When Democrats Fund Republicans To Win Elections

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Quand les démocrates financent des républicains pour gagner les élections

Dépenser de l’argent pour le parti adverse semble en général contre-productif. Mais certains démocrates ont fait le pari d’aider à faire élire, lors des primaires républicaines, des candidats tellement à droite et négationnistes de l’élection présidentielle de 2020 qu’ils pensent que ce sera plus facile de les battre aux élections de mi-mandat de novembre.

Maintenant que les primaires républicaines sont finalement terminées et que tous les candidats de ce parti ont été sélectionnés pour les élections de novembre, on constate deux choses.

D’abord que, selon Daniel Dale, habile compilateur des mensonges et faussetés des politiciens sur CNN, parmi les 35 candidats qui briguent un siège de sénateur, plus de la moitié d’entre eux croient encore que l’élection présidentielle de 2020 a été truquée. Même chose pour presque deux candidats sur trois à des postes de gouverneur. Ainsi que pour près de la moitié des aspirants républicains au poste de secrétaire d’État, un siège qui supervise notamment les élections.

Deuxièmement, parmi certaines courses, des dépenses démocrates pour faire mousser des candidatures de républicains d’extrême droite semblent avoir porté fruit.

Dernier exemple en date, celui de Don Bolduc, un républicain trumpiste du New Hampshire. Pendant les primaires, un comité d’action politique (un PAC) supervisé par Chuck Schumer, le leader du Parti démocrate au Sénat, a pompé un peu plus de 3 millions de dollars dans la campagne de Don Bolduc, un général à la retraite, dans l’espoir de le faire gagner face à un candidat plus modéré, Chuck Morse. La semaine dernière, le candidat Bolduc est devenu celui qui briguera le siège de sénateur le 8 novembre. Les démocrates se frottent déjà les mains, persuadés qu’il perdra face à leur sénatrice sortante Maggie Hassan.

Des millions dépensés pour des victoires

Robert Burns, obscur candidat républicain du New Hampshire sans grand financement de campagne, s’est retrouvé au centre d’une campagne de 100 000 $ lancée par Democrats Serve. Le but était de le faire élire candidat à la primaire républicaine pour que la représentante démocrate Ann Kuster soit facilement réélue face à un candidat forcément trop extrême.

En Pennsylvanie, Doug Mastriano, qui a déjà comparé le contrôle des armes à feu à des politiques sous le règne de l’Allemagne nazie et qui a aussi partagé une photo disant que l’arrêt Roe contre Wade était pire que l’Holocauste, voulait absolument obtenir la candidature pour devenir gouverneur de l’État. Bien trop à l’extrême droite de la droite, certains républicains estimaient pourtant qu’il n’aurait aucune chance d’être élu en novembre.

Au Maryland, Dan Cox, fanatique des conspirations délirantes de QAnon, s’est présenté pour l’investiture républicaine en vue de briguer le poste de gouverneur pour remplacer le républicain modéré Larry Hogan. Celui-ci préférait d’ailleurs Kelly Schulz, qui avait plus de chances d’être élue en novembre dans cet État plutôt centriste.

Enfin, Darren Bailey, un élu rural de l’État de l’Illinois, un anti-avortement qui a déjà milité pour que la ville de Chicago ne fasse plus partie de l’État, s’est lancé dans la course au poste de gouverneur de l’Illinois. Sans grande chance ni grand financement, ses espoirs étaient plutôt ténus.

Pourtant, ces quatre candidats ont trois choses remarquables en commun : ce sont des trumpistes qui soutiennent la théorie mensongère de l’élection volée, ils ont bénéficié de millions de dollars pour leur campagne déboursés par des démocrates, et ils ont été finalement choisis par les partisans républicains.

Au total, les démocrates se seraient immiscés dans au moins 13 courses à différents niveaux de pouvoir. Selon le Washington Post, ce serait plus de 50 millions de dollars qui auraient été dépensés par divers groupes démocrates dans le but d’aider des candidats républicains extrêmes et, selon eux, sans grande chance de succès le 8 novembre prochain.

Difficile de savoir quelle est la part des investissements démocrates dans la sélection finale des candidats plus extrêmes, mais cela démontre à quel point la polarisation amène certains politiciens à adopter ce genre de tactiques plutôt étranges et, disons-le, très risquées.

Pas une tactique infaillible

La tactique a échoué cependant dans l’État du Colorado, où le groupe Democratic Colorado PAC a injecté pas moins de 4 millions de dollars notamment pour attaquer le candidat au Sénat, Joe O’Dea, un républicain qui soutenait des éléments du programme d’infrastructures de Joe Biden. De l’anti-psychologie risquée qui s’est soldée par… la nomination de O’Dea par les républicains. Ce qui en fait un candidat beaucoup plus menaçant pour le démocrate en place, dans cet État bleu.

Même chose en Californie, où les démocrates avaient donné un coup de pouce financier à Chris Mathys, un négationniste de l’élection de 2020 face à David Valadao, qui a voté en faveur de la destitution de Trump en 2021. Valadao a été choisi par les électeurs républicains.

Qu’en pense le parti?

Parmi les démocrates qui n’osent critiquer à micro ouvert cette tactique se trouve entre autres la vice-présidente Kamala Harris. Questionnée sur la stratégie, elle a éludé la question plusieurs fois en répondant qu’elle ne disait pas aux autres démocrates comment mener leur campagne électorale.

Par contre, Nancy Pelosi, leader démocrate à la Chambre des représentants, déclarait récemment que les décisions politiques sont prises en vue de notre victoire aux élections. Nous pensons que le contraste entre les démocrates et les républicains tels qu’ils sont actuellement est si radical que nous devons gagner.

Une stratégie que certains démocrates dénoncent, mais souvent à micro fermé.

Un retour de manivelle?

Le phénomène d’essayer de faire élire des adversaires moins solides lors des primaires de l’autre parti n’est pas forcément nouveau puisque, en 2012, l’élue démocrate Claire McCaskill du Missouri avait dépensé plus d’un million de dollars pour la campagne d’un candidat républicain sans grande envergure. Choisi à la primaire, il avait été défait par McCaskill.

Aujourd’hui, dix ans plus tard, dans une année électorale ultrapolarisée, la politicienne démocrate a reconnu que la stratégie peut se retourner contre son parti. Car, selon elle, le Parti républicain a beaucoup changé en dix ans. Il ne faut pas compter, dit-elle, sur les instances du parti, encore dévouées à Donald Trump, pour désavouer certains de ses candidats peu honorables dans les faits.

Surtout si les candidats républicains changent leur stratégie pour devenir plus éligibles, maintenant qu’ils doivent battre les démocrates dans la course. Le cas de Darren Bailey, cité plus haut, qui avait déclaré qu’il ne savait pas si les élections de 2020 avaient été décidées équitablement a répondu il y a quelques jours, que oui, il accepterait dorénavant le résultat de 2022, quoi qu’il arrive.

Don Bolduc, le candidat républicain au Sénat du New Hampshire, a fait un virage à 180 degrés affirmant qu’il était arrivé à la conclusion que l’élection présidentielle de 2020 n’était pas volée, après avoir passé plus d’un an à prétendre que c’était le cas. J’ai fait beaucoup de recherches à ce sujet, a-t-il dit sur Fox News. Et je suis arrivé à la conclusion – et je veux être définitif à ce sujet – que l’élection n’a pas été volée.

Deux exemples parmi tant d’autres républicains qui, depuis qu’ils ont été choisis et ont regardé les sondages les plus récents, modifient leur site Internet, gommant ici et là leur opposition radicale à l’avortement ou leur soutien à la théorie fallacieuse de l’élection volée. Devenus moins extrêmes dans certains cas, ils deviennent plus crédibles, ou à tout le moins, moins effrayants, aux yeux des électeurs. Devenant, par la même occasion, plus menaçants pour les candidats démocrates…

Les électeurs, eux, seront-ils dupes le 8 novembre? Les démocrates se croisent en tout cas les doigts pour que leur pari risqué ne se retourne pas contre eux.

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