La possibilité d’une intervention de la Cour suprême des États-Unis pour déterminer si Donald Trump est éligible à l’élection présidentielle de 2024 se précise.
Dans une décision historique rendue mardi, la Cour suprême du Colorado a ordonné au secrétaire d’État du Colorado d’exclure le nom de l’ancien président des bulletins de vote qui seront utilisés à l’occasion de la primaire républicaine qui aura lieu dans cet État le 5 mars prochain.
Annulant une décision d’une juge de première instance, quatre des sept juges du tribunal ont conclu que le 45e président est disqualifié en vertu de l’article 3 du 14e amendement de la Constitution américaine.
Adopté après la guerre de Sécession, cet article interdit aux personnes ayant participé à une insurrection ou à une rébellion d’exercer des fonctions gouvernementales. Il n’avait jamais été invoqué à l’encontre d’un candidat à la présidence.
La plus haute instance du Colorado a donc conclu que Donald Trump avait participé à une insurrection le 6 janvier 2021.
« Nous n’arrivons pas à ces conclusions à la légère », a écrit la majorité dans sa décision. « Nous sommes conscients de l’ampleur et du poids des questions qui se posent à nous. Nous sommes également conscients de notre devoir solennel d’appliquer la loi, sans crainte ni faveur, et sans nous laisser influencer par la réaction du public aux décisions que la loi nous impose de prendre. »
La Cour suprême du Colorado, dont tous les membres ont été nommés par des gouverneurs démocrates, a suspendu sa décision jusqu’au 4 janvier, ou jusqu’à ce que la Cour suprême des États-Unis se prononce sur l’affaire. Le secrétaire d’État du Colorado a fixé au 5 janvier la date où l’État doit imprimer les bulletins de vote pour la primaire républicaine.
Le dernier mot à la Cour suprême
L’équipe de campagne de Donald Trump a promis qu’elle en appellerait rapidement de cette décision devant la Cour suprême des États-Unis, qui a le dernier mot sur les questions constitutionnelles.
« La Cour suprême du Colorado a rendu une décision totalement erronée [mardi] soir et nous allons rapidement déposer un recours auprès de la Cour suprême des États-Unis et une demande simultanée de suspension de cette décision profondément antidémocratique », a déclaré Steven Cheung, porte-parole de l’équipe de campagne de Donald Trump, dans un communiqué. « Nous sommes convaincus que la Cour suprême des États-Unis se prononcera rapidement en notre faveur et mettra enfin un terme à ces poursuites judiciaires antiaméricaines. »
Donald Trump n’a pas mentionné la décision de la Cour suprême du Colorado en soirée lors d’un discours d’une heure en Iowa.
Il a déjà été mis en accusation par la Chambre des représentants pour incitation à l’insurrection dans la foulée de l’assaut violent de ses partisans contre le Capitole des États-Unis, le 6 janvier 2021. Il a été acquitté par le Sénat.
Il a également été inculpé au pénal à Washington et en Géorgie pour ses efforts visant à s’accrocher au pouvoir après sa défaite lors de l’élection présidentielle de 2020.
L’inéligibilité de Donald Trump au Colorado ne lui serait pas fatale en soi. Elle ne l’empêcherait vraisemblablement pas de remporter la course à l’investiture républicaine pour l’élection présidentielle de 2024. Ses chances d’enlever le Colorado à l’occasion de l’élection présidentielle sont par ailleurs minces. En 2020, il s’est incliné par 13,5 points de pourcentage devant Joe Biden dans cet État.
Mais sa disqualification au Colorado pourrait influencer des tribunaux ou des responsables d’États clés, y compris le Minnesota, le New Hampshire et le Michigan, où des poursuites semblables ont été intentées.
En validant la décision du Colorado, la Cour suprême des États-Unis pourrait pour sa part étendre la disqualification de Donald Trump à l’ensemble du pays.
L’organisme Citizens for Responsibility and Ethics in Washington (CREW), qui a poursuivi Donald Trump au Colorado au nom de six électeurs républicains et indépendants, a salué une décision « non seulement historique et justifiée, mais aussi nécessaire pour protéger l’avenir de la démocratie dans notre pays ».
« Notre Constitution stipule clairement que ceux qui violent leur serment en s’attaquant à notre démocratie sont interdits d’exercer une fonction gouvernementale », a déclaré le président de CREW, Noah Bookbinder, dans un communiqué.
En première instance
Dans une décision rendue le mois dernier, la juge de première instance Sarah Wallace avait reconnu que Donald Trump avait participé à une insurrection le 6 janvier 2021 en appelant ses partisans à marcher sur le Capitole. Mais elle avait affirmé que l’article 3 du 14e amendement ne s’appliquait pas à lui parce que la fonction de président n’est pas mentionnée dans l’article avec celles de vice-président, de sénateur ou de représentant, entre autres.
La majorité des juges de la Cour suprême du Colorado a rejeté ce raisonnement, qui avait été défendu par l’avocat de Donald Trump.
« Le président Trump nous demande d’affirmer que l’article 3 disqualifie tous les insurgés ayant prêté serment, à l’exception du plus puissant d’entre eux, et qu’elle interdit aux insurgés ayant prêté serment d’accéder à pratiquement toutes les fonctions, tant au niveau fédéral qu’au niveau des États, à l’exception de la plus haute fonction du pays », écrit la majorité dans sa décision. « Ces deux résultats sont incompatibles avec le langage clair et l’histoire de l’article 3. »
Dans une opinion dissidente, le juge Carlos Samour a fait valoir que Donald Trump ne pouvait être déclaré inéligible à la présidence « sans procédure judiciaire normale ».
« Même si nous sommes convaincus qu’un candidat a commis des actes horribles dans le passé – oserais-je dire, qu’il s’est engagé dans une insurrection –, il doit y avoir une procédure normale avant que nous puissions déclarer que cette personne est disqualifiée pour exercer une fonction publique », a-t-il écrit.
Selon des juristes conservateurs ayant conclu que Donald Trump n’était pas éligible, cette procédure judiciaire n’est pas nécessaire. Dans un long et savant article mis en ligne le 14 août dernier, William Baude et Michael Stokes, deux éminents professeurs de droit rattachés à la Federalist Society, ont fait valoir que l’article 3 est « auto-exécutoire ».
Qu’en pensent les juges de la Cour suprême des États-Unis ? La réponse est peut-être imminente.
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