When Republicans Welcome a Mythomaniac

 

 

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Quand les républicains accueillent un mythomane

Imaginez le bon coup qu’avaient réussi les républicains pour tenter de ravir aux démocrates le siège de représentant du troisième district de New York au Congrès. Ils avaient trouvé le candidat parfait : George Santos.

Un homme d’affaires accompli aux origines juives, bardé de diplômes, qui a travaillé pour Goldman Sachs et Citigroup et qui avait même fondé une association caritative pour des animaux abandonnés.

Contre toute attente, George Santos a battu le candidat démocrate sortant le 8 novembre dernier lors des élections de mi-mandat. L’homme se définit depuis comme l’incarnation complète du rêve américain.

Seul problème, il a menti sur toute la ligne sur ses antécédents. Réglons tout de suite le cas de l’organisation en aide aux petits animaux. Il n’y a aucune trace de Friends of Pets United, son groupe de sauvetage de pitou et minou.

Ensuite, il n’a jamais travaillé pour Citigroup ou Goldman Sachs. Il n’était pas diplômé du Baruch College ni, apparemment, même d’aucun autre collège.

Son entreprise, l’organisation Devolder, semble frauduleuse. Fondée en 2021, Devolder aurait engrangé entre 3,5 millions et 11,5 millions de dollars grâce à des transactions immobilières et des contrats de consultation. Elle a été dissoute en 2022 après avoir failli à remplir un rapport financier annuel.

À ce propos d’ailleurs, personne ne sait où et comment George Santos a obtenu l’argent qui lui a permis de se présenter et de gagner une élection au Congrès américain dans un district new-yorkais aussi important.

Et histoire d’en rajouter une couche, les journalistes d’enquête du New York Times n’ont trouvé aucune preuve pour étayer l’histoire selon laquelle ses grands-parents étaient des Juifs ukrainiens qui avaient fui la persécution juive pendant la Seconde Guerre mondiale à deux reprises.

Pourtant, Kevin McCarthy, le leader républicain à la Chambre des représentants, a même vanté la victoire de Santos en déclarant : Nous avons le plus grand caucus juif républicain depuis plus de 24 ans. Pas mal, hein ?

Sauf que depuis, la Coalition juive républicaine a dénoncé Santos pour dénaturation de son héritage et l’a banni des événements futurs.

Face à tous ces mensonges proférés, l’élu, qui a de plus en plus des allures de mythomane, a eu l’idée de faire une tournée des médias pour tenter de calmer le jeu et surtout de se défendre. D’abord dans le New York Post où il admet ceci : Mon péché ici, c’est d’avoir embelli mon CV, je suis désolé.

Sur son héritage juif, il a répondu qu’il a dit qu’il se considérait non pas comme jewish, mais bien comme jew-ish en référence à son éducation religieuse plutôt catholique que juive.

Le jeu de mots douteux est évidemment rendu caduc dès que vous faites une petite recherche pour trouver des extraits vidéo où il se vante de son héritage jewish.

Une entrevue corsée

Peu convaincant et refusant de parler de mensonges, il a ensuite participé à l’émission de l’animateur polémiste Tucker Carlson sur les ondes de Fox News, qui en général donne toute la latitude à ses invités républicains pour diffuser ce qu’ils veulent comme propos.

Sauf que ce soir-là, Carlson a été remplacé par Tulsi Gabbard, ancienne élue démocrate d’Hawaï qui s’est déjà présentée à l’investiture présidentielle chez les bleus, mais qui depuis a viré sérieusement républicaine et s’est reconvertie en animatrice de télévision.

L’entrevue fut un surprenant pilonnage en règle de George Santos.

« Vous dites des mensonges flagrants, ce ne sont pas des embellissements. Je pense que vous ne semblez pas vraiment prendre cela au sérieux. Vous vous êtes excusé, vous avez dit que vous avez fait des erreurs, mais vous avez carrément menti. »

— Une citation de Tulsi Gabbard de Fox news à George Santos

Visiblement surpris d’une telle salve, Santos répondit : Je suis d’accord avec ce que vous dites. Nous pouvons débattre de mon CV et de la façon dont j’ai travaillé avec des entreprises.

Est-ce discutable ou est-ce simplement faux, renchérit Gabbard? Non, non, ce n’est pas faux du tout, répliqua Santos. C’est discutable.

Le coup final est alors porté par l’animatrice de Fox News : Il est difficile d’imaginer comment vos électeurs pourraient faire confiance à vos explications, alors que vous n’êtes même pas vraiment disposé à admettre la profondeur de votre tromperie.

Le parti du silence

Mais qu’en est-il du Parti républicain lui-même face à son poulain? Comment a-t-il pu se faufiler sans aucune vérification de ses antécédents pour obtenir l’investiture républicaine?

Jusqu’ici, seuls des dirigeants du parti à Long Island, mais aussi le nouveau représentant Nick LaLota et le directeur du comté de Nassau, Bruce Blakeman, ont appelé le comité d’éthique de la Chambre à enquêter sur Santos.

Anne Donnelly, la procureure républicaine du même comté, vient d’ouvrir une enquête sur George Santos.

Les nombreuses fabrications et incohérences associées au membre élu du Congrès Santos sont tout simplement stupéfiantes. Les résidents du comté de Nassau et d’autres parties du troisième district doivent avoir un représentant honnête et responsable au Congrès. Personne n’est au-dessus de la loi et si un crime a été commis dans ce comté, nous le poursuivrons.

Pour le reste, au sein du parti, on entend le doux et timide son des criquets.

Un premier test de l’intégrité des républicains

Le 3 janvier, les républicains prendront le contrôle de la Chambre des représentants et George Santos prêtera serment comme représentant, si la tendance se maintient. Pour l’instant, rien ne garantit que Kevin McCarthy sera élu président de la Chambre, car il y a de la dissidence au sein du parti.

Il n’en demeure pas moins que les républicains ont besoin de tous leurs élus pour mener leur barque face aux démocrates. Avec leur courte majorité (222 sièges, soit quatre de plus que la majorité minimale), ils ne peuvent se permettre de laisser tomber qui que ce soit.

Le parti, qui se définit souvent comme celui de la loi et l’ordre, a donc une intégrité à géométrie variable. Le groupe de républicains mené par Jim Jordan chargé des dossiers judiciaires à la Chambre préfère faire flèche de tout bois contre la Maison-Blanche. Il mettra donc tous ses efforts sur les enquêtes autour de la famille Biden, avec Hunter, le fils en première ligne de mire.

Les mauvaises langues diront qu’après l’épisode Herschel Walker, le candidat républicain qui a perdu le poste de sénateur de la Georgie, plus personne ne se surprendra du comportement de ce parti.

Walker, ex-footballeur vedette, qui s’était lui aussi targué d’avoir accompli certains métiers et d’avoir géré certaines entreprises, s’est fait bien vite démasquer. Ses histoires douteuses d’avortement n’ont rien arrangé. Les électeurs ont ainsi fait davantage confiance à son opposant démocrate.

Seule différence, tous les squelettes de Walker sont sortis pendant les deux campagnes pour le poste de sénateur. Alors que dans le cas de Santos, tous ses mensonges sont remontés à la surface après son élection.

Méchant dilemme pour le parti : le punir ou faire la sourde oreille? Visons pour l’instant la deuxième option. Car condamner Santos ne ferait qu’amplifier ses mensonges et continuer à injecter de l’oxygène dans une histoire que les républicains préfèrent tuer dans l’œuf.

Pas surprenant dès lors que les grands ténors républicains n’aient vraiment pipé mot sur le dossier Santos. Il faut dire que la plupart d’entre eux n’ont aussi jamais dit grand-chose face à un chef qui a proféré plus de 30 000 mensonges et faussetés durant ses quatre ans au pouvoir et qui a galvanisé ses troupes loyalistes dans l’espoir de renverser les résultats de l’élection de 2020, sous le faux prétexte de l’élection volée.

Mais, ça, c’est une autre histoire…

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