La stratégie visant à mettre économiquement à genoux la Russie et le régime Poutine est un échec sur toute la ligne, malgré la solidarité des Occidentaux.
En janvier dernier, lorsque les troupes russes commençaient à se masser près de la frontière ukrainienne, le gouvernement américain évoquait déjà l’arme choisie pour dissuader Vladimir Poutine de lancer une invasion : des sanctions économiques majeures contre son régime et son pays. Or, comme on l’écrivait ici, une fois qu’on a compris ce qui se passe dans la tête de Poutine, l’efficacité de telles sanctions ne pouvait qu’inspirer le scepticisme.
On connaît la suite tragique : les menaces répétées de « sanctions paralysantes » de la part du président américain, Joe Biden, ont échoué à éviter l’invasion russe en Ukraine. L’échec est tel, en fait, qu’à la suite de l’invasion, la Maison-Blanche s’est mise à prétendre que la dissuasion n’avait jamais été l’objectif des sanctions… alors qu’elle avait passé des semaines à affirmer précisément l’inverse.
Là où la Maison-Blanche a toutefois gagné son pari, c’est dans sa promesse d’unir l’Occident derrière un ensemble de punitions sans précédent face à la Russie. Oligarques, membres de la Douma (le Parlement russe), banque centrale de Russie, importations d’hydrocarbures russes : plus le temps a avancé, plus les sanctions ont pris de l’ampleur.
Pourtant, après plus d’un mois de guerre, non seulement Poutine n’a pas paru ennuyé par les sanctions, mais il ne semble aucunement vouloir battre en retraite. Pour quiconque a lu mes textes des dernières semaines, le constat n’a rien de surprenant.
Dans un duel entre des considérations sécuritaires et économiques, un régime et son dirigeant craignant pour leur pérennité risquent naturellement de prioriser les considérations sécuritaires. L’instinct de survie vient en premier, dans la nature comme en politique. Et, au risque de le répéter, la Russie n’est pas une démocratie : le système de pression politique qui s’opérerait dans un pays occidental placé dans une telle situation ne se transpose pas aussi magiquement dans un régime de la sorte.
L’incidence économique réelle
Peut-être pire encore, des questions commencent maintenant à être ouvertement posées dans les médias américains quant aux effets économiques réels de ces sanctions. Après que le président américain se fut félicité d’avoir vu le rouble « réduit à des ruines »… ce dernier a, en l’espace d’un mois, retrouvé son niveau préinvasion.
Et pour tous les efforts diplomatiques, aussi admirables soient-ils, déployés afin de pousser les pays de l’Europe à s’affranchir de la dépendance au gaz et au pétrole russes, d’autres pays, notamment l’Inde, ont augmenté de façon considérable leurs propres importations de la Russie. Celle-ci a beau négocier « au rabais », avec le prix du baril de pétrole Brent avoisinant les 130 dollars américains, le régime Poutine est encore loin de se retrouver sans le sou.
En fait, l’ensemble des trois plus importants pays ayant formellement refusé de condamner l’invasion russe de l’Ukraine — l’Inde (la plus grosse démocratie de la planète), le Brésil (la plus grosse économie de l’Amérique latine) et, évidemment, la Chine — représente quelque trois milliards d’habitants, sur les huit peuplant la planète. L’Inde, à elle seule, compte plus de citoyens que toute l’Union européenne.
Que faire ?
Quelle est donc la réaction dans les corridors du pouvoir à Washington ? Tenter de trouver de nouvelles sanctions occidentales, bien sûr. Mais qu’en sera l’objectif ? Si la dissuasion d’envahir a échoué, et que la tentative de faire reculer Poutine a fait de même, peut-être pourra-t-on au moins arriver à étrangler suffisamment les finances personnelles des citoyens russes pour qu’ils retournent leur veste contre leur président.
Le 30 mars, la seule maison de sondage indépendante majeure de la Russie a publié les données de sa plus récente enquête. Après un mois de sanctions occidentales, le pourcentage de Russes jugeant que leur pays s’en allait dans la bonne direction avait bondi de 52 % à 69 % — le plus haut sommet jamais atteint depuis l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, en 1999. Et le taux d’approbation de ce dernier dépasse désormais le cap des 80 %.
La situation n’est malheureusement pas aussi simple que l’on aimerait le croire.
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