To the Stake (by Trial)!

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Au poteau (par procès)!

La commission sur le 6 janvier ne dit pas autre chose dans son rapport final que ce qu’elle répète depuis des mois, sur la base des centaines de témoignages et de l’examen des dizaines de milliers de documents qu’elle a réunis : « La cause centrale du 6 Janvier était un homme, l’ancien président Donald Trump. […] Aucun des événements du 6 Janvier ne se serait produit sans lui. »

Au département de la Justice, et plus particulièrement au procureur spécial Jack Smith, réputé avocat qui a déjà travaillé au sein du Tribunal de La Haye sur les crimes de guerre au Kosovo, de rédiger maintenant l’acte d’accusation. Des considérations claniques et politiques vont fortement polluer le débat, comme la commission du Congrès était, en effet, à peine bipartisane.

Mais que M. Trump arrive à échapper à la justice et ne soit pas, plus tôt que plus tard, poursuivi au pénal serait navrant et dangereux. Appel à l’insurrection, complot contre l’État, entrave à une procédure officielle (la certification des résultats de la présidentielle de 2020), fausses déclarations… La commission sur le 6 janvier a appuyé ses recommandations au département de la Justice sur des faits on ne peut plus documentés et gravissimes impliquant distinctement M. Trump. Il en va ici, s’agissant de sanctionner la conspiration sans précédent qui a débouché sur l’assaut du Capitole, de la préservation des fondements mêmes de la vie démocratique américaine.

Donald Trump un peu plus fragilisé ? Les difficultés s’additionnant ne sont pas sans porter ombrage à sa candidature à la présidentielle de 2024. Pour cause d’heureuse contre-performance républicaine aux élections de mi-mandat du 8 novembre, il est lâché par une partie de ses acolytes politiques, encore que moins par épiphanie que par calcul. Lâché aussi par Fox News et le tabloïd New York Post.

Sur le plan des affaires, son entreprise a été reconnue coupable, début décembre, de 17 chefs d’accusation pour fraude fiscale par un tribunal de New York. L’homme a fait simultanément l’objet d’autres enquêtes, de la justice et du FBI, notamment en lien avec la saisie, en août, de documents d’archives classifiés à Mar-a-Lago. En outre, la bataille autour de la divulgation de ses déclarations d’impôt, qu’il s’est acharné pendant des années à cacher, n’a pas fini de le poursuivre.

Il est fragilisé en même temps qu’impénitent, au point de se ridiculiser. Se rétrécissant, Trump continue de se replier sur cette extrême droite américaine qu’il n’aura cessé, oeuvre sordide, de banaliser dans l’espace public et politique, et qui resserre les rangs autour de lui, avec climat de violence politique à la clé. Il ne renie pas son image de chef de gang. Et c’est ainsi qu’il a invité à dîner chez lui le suprémaciste blanc Nick Fuentes et le rappeur Kanye West, qui se gargarise de déclarations antisémites. Plus récemment, c’est la conspirationniste Liz Crokin, promotrice du mouvement QAnon et obsédée du « Pizzagate », qu’il a reçue à Mar-a-Lago. La semaine dernière, il a poussé le délire narcissique jusqu’à annoncer en grande pompe la mise en vente de cartes le représentant sous différentes formes, notamment en superhéros.

On lit surtout dans les feuilles de thé des élections de mi-mandat que M. Trump a échoué. Les candidats trumpistes aux postes stratégiques de sénateur, de gouverneur et de secrétaire d’État ont en effet largement mordu la poussière. Reste que des 254 candidats soutenus par Trump, tous niveaux confondus, 83 % ont gagné leurs élections, selon le site Ballotpedia, qu’au moins 30 % des électeurs républicains se réclament toujours de la mouvance MAGA (« Make America Great Again ») et que l’ex-président conserve d’importants relais, ouverts ou tacites, à la Chambre des représentants, où les républicains disposeront à compter de janvier d’une petite majorité. Conclusion : le mensonge de l’élection volée reste vivace.

Or, croire en Donald Trump veut dire ne jamais avoir à reconnaître les faits, écrit le journaliste Tom Scocca dans le New York Times. Par conséquent, « comment défaire un mouvement bâti autour du refus d’accepter la défaite ? »

Qu’ait lieu ce procès aux ramifications judiciaires complexes, et Trump voudra en faire un grand spectacle médiatique et un instrument de victimisation. Qu’il soit condamné, et les États-Unis ne s’en porteraient évidemment que mieux si Trump ne pouvait finalement pas se représenter en 2024. On n’en oublie pas, évidemment, que se tient en embuscade un politicien plus nocif encore, de bien des manières, en la personne du gouverneur de la Floride, Ron DeSantis. Si M. Trump est le symptôme monstrueux d’une démocratie dysfonctionnelle, il ne faudrait donc surtout pas que l’exercice tourne au fait divers. Parce qu’au fond, son procès serait aussi celui, par introspection, de ce qu’est devenue la démocratie américaine.

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