Could Robert Kennedy Jr. Be a Game Changer?

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Robert Kennedy Jr. peut-il changer la donne ?

Le fils de Robert et neveu de John Fitzgerald quittera le parti de sa célèbre famille pour déposer une candidature indépendante. Son discours n’est pas qu’antivaccin et pourrait séduire à droite comme à gauche.

Le 9 octobre prochain, près de six mois après avoir lancé sa candidature pour les primaires présidentielles démocrates de 2024, Robert Kennedy Jr. devrait annoncer qu’il sera plutôt candidat indépendant en vue de l’élection générale. En présumant que l’annonce se concrétise — et que la candidature de Kennedy se rende jusqu’à la ligne d’arrivée de novembre 2024 —, elle mérite que l’on s’y attarde.

On peut présenter Robert Kennedy Jr. de deux manières faciles. La première : par son nom célèbre et par sa voix distincte, marquée par une maladie génétique appelée dysphonie spasmodique, qui induit des problèmes audibles au larynx. La deuxième : de façon caricaturale, comme un antivax ou un conspirationniste trempant dans la désinformation.

Il faut dire que les multiples propos controversés tenus par le principal intéressé ont nourri cette aura peu avantageuse. Par exemple, il a comparé l’an dernier — et ce, de manière favorable à Hitler — la mobilité citoyenne sous le régime nazi à celle sous les gouvernements contemporains qui empêchaient les gens de se déplacer s’ils n’étaient pas vaccinés contre la COVID-19. Semblant largement sous-estimer le nombre de Juifs tués, il a notamment affirmé qu’il était possible pour eux de s’échapper de l’Allemagne à l’époque. Ce type de sortie lui a valu d’être relégué loin à l’arrière-plan au Parti démocrate, qui s’est opposé à la tenue de débats entre lui et Joe Biden. Un président sortant n’avait jamais eu à débattre avec un adversaire de sa propre formation — et ce n’est certainement pas à Robert Kennedy Jr. que l’on allait conférer cet honneur.

Aujourd’hui, donc, après avoir maintenu pendant des mois une moyenne d’environ 15 % des appuis en vue des primaires démocrates, Kennedy claquerait la porte du parti associé à son patronyme depuis le milieu du siècle dernier.

Parce que ce candidat a épousé certaines positions plus près de celles de Trump que de celles du Parti démocrate, entre autres au sujet de la frontière mexicano-américaine, on peut raisonnablement croire que sa présence sur les bulletins de vote comme indépendant serait plus susceptible de gruger des votes à l’ex-président républicain qu’à Joe Biden. C’est d’autant plus vraisemblable que les gens viscéralement opposés à Trump continueront de voter pour Biden, puisque Kennedy Jr. a adopté le même ton anti-establishment que le célèbre républicain.

Cela dit, quiconque se donne la peine d’aller au-delà du portrait simpliste de Robert Kennedy Jr. et écoute l’intégralité de son discours y trouvera des éléments qui sortent de l’axe gauche-droite et des catégorisations réductrices.

D’abord, il s’en prend frontalement à des vaches sacrées aux États-Unis, sans doute comme aucun candidat majeur moderne ne l’a fait avant lui, à la possible exception de Trump. Or, contrairement à ce dernier, Kennedy le fait souvent de façon éloquente, intelligente — et avec une perspective ancrée davantage dans la gauche traditionnelle.

Il s’attaque, par exemple, à l’appui financier et militaire américain à l’Ukraine, déplorant que les sommes consacrées à l’armement ne soient pas investies dans les programmes sociaux destinés aux Américains les plus pauvres. Il s’en prend aux architectes néoconservateurs comme la diplomate Victoria Nuland et le politologue Robert Kagan, qui ont façonné la politique étrangère interventionniste américaine des présidences Bush, Obama et Biden — et il le fait en évoquant les appels à la paix de son oncle et de son père pendant les années 1960.

Il conteste les décisions les plus socialement nocives de certaines autorités publiques pendant la pandémie, notamment la fermeture prolongée des écoles sur plusieurs territoires américains. Et il le fait en critiquant Trump, qui était à la tête du gouvernement américain lorsque ces décisions ont été prises, ainsi que les syndicats d’enseignants, qui se sont souvent battus contre la réouverture des établissements scolaires.

Et lorsque vient le temps d’aborder la question des vaccins, Kennedy ratisse beaucoup plus large que la COVID-19 — il égratigne des acteurs particulièrement puissants. Le Parti démocrate, dit-il, est devenu soumis à l’influence de l’industrie pharmaceutique il y a plus de 10 ans, au moment de l’adoption de la loi phare sur l’assurance maladie de Barack Obama, surnommée « Obamacare ».

Pour faire passer la loi, le Parti démocrate avait besoin du soutien politique des sociétés pharmaceutiques afin d’aller chercher suffisamment d’appuis au Congrès. Il sentait aussi la nécessité de rivaliser financièrement avec le Parti républicain, lequel acceptait volontiers les contributions financières d’à peu près tous les types d’industries au pays. Le Parti démocrate a alors ouvert grand la porte à l’influence des « pharmas », et a commencé à taire les critiques à leur endroit, affirme Kennedy Jr.

Il souligne aussi les inégalités sociales aux États-Unis, comparant la misère abjecte qu’il a personnellement vue dans certaines communautés de la Pennsylvanie à celle observée en Amérique latine pendant les années 1980, alors qu’il s’y rendait comme militant environnemental. La rage, soutient-il, y est aussi omniprésente que les pancartes pro-Trump sur les terrains.

Là encore, il cite JFK lorsqu’il parlait de régimes étrangers à l’ère de la guerre froide, quand une classe de richissimes oligarques se maintenait au pouvoir sur le dos des masses : « Vous ne pouvez pas continuer à maintenir autant de gens dans la pauvreté sans qu’ils finissent par se révolter. Et lorsqu’ils se révolteront, ce sont les communistes qui s’empareront de leur colère et prendront le pouvoir. »

Il s’agit peut-être là du message le plus fondamental de Robert Kennedy Jr. : le système actuel est intenable. Tôt ou tard, le changement va se produire. Et il sera propulsé soit par le cynisme et la démagogie, soit par l’idéalisme et l’empathie. Dans ce scénario, Trump incarne le premier cas, lui, le second.

Objectivement, c’est un message qui a matière à plaire à un nombre non négligeable d’Américains. En fait, en amont de l’annonce de sa présumée candidature indépendante, la maison de sondage Echelon a mesuré sa popularité dans une lutte hypothétique à trois face à Trump et à Biden : à une exception près, Kennedy allait chercher plus d’appuis chez l’électorat que tout autre candidat indépendant de l’histoire du sondeur.

Ces électeurs sont-ils davantage de gauche ou de droite, démocrates ou républicains ? Ils sont surtout frustrés. Et ça, il y en a actuellement beaucoup des deux côtés.

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