Turbulence in the Taiwan Strait

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Des remous dans le détroit de Taïwan

La visite de Nancy Pelosi profite avant tout à Pékin, qui muscle sa réponse face à une stratégie américaine plus ambiguë que jamais dans la région.

Nancy Pelosi avait le droit de venir à Taïwan. Mais a-t-elle eu raison de le faire? Et à qui profite sa visite? Élue 18 fois à la Chambre des représentants, à nouveau candidate en novembre, elle prouve qu’elle est bien la «femme la plus puissante de Washington». Son voyage à Taipei, malgré les menaces chinoises et les réticences de la Maison-Blanche, lui vaut un large soutien aux États-Unis, y compris chez ses plus farouches adversaires – tant la menace chinoise est l’un des rares sujets qui rassemblent Démocrates et Républicains.

Pour avoir défié Pékin, Nancy Pelosi lustre sa légende mais brouille davantage une stratégie américaine de moins en moins lisible sur Taïwan. À trois reprises ces derniers mois, Joe Biden a semblé ignorer la fameuse «ambiguïté stratégique» suivie jusque-là par les États-Unis, assurant Taïwan de son soutien militaire en cas d’agression chinoise, avant d’être plus ou moins démenti par ses conseillers.

Mêmes contorsions aujourd’hui des porte-parole de la Maison-Blanche pour minimiser la portée de la visite de Nancy Pelosi à Taipei: il n’y a pas de quoi en faire une crise, dit-on à Washington, «rien n’a changé». Autrement dit, les États-Unis ne reconnaissent toujours pas l’indépendance de Taïwan, même si leur soutien aux autorités taïwanaises est de plus en plus appuyé.

Résultat: pendant que les États-Unis ajoutent de l’ambiguïté à l’«ambiguïté stratégique», Pékin en profite pour justifier des sanctions commerciales contre l’île et de nouvelles manœuvres militaires dans le détroit de Taïwan. Nancy Pelosi offre à Xi Jinping une occasion rêvée pour dénoncer les provocations américaines, renforcer son armée et brandir le hochet taïwanais devant ses compatriotes. Une diversion nationaliste utile, en pleine crise économique et à quelques mois du Congrès du Parti communiste.

Malika Nedir est cheffe de la rubrique Monde depuis 2019. Elle a travaillé auparavant à la RTS comme reporter, journaliste à la rubrique Internationale, correspondante à Paris et présentatrice du TJ. Elle est lauréate du Prix Jean Dumur en 2004. Plus d’infos

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