The FBI Is Playing with Fire

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Le FBI joue avec le feu

L’agence policière doit dévoiler rapidement les raisons de la perquisition à Mar-a-Lago, sans quoi les partisans de Donald Trump retrouveront leur fougue de janvier 2021.

Malgré toutes les révélations fracassantes et tous les précédents auxquels nous a habitués l’ère Trump, rien ne pouvait nous préparer à l’onde de choc d’une perquisition par le FBI à la résidence principale d’un ex-président américain.

Or, le 8 août en début de soirée, le 45e président a annoncé au monde entier que sa « magnifique demeure de Mar-a-Lago », en Floride, avait fait l’objet d’une visite impromptue d’une trentaine d’agents fédéraux.

Les questions restent nombreuses à la suite de l’événement. Pour le bien de la démocratie américaine, de la cohésion sociale et des institutions, on devrait, d’une certaine façon, souhaiter que les preuves trouvées par les enquêteurs soient aussi graves et incriminantes que possible — et présentées au public avec limpidité et empressement. Rendre public le mandat de perquisition, comme le souhaite le procureur général Merrick Garland, serait un début. Car cette intervention sans précédent comporte trop de risques politiques pour reposer sur des motifs légers.

La première piste

Rapidement après l’annonce de la perquisition, les médias américains ont avancé qu’elle était liée au possible vol de documents présidentiels et gouvernementaux par Donald Trump, après qu’il eut quitté ses fonctions de président en janvier 2021.

En théorie, l’omission de conserver ces documents comme l’impose la loi justifie les démarches entreprises contre Trump. En théorie, tout citoyen est tenu de respecter toutes les lois. Et en théorie, le fait de bafouer précisément les dispositions sur la conservation des documents peut entraîner une interdiction formelle d’occuper le poste de président — un élément important dans un contexte où Donald Trump caresse publiquement l’idée de se lancer dans la course présidentielle de 2024.

Vue comme ça, l’intervention du FBI à la résidence de l’ancien président paraît justifiée.

Or, chercher à inculper Donald Trump et à l’empêcher de déposer sa candidature seulement sur la base des lois relatives aux Archives nationales serait d’une rare bêtise.

Les alliés et les membres de la famille de l’ex-président se sont empressés, dès la perquisition connue, de répéter ad nauseam que les adversaires de Trump, comme Hillary Clinton, avaient bénéficié de traitements de faveur de la part de la justice américaine. Et force est de reconnaître que, surtout si des accusations devaient être portées contre Trump à propos de ces documents, ils n’auraient pas tort.

Sans être présidente, Hillary Clinton occupait un poste public majeur — celui de secrétaire d’État. Et alors qu’elle dirigeait la diplomatie américaine, elle a fait installer un serveur privé dans sa résidence personnelle pour, présume-t-on, contourner les lois sur l’accès à l’information. Une fois l’existence du serveur dévoilée, ses employés ont activement détruit des milliers de documents gouvernementaux qui faisaient par surcroît l’objet d’un subpoena de la part du Congrès.

Or, Hillary Clinton n’a pas été inculpée. Elle n’a même pas subi une perquisition comme celle menée à Mar-a-Lago.

Si la justice américaine décide, contre le principe d’égalité devant la loi, de fixer un seuil plus élevé avant d’accuser un candidat présidentiel, elle se doit d’appliquer cette norme informelle de façon équitable. Il s’agirait autrement d’une inégalité devant la loi au sein même d’une inégalité devant la loi si énorme que Trump aurait beau jeu de crier au double standard, à la politisation de la police… et à la chasse aux sorcières.

La deuxième piste

Le tout serait d’autant plus incompréhensible qu’il existe déjà des motifs plus simples et, surtout, nettement plus graves de poursuivre Trump au criminel, à commencer par ses tentatives hautement documentées de falsifier les résultats de l’élection de 2020.

Le monde entier a déjà accès, depuis janvier 2021, à l’enregistrement intégral de l’appel d’une heure entre Trump et le responsable électoral de la Géorgie, qu’il menace de conséquences judiciaires s’il ne l’aide pas à « trouver » les 11 780 votes qui lui manquent pour être déclaré vainqueur dans cet État.

Le FBI croit-il réellement pouvoir mettre la main sur des preuves d’un crime plus grave dans le coffre-fort de Mar-a-Lago ? Si la réponse existe, elle se fait impatiemment attendre. On a, d’un côté, des boîtes de documents transportées du bureau du président à sa demeure ; et de l’autre, une tentative de coup d’État.

Et ce n’est pas seulement une affaire judiciaire, c’est aussi une question politique. Au sujet de l’élection de 2020 et de l’insurrection qui a suivi, les républicains étaient, et demeurent, divisés. Trump commençait à voir ses appuis s’effriter au sein du parti, particulièrement depuis les audiences de la commission d’enquête sur l’assaut du Capitole du 6 janvier 2021.

Or, la perquisition du FBI, pour l’instant toujours « justifiée » par la présence illégale de documents à Mar-a-Lago, a mené à une galvanisation des troupes républicaines et, surtout, à une unification des appuis à Trump. Un sondage Politico mené après la perquisition et publié jeudi après-midi indiquait que 58% des électeurs républicains disent vouloir choisir Donald Trump comme candidat présidentiel en 2024. C’est le niveau le plus élevé depuis l’élection de 2020.

Le lendemain de la perquisition, des voix allant de la polémiste radicale Marjorie Taylor-Greene au nouveau gouverneur posé et pro-establishment de la Virginie Glenn Youngkin ont condamné les actions du FBI, tout comme l’ex-vice-président Mike Pence, pourtant menacé de mort par les partisans de Trump le jour de l’insurrection et semblant être depuis devenu un rival.

Jamais auparavant un président américain n’avait été l’objet d’une opération policière aussi dramatique. Et pourtant, il faut remonter à longtemps avant le 8 août pour trouver une journée plus payante politiquement pour le principal intéressé. Or, cette journée aurait dû être dévastatrice pour Donald Trump.

Car le matin même de la perquisition, un reportage du magazine The New Yorker dévoilait que Donald Trump, alors qu’il était en fonction, s’était plaint à son chef de cabinet du manque de loyauté des généraux américains à son égard. Ces derniers auraient dû, selon le président, lui être aussi fidèles que les généraux allemands l’avaient été pendant la Seconde Guerre mondiale envers Adolf Hitler.

Le soir venu, tout cela était oublié.

https://lactualite.com/monde/etats-unis/le-fbi-joue-avec-le-feu/

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