Le cadeau Biden
Certains disent que la décision du président américain Joe Biden, d’accepter aux Etats-Unis tout Haïtien muni d’un passeport qui trouve un sponsor, est un cadeau empoisonné. Les Américains vont vider le pays de ses dernières ressources humaines, soulignent-ils.
Après les titulaires de visa de tourisme qui depuis 2010 restent aux USA dans l’espoir de bénéficier du TPS; après lés compatriotes qui ont traversé la frontière mexicaine pour rentrer aux USA; après tous ceux qui, d’une façon ou d’une autre, ont rejoint le pays de l’oncle Sam, voilà que le projet Biden assène le coup de grâce.
Policiers, fonctionnaires, enseignants, ouvriers, toutes les catégories sont concernées dans un pays où le rêve de devenir un diaspora a remplacé celui de gagner à la loterie ou de trouver un emploi de complaisance dans l’administration publique. Vont-ils tous partir? se demandent ceux qui se plaignent.
Le plus souvent, les réfractaires au projet Biden sont des Haïtiens qui disposent d’un visa, qui vivent déjà à l’étranger, qui peuvent partir et revenir à leur guise ou des politiciens en posture de nationaliste.
Face à eux, il y a les autres.
Ceux qui dans tous les sondages récents n’ont jamais caché leur désir de quitter le pays à tout prix. Ceux qui ont des parents ou des proches à l’étranger, particulièrement aux USA, ceux qui ont été victimes de l’insécurité et de ses corollaires. Il y a aussi ceux qui désespèrent de voir ce pays devenir meilleur et qui y gaspillent leur jour, sans perspective d’avenir meilleur.
Cela fait du monde. Beaucoup de monde.
Aujourd’hui, ce qui fait défaut, c’est la réponse des institutions haïtiennes pour délivrer les documents nécessaires pour partir. Ce qui fait défaut, c’est la responsabilité du gouvernement qui ne communique pas sur le sujet et qui ne donne pas l’impression que le bien des Haïtiens le concerne. La honte absolue, c’est ce marché parallèle de faux documents que l’incurie de l’Etat haïtien est en train de nourrir.
Trimestre après trimestre, les statistiques compilées par la Banque de la République d’Haïti démontrent que c’est la diaspora qui fait vivre le pays. Il en sera encore ainsi pendant de nombreuses années tant les conditions d’une prise en charge indigène de l’économie ne sont pas dans les tuyaux.
Alors, quel est ce sentiment qui nous empêche d’apprécier à sa juste valeur le projet Biden ?
Pour le moment, devant l’impasse alimentée par tous les courants politiques au pouvoir et dans l’opposition, devant la violence et l’insécurité que ni la police ni l’armée ne peuvent combattre, devant les atermoiements de la communauté internationale qui ne sait quelle solution supporter en Haïti, le sauvetage individuel que propose Biden est la seule porte de sortie qu’un Haïtien peut ouvrir sans trop de difficultés s’il a un sponsor et un passeport.
Oui, le pays va se vider de ses bras, de son sang, de ses cerveaux. Oui, après dix ans d’émigration massive vers le Brésil, le Chili, la République dominicaine ou vers n’importe quel pays du monde où cela lui a été possible, les Haïtiens vont continuer à partir.
Oui, c’est terrible.
Mais ce qui est le plus cruel, ce n’est pas le projet Biden pour alimenter son pays en main-d’oeuvre mais les raisons qui portent les Haïtiens à préférer tout, n’importe quoi mais pas ici, plus ici.
Chacun a le droit de chercher son bonheur, son bien-être, son salut là où il le souhaite. Partir ou rester sont des droits. Des choix. Tout Haïtien doit être en mesure de partir ou de rester s’il le souhaite et de revenir quand bon lui semble.
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