Presidential Election 2024: What if Biden’s Age Is Not a Handicap?

<--

Présidentielle américaine 2024: et si l’âge de Joe Biden n’était pas un handicap?

Pour la professeure de science politique Elisa Chelle, spécialiste des États-Unis, l’âge avancé de Joe Biden pourrait ne pas porter préjudice au Parti démocrate en 2024, en raison notamment des déboires judiciaires de Donald Trump.

«Je ne sais pas vous, mais moi je vais me coucher»: c’est avec ces mots que le président Biden a mis un terme soudain à sa conférence de presse à Hanoï le 10 septembre dernier. Il faut dire que malgré les cinq questions présélectionnées attentivement par son staff sur le récent sommet du G20, il avait multiplié les bévues. De «Mohammed VII» au «Premier ministre Xi», en passant par une référence incompréhensible à un western pour répondre à une question sur le changement climatique, la séance fut une torture. Joe Biden est apparu plus que fatigué par le décalage horaire et le rythme des visites internationales. L’homme n’en est pas à son premier impair. On se souvient des «200 millions de morts du COVID» annoncés pendant sa campagne de 2020, de son interpellation d’une parlementaire décédée, ou, plus récemment, de sa lecture à haute voix de l’instruction du téléprompteur de «répéter la ligne» au milieu d’un discours sur le droit à l’avortement.

Son équipe n’a cessé de venir à son secours. Elle relaie dans la presse les supposées raisons de ces ratés: bégaiement, propension à la gaffe ou encore plaisanterie. Les Républicains, quant à eux, ne manquent pas une occasion pour railler la «sénilité» du président Biden. De sorte que son état physique suscite désormais l’interrogation. Plusieurs séquences ont capturé un Biden trébuchant à répétition ou incapable de se relever. On ne commente même plus la démarche raide d’un président qui éprouve de plus en plus de mal à se déplacer. La santé défaillante d’un président n’est, certes, pas inédite. On se souvient de John F. Kennedy fragilisé par la maladie d’Addison mais tenu par la drogue et les médicaments. Les conseillers de Biden ne sont pas dupes. En 2020, ils avaient proclamé que leur chef ne ferait qu’un mandat. Ils avaient même confié à la presse que Biden ferait «une bonne figure de transition» et qu’il réfléchissait à une personne «qui pourrait prendre le relais dans quatre ans».

Et si l’arbre de la vieillesse cachait la forêt d’une stratégie politique? Le président Biden n’a pas, officiellement, préparé de successeur. L’idée que Kamala Harris, la vice-présidente, puisse prendre la relève est bien sûr présente depuis le début du mandat. La communication de la Maison-Blanche en témoigne: l’affichage de la «présidence Biden-Harris» sur son site officiel ou sur son compte Twitter (aujourd’hui X) suggère un partenariat plus qu’une hiérarchie. Le président a confié à sa vice-présidente des dossiers importants, en politique étrangère comme intérieure. Le sujet stratégique de l’immigration était au cœur des préoccupations des groupes d’intérêt derrière le Parti démocrate, mais aussi des Républicains orphelins du «mur» de Donald Trump.

Mais depuis trois ans, cette femme issue des minorités, n’a pas réussi à tirer son épingle du jeu. Ne soulevant pas l’enthousiasme de son propre camp, ses chances de gagner des primaires en 2024 auraient été infinitésimales. Si Biden est à nouveau candidat, c’est peut-être le résultat de cet échec: celui de Kamala Harris à gagner en popularité. Un nouveau ticket Biden-Harris est donc annoncé. Il permettra, comme le prévoit la Constitution, à la vice-présidente de remplacer le président en cas de défaillance. Un cas de figure qu’on imagine fort probable. Ce calcul offrirait à Harris le premier rôle sans se soumettre à l’épreuve des urnes.

Pari fou? Pas si sûr. Un Joe Biden, même cacochyme, garde ses chances de remporter les élections de novembre 2024. Il le redit ce lundi 18 septembre 2023: au-delà de son âge, c’est de l’«avenir de la démocratie» dont il est question. À condition de tenir encore 18 mois et d’affronter un adversaire lui-même affaibli, mais pour d’autres raisons. Donald Trump est le meilleur argument de campagne des Démocrates. Dans l’opinion, la procédure d’impeachment ouverte par Kevin McCarthy et le procès de Hunter Biden ne pèsent pas aussi lourd que les quatre procès de Trump au pénal. L’ancien président demeure un épouvantail de choix au centre et à gauche.

Deux différences majeures sont à souligner par rapport à 2016. Tout d’abord, il n’est plus un challenger à qui certains électeurs hésitants pourraient faire confiance par effet de nouveauté. Ses procédures judiciaires en cours ont, certes, galvanisé le noyau dur de l’électorat républicain. Mais ces électeurs blancs et peu éduqués sont en déclin dans l’électorat général: ils représentaient 60% de l’électorat du temps de Reagan contre 40% aujourd’hui. La génération Z compte de plus en plus dans les élections. Plus diverse, plus éduquée, elle avait déjà pesé sur le scrutin de 2020, et sa part dans l’électorat est en constante augmentation. Ni les jeunes, ni les modérés, ni les indépendants ne soutiennent massivement Donald Trump. Or, leur poids sera déterminant dans le scrutin à venir. L’obstination des électeurs républicains à nominer l’ancien président comme candidat à la présidentielle serait une aubaine pour Joe Biden… et Kamala Harris. Certains diront même une bénédiction.

About this publication