Nikki Haley a-t-elle une bonne raison de s’accrocher ?
Elle promet la persévérance. Au moins jusqu’au 5 mars. Est-ce que ça lui sera suffisant pour coiffer Trump lors du sprint final de l’investiture républicaine ?
En décembre, un peu plus d’un mois avant le début des primaires présidentielles, je posais la question rhétorique suivante : Nikki Haley a-t-elle de réelles chances de rattraper Donald Trump dans la course à l’investiture républicaine ? Je dis rhétorique, car la réponse allait de soi : non.
Aujourd’hui, après les deux premiers scrutins en Iowa et au New Hampshire, tous deux remportés par Trump, Haley est la seule candidate toujours en lice face à l’ex-président. Elle promet de s’accrocher au moins jusqu’au Super Mardi, le 5 mars prochain, lors duquel 15 États américains tiendront simultanément leur primaire.
Si le fait que Haley a pu limiter Trump à une victoire de « seulement » 11 points au New Hampshire mardi est un signe de faiblesse pour l’ex-président (alors que les sondages lui accordaient nettement plus), les chances de la candidate pour le reste de la course ne sont pas pour autant plus grandes qu’elles ne l’étaient lundi.
En fait, elles le sont sans doute moins.
Sur les 50 États américains, peu offraient un terrain aussi fertile pour le style et le message de campagne de Haley que l’État du granit. Se présentant comme fiscalement conservatrice, socialement modérée, et pugnace sur les questions de politique étrangère, elle incarnait précisément la combinaison qui dans le passé a fait le succès de candidats républicains dans ce petit État de la Nouvelle-Angleterre, que ce soit au niveau présidentiel avec John McCain en 2000 et 2008, ou au niveau de l’État avec l’ex-sénatrice Kelly Ayotte.
Et, tel que l’ont souligné nombre d’analystes et de commentateurs, le New Hampshire permettait aux électeurs indépendants, auprès desquels Haley était la plus populaire, de voter — ce qui ne sera pas le cas de plusieurs États qui se prononceront dans les prochains mois.
La route à partir d’ici ne s’annonce ainsi que plus ardue pour l’ex-gouverneure de la Caroline du Sud. La question qui se pose donc davantage est la suivante : quels motifs pourraient pousser Haley à s’accrocher ?
Survolons les raisons qui pourraient l’inciter à poursuivre la course.
La chance qu’elle rattrape Trump avec une nouvelle stratégie de campagne
Dans son discours le soir de la primaire du New Hampshire, Haley a sorti une nouvelle phrase : « Le parti qui mettra de côté le premier son candidat de 80 ans gagnera l’élection de novembre. » Cette phrase sera vue comme mordante par certains, comme âgiste par d’autres. Elle est surtout vraie. Mais même si Haley adoptait un style plus agressif envers Trump, qu’elle modulait sa rhétorique, qu’elle marchait sur l’eau, croire que ce serait suffisant pour chauffer son adversaire relève de la pensée magique.
L’ex-président a aujourd’hui une avance de plus de 50 points sur Haley auprès de l’électorat républicain, en plus de compter sur la quasi-totalité des appuis publics qui ont été donnés par des élus républicains majeurs, qu’il s’agisse de gouverneurs, de sénateurs ou de représentants. Et la direction nationale du Parti républicain discute de la possibilité de désigner Trump comme candidat de facto du parti avant même la tenue des autres primaires.
L’idée selon laquelle Haley, après un an de campagne, va renverser cette dynamique en l’espace de quelques semaines en fignolant sa stratégie ici et là relève carrément de l’absurde.
La chance que les déboires de Trump avec la justice créent une ouverture in extremis pour Haley
S’il y a une lubie qui a mis du temps à mourir, c’est bien celle selon laquelle les électeurs républicains prendraient un jour conscience de ce qu’implique le fait d’avoir un candidat sous le coup de diverses enquêtes, inculpé, en procès, et peut-être condamné au criminel — et qu’ils lui tourneraient enfin le dos.
Pour être clair : même si Trump devait être condamné à la suite de l’un des procès qui s’ouvriront pendant le calendrier des primaires, que ce soit celui sur ses tentatives de bloquer le transfert des pouvoirs en 2020-2021 ou alors celui sur l’affaire Stormy Daniels, l’effet politique négatif au sein du parti serait minime.
Cela lui est même salutaire. Tout comme les inculpations de la dernière année, les procès de Trump lui donnent une plateforme formidable pour renforcer son message de campagne auprès de la base républicaine. La preuve, c’est qu’alors que l’Iowa et le New Hampshire s’apprêtaient à voter, Donald Trump a passé le plus clair de son temps non pas à rencontrer des électeurs, mais à se défendre devant les tribunaux à New York et à Washington. Et il l’a fait par choix. Ce n’est pas pour rien.
La chance que l’équivalent d’une intervention divine — ou un souci de santé — force Trump à se retirer de la course
De tous les cas de figure qui permettraient une victoire de Nikki Haley à l’investiture républicaine, c’est sans doute le plus plausible — ou plutôt le moins invraisemblable.
À 77 ans, Donald Trump a atteint l’espérance de vie moyenne d’un homme américain. Il n’est pas impossible qu’un problème de santé l’empêche in extremis d’être le candidat républicain. Dans une telle situation, Haley serait théoriquement la seule solution de rechange, et pourrait remporter les primaires restantes et décrocher l’investiture du parti. Idem si la Cour suprême ouvrait la porte à la possibilité de rayer le nom de Trump des bulletins de vote en raison de son rôle dans l’insurrection au Capitole en janvier 2021.
Mais encore là, rien n’est moins sûr pour Haley. Faut-il le rappeler, les autres candidats républicains comme Ron DeSantis n’ont techniquement que suspendu leur campagne présidentielle.
Ce n’est pas pour rien : si un événement extraordinaire de la sorte devait survenir, DeSantis pourrait relancer sa campagne… et, jouissant d’un capital de confiance et de sympathie plus important auprès de la base républicaine que celui de Haley, il pourrait devenir le nouveau favori.
Pourquoi s’accrocher alors ?
Nikki Haley peut essayer de démontrer son attrait comme candidate vice-présidentielle en continuant de mettre en relief sa force auprès des électeurs — et surtout des électrices — dont Trump aura besoin pour remporter l’élection générale.
Elle peut tenter de magasiner un contrat de conférencière ou de commentatrice en tant que « la républicaine qui a tenu tête à Trump ».
Ou elle peut croire aux miracles.
Autrement, s’accrocher comporte plus de risques politiques pour elle que se retirer.
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