The Miracle Survivor vs. the Old Man

<--

Le miraculé contre le vieillard

Dans les heures qui ont suivi la tentative d’assassinat contre Donald Trump, une toute petite phrase dans le récit d’un journaliste du New York Times qui était sur place a retenu mon attention.

Il a vu, de ses yeux vu, le candidat républicain lever le poing en l’air, défiant, avant de quitter les lieux, sous forte escorte. Puis, il a entendu un homme crier : « Trump vient d’être élu aujourd’hui, les amis. C’est un martyr. »

Alors qu’on tente tous de discerner les nouveaux contours de l’univers politique américain – qui est en recomposition depuis ce drame –, l’avis de ce partisan de Donald Trump me semble particulièrement éclairant.

Jusqu’ici, l’une des meilleures façons de prendre la mesure de la course entre Joe Biden et Donald Trump était d’étudier les dessins des caricaturistes.

Le premier était souvent représenté comme un vieillard dans un fauteuil roulant. Le second, comme un criminel en combinaison orange ou un cinglé dans une camisole de force.

Tout ça vient de basculer.

Dans le coin gauche, il y a toujours un vieillard.

Mais dans le coin droit, il y a maintenant l’irréductible républicain.

Le miraculé.

Le martyr, même, aux yeux de certains.

Un politicien dont l’aura d’invincibilité est encore plus nette qu’auparavant.

Un politicien qui, dans ces circonstances, devient plus facile à soutenir ouvertement – le milliardaire Elon Musk, par exemple, vient de lui offrir publiquement son appui officiel.

Un politicien qui devrait pouvoir mobiliser ses partisans encore plus facilement. De nombreux électeurs républicains vont probablement aller voter pour lui avec encore plus de ferveur en novembre.

Et n’oublions pas le rôle – présumé – joué par Dieu dans cette équation.

Ne riez pas ! Au sein de la droite chrétienne, certains parlaient déjà de Donald Trump, avant la tentative d’assassinat, comme d’un « élu ».

Et voici que le candidat républicain lui-même affirme que « seul Dieu a empêché l’impensable ».

L’élu de Dieu : cette thèse va forcément faire davantage d’adeptes.

Un autre changement fondamental, c’est que Donald Trump sera désormais beaucoup plus difficile à critiquer. Temporairement, du moins.

Plusieurs républicains ont déjà commencé à soutenir que les démocrates sont les grands responsables de cette tentative d’assassinat. Qu’en ayant dépeint le candidat républicain comme un danger pour la démocratie américaine, c’est lui qu’on a mis en danger.

Donald Trump et ses alliés seront tentés de continuer à utiliser cette formule gagnante au cours des prochaines semaines.

Et paradoxalement, ils ne se gêneront probablement pas, eux, pour soutenir que Joe Biden est un danger pour la démocratie américaine.

Voyons voir à quoi vont ressembler les discours prononcés cette semaine à la convention de leur parti, qui se déroule à Milwaukee, au Wisconsin. Une chose est sûre, ils ne donneront pas dans la dentelle.

Pour leur part, au cours des prochains jours, les démocrates vont généralement se contenter de dénoncer la tentative d’assassinat. « Tout le monde doit condamner » ce qui s’est passé, comme l’a dit, avec raison, Joe Biden.

Puis, à moins de quatre mois de la présidentielle, viendra un moment où la joute politique va reprendre ses droits ; une campagne électorale est une lutte féroce, on ne s’en sort pas.

Il y aura pourtant quelque chose de différent pour les démocrates. Le contexte ayant changé, quiconque voudra critiquer le candidat républicain au cours des prochaines semaines va marcher sur des œufs.

Il n’est évidemment pas facile de se battre contre un adversaire quand il faut mettre des gants blancs.

Avant même ce drame, l’univers politique américain avait déjà été chamboulé.

Le débat présidentiel du 27 juin à Atlanta a été un moment charnière de cette course à la Maison-Blanche. Depuis, et ce, jusqu’au drame de samedi, les dérapages de Joe Biden, ses faux pas, ses lapsus, ses hésitations et, de façon plus générale, ses malheurs éclipsaient tout le reste.

Et Donald Trump en profitait.

Chacune des sorties publiques de Joe Biden au cours des deux dernières semaines a été scrutée à la loupe. Décortiquée. Analysée. Et, systématiquement, critiquée.

Ce qui a changé, aussi, c’est qu’il y a désormais une différence marquée entre la façon dont les démocrates s’entredéchirent au sujet du choix de leur candidat et la cohésion manifestée par les républicains.

Quiconque ose sortir du rang au sein du parti de Donald Trump est carrément excommunié, me direz-vous. C’est vrai, mais en politique, peu importe la manière, c’est le résultat qui compte. Les républicains sont unis et les démocrates ne le sont pas.

On a donc constaté au cours des deux dernières semaines qu’il y avait un déséquilibre, dans la couverture médiatique, entre le grattage des bobos de Joe Biden et celui des bobos de Donald Trump.

Ça ne va probablement pas s’améliorer à court terme.

Donald Trump va se retrouver sous les projecteurs toute la semaine lors de la convention républicaine. Et si on ne va pas y être tendre envers les démocrates, il faut s’attendre à ce qu’on y traite le candidat républicain en superstar.

On va faire l’éloge de Donald Trump, le miraculé, du début à la fin de l’évènement. Un peu comme s’il était la huitième merveille du monde.

Même la plus coriace des rivales du candidat républicain lors de la course au leadership du parti, Nikki Haley, sera sur scène.

Elle n’avait jusqu’ici pas été invitée à la convention. Elle n’était plus dans les bonnes grâces de Donald Trump. Mais dans la foulée de l’attentat, elle chantera elle aussi les louanges du candidat à Milwaukee.

Le candidat républicain devrait donc terminer la semaine encore plus fort et plus redoutable que jamais.

Le contraste entre Donald Trump et Joe Biden est plus vif aujourd’hui qu’hier. Et sûrement moins que demain…

Un scénario cauchemardesque pour les démocrates, qui n’aura peut-être, au bout du compte, qu’une seule issue viable : que leur candidat accroche ses patins.

About this publication