Biden est-il en train de créer une surprise électorale?
La tendance en faveur des républicains semble fléchir alors que les démocrates engrangent de bonnes nouvelles.
On le sent depuis quelques semaines, le vent semble avoir changé de direction. Depuis des mois, les républicains bombaient le torse, sûrs de ravir aux démocrates la Chambre des représentants en novembre et peut-être même d’empocher le Sénat.
Ils s’imaginaient déjà faire face à un président démocrate, sans aucun appui du Congrès, pieds et poings liés pendant la deuxième moitié de son mandat.
Certains salivaient déjà à l’idée de lancer une procédure de destitution en bonne et due forme contre un Biden essoufflé, affaibli et très impopulaire. Peu importe la raison, les plus vocaux et extrémistes, comme les Matt Gaetz, Lauren Boebert et Marjorie Taylor-Greene, allaient s’en charger.
Après tout, c’est de bonne guerre. Les démocrates ont bien tenté de déboulonner Donald Trump avec deux procédures, forcément vouées à l’échec puisque de toute façon les sénateurs républicains allaient prononcer un verdict de non-culpabilité peu importe les éléments de preuve qui leur seraient présentés, extrême partisanerie oblige.
Mais aujourd’hui, à 70 jours des élections de mi-mandat, les démocrates peuvent se permettre d’être beaucoup plus optimistes. Ils peuvent envisager de limiter les dégâts à la Chambre des représentants, en la conservant peut-être même de justesse, et pourraient, pourquoi pas, accroître leur présence au Sénat, selon de meilleurs sondages dans certaines courses cruciales. La vague rouge ressemble plus à une ondulation, notait récemment le groupe non partisan The Cook Political Report, en parlant du raz-de-marée garanti chez les républicains il y a quelques mois encore.
D’une confortable avance républicaine à un déclin inquiétant
Les républicains n’ont qu’un groupe à blâmer dans cette glissade : eux-mêmes. Les trumpistes et républicains, entièrement dévoués à la cause de l’ex-président – par conviction ou par peur –, ont tout misé sur l’enjeu social de l’accès à l’avortement (croyant que cela allait asseoir leur supériorité sur ce dossier polarisant), sur la personnalité de Donald Trump – qui fait de plus en plus froncer les sourcils depuis la perquisition – et sur le mécontentement des électeurs quant à l’inflation et au prix de l’essence, un enjeu majeur dans ce pays d’automobilistes, mais qui tend à se calmer avec une baisse des prix.
Les républicains ont surtout oublié une chose fondamentale : ils ne représentent qu’une partie des électeurs américains. Ils oublient que parmi ceux qui ont voté pour Trump en 2016 se trouvaient ceux qu’on appelle les indépendants. Ces Américains qui détestent avoir une affiliation politique collée dans le dos mangent aux deux râteliers politiques d’une élection à l’autre. Et ce bloc, qui représente environ 40 % de l’électorat, commence à se fatiguer des décisions et des impacts des obstructions républicaines au Congrès.
Trump, qui a sélectionné une majorité de candidats qui se sont rangés dans son camp mensonger de l’élection volée de 2020, en mène large pour ces élections de mi-mandat. Mais tout cela est en train de se transformer en un référendum sur sa personnalité et sur la mainmise qu’il exerce sur le parti. Le Parti républicain est le parti de Trump, se targue le clan de l’ex-président.
Peut-être, mais cela est en train de se retourner contre lui.
Si nous choisissons Trump, nous serons détruits et nous le mériterons, avait déclaré en mai 2016 le sénateur Lyndsey Graham, qui faisait alors campagne pour obtenir l’investiture républicaine présidentielle face à Trump. Une citation que certains de ses adversaires aiment ressortir de plus en plus.
Des démocrates plus fougueux
Pendant ce temps, les démocrates, qui ne sont habituellement pas très bons pour se vendre quand vient le temps de défendre leurs réalisations, passent à l’offensive. Ragaillardi par ces chiffres positifs, Joe Biden, il y a quelques jours, devant des partisans et des bailleurs de fonds démocrates, a présenté cette élection comme un référendum sur l’accès à l’avortement, la sécurité au regard des armes à feu, les médicaments sur ordonnance abordables, la protection de la démocratie et la survie même de notre planète.
Autant d’enjeux sur lesquels les républicains ont fait de l’obstruction, notamment au Congrès. Les républicains sont des gens extrêmes qui ne font rien de concret pour vous, alors que nous, démocrates, avons réalisé nos promesses et agissons sur le terrain, semble être le leitmotiv de cette campagne de mi-mandat.
Et pendant que Biden critique vertement les républicains, l’équipe du compte Twitter officiel de la Maison-Blanche s’est laissée aller à narguer les législateurs républicains qui ont tiré à boulets rouges sur l’annulation de la dette de certains étudiants, proposée par Biden. Face aux attaques de ces républicains, l’équipe des médias sociaux du président les a remis à leur place en parlant des centaines de milliers, voire des millions de dollars, que ces législateurs avaient obtenus du gouvernement fédéral en prêts annulés dans le cadre d’un programme de relance pendant la pandémie. Bref, les bleus passent à l’attaque contre les rouges.
Une base démocrate étonnamment mobilisée
Habituellement, les partisans démocrates tendent à bouder leur parti aux élections hors du cycle présidentiel, surtout pour les élections de mi-mandat. Souvent frustrés ou insatisfaits de la performance de ceux qu’ils ont élus, ils préfèrent rester chez eux, histoire de les punir. Or, les chiffres de participation des récentes élections spéciales et primaires démocrates prouvent le contraire cette fois-ci.
Lors de quatre élections spéciales pour des sièges à la Chambre, y compris dans le 19e district de New York, où le candidat du parti a centré sa campagne sur l’avortement, les démocrates ont surpassé la performance de Biden en 2020.
Bien sûr, M. Biden reste impopulaire dans les sondages, mais alors qu’il remportait seulement 37,5 % d’approbation en juillet dernier, il est aujourd’hui à 42,3 %, selon l’agrégateur de sondages Five Thirty Eight. C’est un début de tendance face aux 53,5 % des sondés qui sont insatisfaits de leur président.
Soixante-dix jours pour inverser la tendance
Cette tendance est-elle irréversible pour les républicains? La réponse sera peut-être connue dans une semaine lorsque les sondages publiés aux alentours de la fête du Travail donneront le ton des élections de mi-mandat. Traditionnellement, en effet, les points récoltés par les partis sont bien souvent ceux qu’on trouve au soir de l’élection.
Si la remontée démocrate se confirme, ce serait en tout cas comme si le moule de ce rendez-vous électoral, souvent défavorable au président en poste, pouvait effectivement se briser, à la surprise générale.
Cette course de mi-mandat risque d’être assez palpitante pour certains et dévastatrice pour d’autres. Quelque part en Floride, il y en a un qui doit commencer à se poser des questions.
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