Rotten Apples in Congress

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Les pommes pourries du Congrès américain

La décence a peut-être retrouvé quelque peu ses lettres de noblesse à la Maison-Blanche depuis l’arrivée d’un président plus conventionnel, mais la manière Trump semble s’être solidement incrustée dans le Parti républicain. Voici quelques exemples édifiants.

La dernière élection présidentielle américaine s’est jouée essentiellement sur une question : le caractère. C’était, plus que tout autre attrait, celui qui distinguait le mieux la candidature de Joe Biden de celle de Donald Trump : un retour au respect, au civisme et à la décence. Le contraste avec le président sortant était net.

Or, bien que le « style Trump » ait été chassé de la Maison-Blanche, il est demeuré bien ancré à Washington depuis le départ de l’homme d’affaires, surtout dans le Parti républicain.

Au moment où Trump s’inclinait face à Biden dans la course présidentielle, le 3 novembre 2020, deux nouvelles élues à la Chambre des représentants s’engageaient à suivre ses traces : Lauren Boebert, du Colorado, et Marjorie Taylor Greene, de la Géorgie.

Dès leurs premiers jours en fonction, elles ont défrayé la chronique. Boebert a fait une scène en refusant de dévoiler le contenu de son sac à main après avoir déclenché les alarmes des détecteurs de métal à son entrée à la Chambre. Propriétaire du restaurant Shooters Grill dans un village nommé Rifle (qui signifie « fusil »), elle avait d’ailleurs promis pendant sa campagne de siéger « armée » si elle était élue.

Quant à Greene, lors de la toute première journée en fonction de Joe Biden, elle a déposé une motion… pour lancer une procédure de destitution contre lui. Ça donnait le ton. Et les 14 mois qui ont suivi se sont inscrits dans la même veine.

Plus récemment, pendant le discours sur l’état de l’Union de Biden, moment solennel annuel présenté au Congrès, Boebert et Greene ont hurlé des critiques au président, lui tournant également le dos devant les caméras.

Dans tout milieu de travail « normal », ce genre de comportement serait sanctionné. Or, le Congrès n’est pas — ou n’est plus — un lieu de travail normal : Boebert et Greene se dirigent toutes deux vers des réélections aisées en novembre.

Et alors que se déroulent les primaires qui permettront de choisir les candidats républicains pour les élections de mi-mandat dans huit mois, c’est plus que jamais évident que le style Trump s’impose toujours. Ainsi, Greene et Boebert pourraient avoir à leurs côtés de nouveaux membres qui oseront pousser le bouchon encore plus loin.

L’Ohio, un des morceaux électoraux essentiels dans le cœur industriel américain, se classe au septième rang des États les plus peuplés au pays. Il est également l’un des plus chaudement disputés lors des élections présidentielles depuis plus d’un siècle. Surnommé « la mère des présidents », l’Ohio en a produit sept au cours de l’histoire américaine — en plus de trois présidents de la Chambre des représentants. Seuls trois autres États ont fait mieux.

Or, en 2022, l’Ohio pourrait élire comme nouveau sénateur un candidat aux antipodes d’un chef d’État. Josh Mandel, ex-marine et ex-trésorier de l’État, a déjà été défait dans deux campagnes précédentes pour le Sénat, en 2012 et 2018 — et il semble déterminé à s’assurer que la troisième tentative sera la bonne, ou du moins qu’elle marquera les esprits.

Ainsi, en février, Mandel a participé à un débat lors duquel les débordements se sont succédé, le républicain traitant notamment de « stupide » la candidate qu’il affrontait sur scène, avant de pontifier sur l’histoire de l’esclavage, avançant que la nation d’Israël était la seule au monde à ne pas avoir « importé » des esclaves d’Afrique.

Et ce n’était qu’un avant-goût.

Le 18 mars, dans un autre débat — celui-ci opposant les différents candidats républicains dans la course —, Mandel s’est brusquement levé et braqué à quelques centimètres du visage d’un rival, Mike Gibbons, qui venait de critiquer son manque d’expérience dans le monde des affaires. Après avoir dû être éloigné par le modérateur, Mandel a lancé ce qui ressemblait à une menace directe, avertissant son adversaire de « surveiller ce qui allait arriver », avant de le traiter de « chatte » (« pussy ») — toujours sur scène et à micro ouvert.

Pendant ce temps, à quelque 300 km de là, dans un autre État au cœur de l’Amérique, le Missouri, une autre course pour le Sénat retient l’attention. Eric Greitens, d’abord élu gouverneur en 2016 en l’emportant par une vingtaine de points, a dû démissionner en cours de mandat après avoir été accusé d’agression sexuelle et de chantage contre sa styliste.

En 2022, le politicien déchu sollicite à nouveau le vote des électeurs du Missouri — cette fois-ci pour les représenter au Sénat à Washington. Et cette année, c’est son ex-femme qui l’accuse de l’avoir agressée, ainsi que leurs enfants. Un de leurs fils en aurait gardé, selon l’ex-épouse de Greitens, un « visage enflé, des gencives ensanglantées et une dent branlante ».

Greitens rejette catégoriquement les appels répétés de politiciens républicains, dont l’autre sénateur du Missouri, Josh Hawley, à son retrait de la course, le jugeant inapte au poste. Hawley n’est pourtant pas tellement plus fréquentable : il a été l’un des principaux élus instigateurs de l’insurrection contre le Capitole en janvier 2021 !

Et voilà que, à huit mois du vote, Josh Mandel frôle la position de tête en Ohio, juste derrière Mike Gibbons, lui-même partisan de la théorie farfelue de la présidence volée de 2020. Eric Greitens occupe la première place au Missouri.

Puis, dans ce qui était aux yeux de beaucoup de gens un poisson d’avril, une voix connue est venue s’ajouter à la chorale, le 1er du mois : l’ex-candidate à la vice-présidence et gouverneure de l’Alaska Sarah Palin a officiellement annoncé sa candidature pour le Congrès en 2022. La polémiste en chef des années avant Donald Trump — considérée par plusieurs comme ayant en fait tracé le chemin pour ce dernier — a jugé le moment tout désigné pour effectuer son grand retour après 13 ans d’exil politique. Et elle a peut-être raison.

En l’espace de 48 heures, Trump appuyait officiellement sa candidature.

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