte où l’article 5 de la charte de l’OTAN stipule la défense mutuelle des membres du Traité de l’Atlantique Nord et où Biden a promis très explicitement de défendre « chaque pouce carré » du territoire de l’OTAN, alors que la Russie s’oppose à l’adhésion de ces pays à l’organisation militaire, ce n’est pas une décision sans risque. Il a répété cet engagement jeudi, lors de sa conférence de presse après une rencontre avec les dirigeants de l’OTAN.
L’acquiescement
L’option la plus élémentaire a été écartée d’emblée par les États-Unis dès le début de la crise : considérer sérieusement, voire accepter la demande première de la Russie de s’engager à ne pas admettre l’Ukraine dans l’OTAN. Or, si cette option était irrecevable pour les Américains et leurs alliés avant que Poutine ordonne l’invasion, elle semble carrément impensable aujourd’hui.
Le lecteur s’étant rendu jusqu’ici aura compris une chose : à ce stade-ci de la crise, il n’existe plus de sortie miracle pouvant être orchestrée par les États-Unis.
La suite ne s’annonce pas belle.
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