À qui profiterait l’inculpation de Trump ?
Une accusation au criminel contre Donald Trump dans l’affaire Stormy Daniels lui profiterait grandement. Mais il ne serait pas le seul à en bénéficier.
Avant que débarquent les agents fédéraux à Mar-a-Lago, Donald Trump divisait le Parti républicain. Cette intervention judiciaire à sa résidence, dont les images sont passées en boucle dans les médias de la planète, allait-elle, après tant de pistes et d’enquêtes, mettre fin à la carrière politique de l’ex-président ?
C’était en août 2022, et Trump venait d’annoncer être devenu le premier président de l’histoire du pays à subir une perquisition du FBI à son domicile. Une semaine plus tard, le pourcentage d’électeurs de son parti ayant une opinion « très favorable » de lui bondissait de 12 points, passant de 45 % à 57 %.
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Alors que se joue le plus récent épisode du cirque Trump, autour de son inculpation attendue par des procureurs de Manhattan dans une affaire de pot-de-vin versé à une actrice porno, nul ne devrait se faire d’illusions : d’un point de vue politique, à court terme, la situation est à son avantage.
Dans une perspective de primaires républicaines contestées, cette situation sert d’abord Donald Trump en le remettant en plein cœur du débat public, contraignant ses adversaires (à la fois officiels et hypothétiques) à s’activer en orbite autour de lui. Puis elle les force à adopter une position difficile, voire quasi intenable.
Cela est particulièrement vrai pour le rival principal de Trump, le gouverneur de la Floride, Ron DeSantis.
Depuis le début du mois, DeSantis parcourt le pays avec ce qui a toutes les allures d’un discours électoral présidentiel. Il vante sa gestion de la pandémie, lors de laquelle il a attiré l’attention nationale en s’opposant à un grand nombre de mesures sanitaires ; la forte migration nette qu’a connue la Floride pendant cette période, en partie alimentée par les citoyens ayant délaissé des États démocrates comme New York et la Californie ; sa lutte contre le « wokisme » et les médias traditionnels ; et, surtout, sa majorité historique pour une réélection à titre de gouverneur en novembre dernier.
C’est un argumentaire de vente attrayant pour l’électorat républicain. Or, avec Trump à nouveau sous les projecteurs, DeSantis se voit réduit à parler non pas de son bilan ou de sa vision, mais des aventures judiciaires de son adversaire.
Cette dynamique politique coince DeSantis entre l’arbre et l’écorce. Ce qui fait de lui la menace la plus sérieuse à un retour de Trump comme candidat républicain est sa capacité de lui ravir une partie de son électorat. Par ailleurs, le gouverneur est conscient que pour vaincre Trump, il devra également coaliser au maximum derrière lui la frange de l’électorat la plus réfractaire à l’ancien président.
Dans un contexte où le silence sur l’inculpation de Trump n’est pas une option valable, comment alors éviter de s’aliéner l’électorat « trumpiste » sans s’aliéner l’électorat « non trumpiste », et vice versa ? C’est un peu comme demander à DeSantis de dessiner un carré en forme de cercle. Ce qui risque de le faire paraître faible et « maniganceux ». C’est ce qui s’est produit lorsqu’il s’est finalement prononcé, après 48 heures de mutisme, sur le message enflammé de Trump, publié le samedi 18 mars, au sujet de son arrestation imminente.
Soyons clairs, une arrestation n’annoncerait pas un long fleuve tranquille pour Trump. Après être devenu le premier président de l’histoire à être mis en accusation deux fois, dans des affaires distinctes, par la Chambre des représentants et à faire l’objet d’une perquisition fédérale, il serait le premier à qui on lirait ses droits et dont on prendrait une photo anthropométrique et les empreintes digitales. Pour l’ensemble de l’électorat américain, parmi lequel moins de 40 % des gens ont une opinion positive de Trump, ce serait une tuile de plus s’abattant sur lui.
Autrement dit, le tout serait susceptible de renforcer Trump en vue des primaires républicaines tout en l’affaiblissant pour les élections générales subséquentes. Il s’agirait d’une dynamique semblable à celle observée dans tant de courses clés lors des élections de mi-mandat de 2022, où des candidats républicains pro-Trump ont remporté les primaires, pour ensuite se faire battre lors des élections générales.
Dans pareil contexte, il y a fort à parier que les démocrates — et les médias favorables à leur cause — feront tout ce qui est en leur pouvoir pour amplifier encore davantage le drame actuel.
Bonne nouvelle pour eux, ce drame serait susceptible de s’étirer dans le temps, compte tenu de la lenteur du processus judiciaire et des appels possibles. Et même s’il devait être reconnu coupable, Trump serait toujours constitutionnellement éligible à la présidence.
Un dossier criminel ne suffit pas en soi pour barrer un aspirant au poste de commandant en chef, comme l’a rappelé Joe Exotic, vedette de la série Tiger King, lorsqu’il a annoncé directement d’une prison fédérale sa propre candidature présidentielle pour 2024, à titre de libertarien.
Le cirque continue — et Joe Biden ne peut qu’assister au spectacle le sourire aux lèvres.
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