Mass Shooting in Texas: Nothing Today Justifies Fetish with 2nd Amendment

<--

Aux armes citoyens ! Formez vos bataillons ! Marchons, oui marchons ! Qu’un sang pur et innocent abreuve nos rues, nos écoles et nos églises !

Tel pourrait être, tel devrait être l’air martial du plus puissant des lobbies américains, la National Rifle Association (NRA). Aucun républicain ne peut imaginer gagner une élection sans le soutien effectif de ce lobby. Chaque candidat et chaque élu sortant du Congrès dispose d’une note de la NRA, cotée de A + à F. Si la note est inférieure à A, l’élection sera difficile sinon impossible car le lobby, avec ses 5 millions de membres, est présent dans tous les Etats, et tous les parlements des Etats. Son objectif est insatiable : armer le plus grand nombre de citoyens pour qu’ils se protègent contre d’imaginaires ennemis.

Fétichisme du deuxième amendement

L’accès facile aux armes à feu fait partie de la culture américaine. Cette culture est aujourd’hui ancrée dans une lecture contestable du deuxième amendement de la Constitution des Etats-Unis : «Une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d’un Etat libre, le droit du peuple de détenir et de porter des armes ne sera pas empiété.» Qui sont les citoyens armés aujourd’hui aux Etats-Unis ? – environ 81 millions de personnes, disposant d’un total de 393 millions d’armes à feu et, de façon plus limitée, les membres des gardes nationales des Etats. De quelles armes s’agit-il ? Au XVIIIe siècle, à l’époque de la rédaction du deuxième amendement (1791), les armes disponibles étaient des mousquetons qu’il fallait constamment recharger à la main, après avoir nettoyé la chambre du canon et introduit une nouvelle dose de poudre. En une heure, un tireur d’élite pouvait à la rigueur tuer trois ou quatre personnes, certainement pas 20, 30 ou 50. Les armes de guerre, les fusils d’assaut semi-automatiques disposant de gros chargeurs n’existaient pas à l’époque des premiers colons américains. Ces inventions récentes, liées aux guerres modernes sont désormais à disposition des consommateurs américains avec un minimum de restriction, particulièrement dans des Etats laxistes comme le Texas : une rapide vérification d’identité (pour l’âge et le casier judiciaire), aucun permis de tir, aucune limite aux achats de munitions, aucune restriction quant à la présence de ces armes à la maison ou dans la rue (sauf si l’arme est cachée), aucune question sur la santé mentale de l’acheteur (sauf s’il est un «malade psychiatrique» confirmé, ce qui reste difficile à prouver).

Le fétichisme du deuxième amendement – ne touchez pas à mon droit constitutionnel de porter des armes – est encouragé par la Cour suprême depuis une décision clef, «District of Columbia contre Heller» (2008). Cette décision reposait sur une lecture fort discutable de l’amendement, séparant radicalement le droit de port d’arme, de la nécessité d’appartenir à une «milice». La Cour donnait raison au plaignant, M. Heller, qui souhaitait disposer d’une arme à feu à domicile, pour sa protection personnelle, sans usage restrictif, en violation de la loi du District of Columbia. Cette décision, énoncée par l’un des juges les plus conservateurs de la Cour, Antonin Scalia, gelait pour longtemps le débat sur la portée réelle ou supposée du deuxième amendement. Mais elle n’empêchait pas des Etats particuliers d’établir des contrôles limitant ou interdisant l’usage de certaines armes.

Le catéchisme de la NRA

Le remède aux innombrables massacres d’écoliers est des plus simples : interdire la vente libre d’armes de guerre, disposant d’un large magasin. Un pistolet à barillet de six coups ou un fusil de chasse devraient suffire pour se protéger contre d’hypothétiques bandits. Limiter la vente d’armes, de fusils d’assaut en particulier, porterait certainement atteinte aux intérêts des producteurs d’armes et de leur lobby hyperpuissant, la NRA. C’est bien pourquoi de telles limites sont si rares. Elles existent pourtant en Californie, dans l’Etat de New York et d’autres Etats politiquement dominés par les démocrates. Mais elles sont systématiquement bloquées par les élus des Etats les plus conservateurs. Le meilleur moyen d’occulter le remède proposé est de ne jamais mentionner son existence. Voici la défense télévisée du gouverneur du Texas, Greg Abbott, à propos du massacre des élèves de l’école primaire de Uvalde : il exprime ses condoléances, il offre des prières, il se plaint de l’acte criminel «d’un pur démon», il défend le beau travail de la police (intervenue hélas un peu trop tard), il se plaint du manque d’hôpitaux psychiatriques dans le voisinage, il regrette que Facebook n’ait pas réagi plus vite à quelques blogs inquiétants, il déplore le fait que l’école dispose de «trop de portes» empêchant ainsi une protection efficace, et il annonce, enfin, une période de réflexion pour améliorer la protection des écoles (lire : plus d’armes, de gardes, de policiers et de surveillance).

Mais pas un mot sur l’évidence même : arrêter la vente libre des armes les plus dangereuses. Ajoutant l’insulte à l’ignorance, le gouverneur évoque des villes comme New York et Chicago qui ont imposé, avec succès, des mesures restrictives sur les ventes d’armes. La criminalité, dans ces villes-là, prétend-il, a augmenté plus encore qu’au Texas. Mais il confond les écoles, qui n’ont pas subi dans ces deux villes de massacre récent, avec les gangs armés, qui font certes des dégâts, entre eux, sans exterminer des dizaines d’enfants. Comme à leur habitude, les adhérents de la NRA dénoncent leurs adversaires comme des «politicailleurs» cherchant à instrumentaliser à leur avantage des événements tragiques. Pour eux, d’après le catéchisme sans cesse ressassé par ce lobby omniprésent, «la seule façon d’arrêter un sale gars avec une arme à feu est de lui opposer un brave gars avec une arme à feu», selon le rédacteur en chef de la National Public Radio, Ron Elving, dans une chronique «The NRA wasn’t always against Gun Restrictions», le 10 octobre 2017.

Selon un tweet du républicain Paul Gosar (effacé depuis), l’un des élus républicains de l’Arizona au Congrès, le responsable du massacre était «un sans-papiers, transsexuel et gauchiste». Pour d’autres, d’après Fox News, les parents étaient responsables ! Ils auraient dû envoyer leurs enfants dans des écoles privées, plus coûteuses et mieux protégées. Le conspirationnisme reste donc sans limite aux Etats-Unis.

About this publication