Why Israel Mocks the US

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Pourquoi Israël se moque des États-Unis

À première vue, rien ne justifie l’appui presque aveugle de Washington à Israël. En y regardant de plus près, par contre, tout s’explique.

C’était au début d’un mois de mai. L’armée israélienne bombardait massivement Gaza, détruisant des dizaines d’immeubles de logements, d’écoles et d’hôpitaux. Certains des plus importants groupes de défense des droits de la personne au monde dénonçaient des crimes de guerre.

En plus de tous les civils palestiniens tués dans les bombardements, il y avait ceux, innombrables, qui voyaient la vie qu’ils connaissaient être réduite en cendres.

Pendant ce temps, à Washington, malgré les appels croissants de législateurs démocrates à condamner plus fortement les agissements d’Israël, le président Joe Biden continuait à accorder son appui indéfectible à l’État hébreu.

Nous étions alors en mai 2021 — au premier printemps de Biden à la Maison-Blanche.

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Si cet épisode d’il y a trois ans semble déjà si lointain et oublié, c’est peut-être parce qu’il ne s’agissait que d’un autre parmi tant de semblables depuis des décennies dans ce conflit. C’est peut-être aussi parce que, depuis la création d’Israël en 1948, les présidents américains qui se sont succédé n’ont jamais remis en question de manière appréciable la relation fusionnelle qui unit les deux pays.

Alors que le gouvernement de Benjamin Nétanyahou multiplie depuis maintenant sept mois les frappes à Gaza et résiste à un cessez-le-feu demandé depuis presque aussi longtemps par une large coalition de pays issus à la fois du monde arabe et de l’Occident, plusieurs s’expliquent toujours mal ce soutien inconditionnel des États-Unis à l’endroit d’Israël.

Où est donc l’intérêt pour les États-Unis, ne serait-ce que d’un point de vue d’intérêt national, de continuer à être pratiquement le seul allié d’un État présentement si largement condamné ?

La réponse simple est peut-être justement qu’il n’est pas dans l’intérêt des États-Unis d’agir ainsi.

Pourquoi, alors, persister ? Cette réponse est un peu plus complexe.

Des racines profondes

Il y a d’abord la dimension historique de cette relation. Les États-Unis ont été le premier pays à reconnaître l’État hébreu, dès 1948.

Depuis lors s’est établie une relation non seulement politique, mais aussi militaire, qui connaît peu de parallèles ailleurs dans le monde. Détricoter des liens de cette ampleur n’est pas une mince affaire.

Il y a également une dimension idéologique et religieuse, souvent moins expliquée — et comprise — chez nous. Pour une grande majorité de chrétiens — plus particulièrement les évangéliques, nombreux aux États-Unis —, Israël représente la terre sacrée liée à la prophétie annoncée dans la Bible du retour de Jésus-Christ à la fin des temps.

Un sondage mené par une publication chrétienne en 2017 révélait qu’environ 8 évangéliques sur 10 disaient croire que « la promesse de Dieu à Abraham et à ses descendants [au sujet de la Terre promise] s’appliquait pour l’éternité ».

À quel point les chrétiens évangéliques pèsent-ils dans la balance politique américaine ? Lors des dernières élections nationales aux États-Unis, celles de mi-mandat en 2022, ils constituaient 24 % de l’électorat.

C’était plus que tous les électeurs noirs et hispaniques combinés. Et plus que tous les électeurs habitant dans un foyer avec au moins une personne syndiquée.

Puis, il y a la force d’intérêts extrêmement puissants, bien organisés et bien connectés au sein et autour de la machine gouvernementale à Washington, notamment des gens d’affaires, des intellectuels, des représentants de la diaspora juive, qui bénéficient politiquement et financièrement du secteur américain de la défense. Année après année, ils poussent pour l’intervention, souvent militaire, des États-Unis dans le monde, entre autres pour épauler Israël dans ses propres conflits et ses propres guerres.

Dans la foulée des pires attentats terroristes jamais commis contre les États-Unis, ceux du 11 septembre 2001, un ex-premier ministre israélien avait fait la tournée des médias américains, multipliant les entrevues télévisées, pour accentuer la pression sur l’administration de George W. Bush — lui-même un chrétien évangélique — afin que Washington frappe l’« Empire de la terreur », formé du Hamas, du Hezbollah, de l’Iran… et de l’Irak. Il s’agissait de la liste des grands ennemis d’Israël.

Cela faisait des années que les Israéliens rêvaient de se débarrasser du régime de Saddam Hussein, un tyran vivement antisémite. Ils allaient trouver des alliés à leur cause à Washington chez les ultra-interventionnistes — les fameux faucons comme Dick Cheney, mais surtout des intellectuels inconnus du grand public et sans étiquette partisane — et chez tous les entrepreneurs du puissant complexe militaro-industriel américain, qui avaient tant à gagner de guerres en continu.

Comme l’avait lui-même écrit en 1996 l’un des pères du mouvement néo-conservateur américain très proche des milieux évangéliques, Irving Kristol, avec la chute de l’Empire soviétique et du mur de Berlin, les États-Unis devaient se trouver un nouvel ennemi : « Avec la fin de la guerre froide, ce dont nous avons vraiment besoin est un ennemi idéologique évident et menaçant, un qui soit de notre trempe, un qui puisse nous unir en opposition. »

Le mois passé, en même temps qu’il « demandait » au gouvernement israélien de faire preuve de « retenue » dans ses opérations militaires, le président Biden signait une nouvelle loi totalisant près de 100 milliards de dollars principalement en assistance militaire aux alliés des États-Unis.

Cette loi stipule qu’une somme d’un milliard de dollars est spécialement réservée pour de l’aide humanitaire à Gaza, et que 17 milliards de dollars américains iront en aide militaire à Israël. Nonobstant la menace lancée la semaine dernière par Joe Biden de retenir l’envoi de certaines armes à Israël si cette dernière procède à une invasion de Gaza à vaste échelle, la réalité est que cet argent destiné à Israël est dorénavant confirmé par une loi — et qu’il sera tôt ou tard déboursé.

Il s’agit, en un sens, de la simple suite logique des choses.

Ah oui : qui était cet ex-premier ministre israélien qui s’était tant agité après les attentats du 11 Septembre, avec grand succès, pour que les États-Unis envahissent l’Irak ?

L’actuel premier ministre d’Israël, Benjamin Nétanyahou.

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