Même si la réaction de Joe Biden à la crise ukrainienne a été ferme et bien calibrée, la dernière avancée russe expose et approfondit les divisions aux États-Unis.
Vladimir Poutine est inscrutable, mais ses actions en Ukraine semblent servir trois grands objectifs : reconstituer la grandeur historique de la Russie, affaiblir la seule grande puissance qui puisse lui faire obstacle et semer la division dans l’Alliance atlantique.
L’invasion des régions russophones de l’est de l’Ukraine s’inscrit bien dans le premier objectif, mais les réactions immédiates aux États-Unis semblent montrer qu’elle sert aussi assez bien le second. Quant au troisième, l’avenir le dira.
Agression et divisions
Il faut être bien naïf pour gober la justification alambiquée de Poutine pour la dernière incursion de ses troupes en Ukraine. C’était une invasion pure et simple. La question est maintenant de savoir si la Russie pourra continuer à occuper impunément son voisin.
À Washington, l’opposition blâme en bloc le président Biden. Pourtant, depuis le début de cette crise, l’administration Biden a articulé clairement et fermement l’intention des États-Unis de sanctionner sévèrement toute nouvelle incursion russe en Ukraine et a facilité un renforcement de la cohésion de l’Alliance atlantique.
Alors que les États-Unis ont historiquement parlé d’une seule voix dans ce genre de circonstances, cette crise expose de profondes divisions partisanes. Si les républicains sont unanimes à blâmer Biden, leurs positions sont plutôt contradictoires.
Les républicains plus traditionnels jugent que Biden aurait dû enclencher les sanctions il y a longtemps, ce qui va à l’encontre de la logique même des sanctions. Les isolationnistes de la mouvance trumpiste reprochent à Biden d’envenimer la situation en se mêlant d’un conflit qui ne concerne pas les États-Unis.
Trump à plat ventre
La réaction de l’ex-président en dit long. Après l’invasion russe des régions de Lougansk et de Donetsk, Donald Trump a fait l’éloge du président russe. Pour Trump, la reconnaissance de « l’indépendance » de ces régions et l’envoi de troupes de « maintien de la paix » est un coup de génie de Poutine, dont il se garde bien de critiquer les visées expansionnistes.
Trump affirme évidemment que rien de cela ne serait arrivé s’il avait été en poste. En fait, quand Trump était président, Poutine n’avait pas besoin d’intervenir à l’étranger pour renforcer ses positions. Il pouvait impunément anéantir ce qui restait d’opposition en Russie en laissant Trump s’occuper d’affaiblir la démocratie américaine et de fractionner l’OTAN. Les invasions pouvaient attendre.
Pressions sur l’alliance
Si l’action russe divise les élites politiques des États-Unis, elle fait face pour le moment à un front assez uni des alliés européens, malgré leur dépendance envers les hydrocarbures russes. Comme les prix sont déjà élevés et les économies déjà fragilisées par la pandémie, Poutine mise probablement sur le fait que les pays occidentaux n’auront pas la volonté politique de maintenir des sanctions qui leur coûteront cher. Certaines réactions européennes étonnent par leur vigueur, notamment la décision allemande de suspendre la certification du gazoduc Nord Stream 2, un gros coup pour la Russie. Tous les alliés occidentaux, y compris le Canada, devront assumer une partie du coût des sanctions et du renforcement de l’OTAN en Europe.
Reste à voir combien de temps les alliés tiendront, parce que Poutine, lui, n’a pas l’air très intimidé par les menaces de sanctions et il semble déterminé à jouer ce jeu longtemps.
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