Illegal Immigration, the Historic Crisis That Dominates the Presidential Election

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L’immigration illégale, crise historique qui domine la campagne présidentielle

Aux États-Unis, les manifestants propalestiniens ont remplacé sur les écrans les migrants du monde entier qui se pressent à la frontière sud du pays. Mais l’immigration illégale reste la préoccupation principale des Américains et l’une des plus grandes vulnérabilités du président-candidat Joe Biden.

En avril, et pour le troisième mois consécutif, le flot sans précédent de migrants illégaux est « le problème le plus important auquel le pays doit faire face », selon les Américains interrogés par Gallup. À une question ouverte de l’institut de sondage, qui ne suggère donc pas de réponses aux sondés, l’immigration est citée comme première préoccupation.

Gallup souligne que c’est la première fois qu’une campagne présidentielle est dominée par ce sujet. D’autres instituts confirment la prééminence de l’immigration dans l’esprit des Américains, en particulier dans celui des électeurs inscrits.

Selon le Service des douanes et de la protection des frontières (CBP), près de 10 millions d’étrangers sans papier ont été appréhendés par des agents ou se sont présentés à ceux-ci depuis que Biden est président. Un record qui, pourtant, n’inclut pas les migrants illégaux entrés dans le pays sans contact aucun avec le CBP, qui estime leur nombre à 2 millions.

La vaste majorité des arrivées ont lieu à la frontière avec le Mexique. 2021, 2022 et 2023 ont battu tous les records d’entrées illégales à cette frontière, soit un total de 7,9 millions. Rien qu’en décembre dernier, 302 000 entrées illégales ont été constatées par le CBP à la frontière sud, un record mensuel historique. Mais la frontière nord connaît elle aussi une hausse des entrées illégales, et c’est par le Canada que sont arrivés la plupart des suspects de terrorisme identifiés ultérieurement par les autorités étasuniennes.

Les ramifications de la crise migratoire historique sont importantes en matière de sécurité. En mars, le directeur du FBI a notamment révélé que « l’un des cartels de trafic d’êtres humains et de drogue a des liens avec le groupe État islamique qui nous préoccupent beaucoup » et que « le FBI a saisi aux frontières, lors des deux dernières années, des quantités suffisantes de l’opioïde fentanyl pour tuer 270 millions de personnes ».

Photo: Gregory Bull Associated Press ADes immigrants qui viennent de traverser la frontière entre le Mexique et les États-Unis attendent d’être pris en charge par les autorités.

La crise migratoire ne concerne plus seulement les régions limitrophes du Mexique. Devant la Chambre, en avril, des dirigeants autochtones du Nord-Ouest américain ont ainsi déploré l’infiltration de leurs territoires par des trafiquants de drogue et de migrants. Jeffrey Stiffarm, de la nation Gros Ventre, qui préside une réserve dans le Montana, a même dévoilé qu’un collègue avait renoncé à témoigner au Congrès à cause de menaces de mort émanant de ces groupes criminels. À Chicago, où se tiendra le congrès d’investiture du Parti démocrate en août, des Afro-Américains reprochent au maire noir de ce fief démocrate de loger des migrants illégaux dans des quartiers majoritairement noirs que la municipalité néglige depuis longtemps.

Biden en décalage

L’écrasante majorité des Américains disent aux sondeurs que l’immigration illégale est un « problème grave ou très grave » (84 %). Les deux tiers parlent de « crise » (y compris 53 % d’électeurs démocrates), voire d’« invasion » (11 points de plus qu’en 2022).

Généralement favorables à l’immigration légale, les Américains estiment que l’immigration illégale sape l’état de droit, est injuste pour les immigrants légaux, aggrave le fléau de la drogue et de la criminalité. Pas moins de 86 % voient même dans l’immigration illégale une « menace importante ou critique pour les intérêts vitaux des États-Unis ». C’est six points de plus qu’il y a un an.

Dans ce dossier, Biden est en complet décalage avec ses compatriotes. Jusque très récemment, le président, qui ne s’est rendu pour la première fois à la frontière sud qu’en janvier 2023, alternait entre silence, déni et minimisation. C’est seulement en janvier 2024 qu’il a admis que la frontière sud n’est « pas sécurisée » et que le pays faisait face à une « crise ».

Dans la foulée de cette évolution sémantique, Biden assure que la crise exige des « changements énormes » et qu’il veut « fermer la frontière ». Mais il ne convainc pas : 57 % des Américains jugent que Biden « a envoyé promener le dossier » lors de son discours sur l’état de l’Union. Plus important encore : 64 % des indépendants, catégorie dominante de l’électorat qui départage les candidats, pensent que le président « n’a pas répondu de manière adéquate » au problème.

L’immigration est le dossier pour lequel Biden fait le plus de mécontents en moyenne de sondages, et ce, depuis la mi-2021. Avant même la gestion désastreuse du retrait d’Afghanistan, la crise migratoire amorça pour Biden une dégringolade dans les sondages dont le président ne s’est jamais remis puisqu’il reste bien en deçà des 50 % de satisfaits depuis cet été-là.

Les États-Unis ont connu d’autres crises relatives à l’immigration illégale, surtout au milieu des années 1980 sous Reagan et à la charnière des années 1990 et 2000 sous Clinton et Bush fils. Aujourd’hui, Biden rappelle à juste titre que le problème a des causes structurelles, dans les pays de départ et dans le système étasunien d’immigration légale. Mais la majorité des Américains sont d’accord pour dire que Biden est le principal responsable de la crise migratoire actuelle, car il « a créé une politique d’ouverture des frontières et un flot historique de migrants ».

Ce sont 73 % qui pensent que, contrairement à ce que Biden prétend, le président a les moyens d’agir sans attendre une nouvelle législation du Congrès. La grande majorité des Américains, dont 78 % des indépendants et même 56 % des démocrates, veulent que Biden prenne des mesures plus strictes à la frontière sud.

Trump en exemple

À crise sans précédent, la plupart des Américains souhaitent des mesures sans précédent, notamment certaines mesures prônées par l’ancien président Donald Trump.

Des propositions du candidat républicain trouvent un soutien considérable jusque chez les électeurs de Biden, parmi lesquels 42 % sont favorables à des expulsions massives de clandestins, 35 % souhaitent la fermeture totale de la frontière sud et 30 % réclament la fin de l’acquisition automatique de la nationalité américaine par le droit du sol.

L’immigration illégale explique en partie que Biden ait perdu l’appui de nombreux Noirs, dont certains gravitent vers Trump, les Afro-Américains étant d’ailleurs généralement plus opposés à l’immigration, illégale ou non, que leurs compatriotes.

Du reste, certaines mesures emblématiques de la présidence Trump reçoivent plus de soutien aujourd’hui qu’alors. C’est le cas notamment du prolongement du mur frontalier et de l’exigence faite aux migrants d’attendre au Mexique que leur demande d’entrée soit examinée.

Le candidat Trump, qui s’oppose à un projet d’accord législatif bipartisan sur l’immigration avant l’élection, a souvent des propos outranciers sur les clandestins, qui, selon lui, « empoisonnent le sang de notre pays ». Mais à ce stade, la majorité des Américains préfèrent Trump à Biden pour gérer l’immigration. C’est en fait sur ce sujet que Trump, sondage après sondage, obtient son plus gros avantage face à Biden. Une étude pour ABC News publiée début mai montre ainsi Trump avec 17 points d’avance sur Biden en matière d’immigration. La situation était inverse lors de la présidentielle de 2020.

Alors que 2024 pourrait battre les records annuels successifs d’entrées illégales aux États-Unis établis à partir de 2021, cette crise est un enjeu majeur pour les Américains en vue du scrutin présidentiel. Les trois quarts d’entre eux indiquent que ce dossier sera « très important », voire « extrêmement important » dans leur vote.

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