Il n’existe pas de données probantes aux États-Unis qui démontrent hors de tout doute qu’un candidat à la vice-présidence peut avoir un impact déterminant sur le scrutin de novembre.
Mais les experts s’entendent généralement sur le fait que le choix d’un colistier en dit long sur le jugement du candidat à la présidence.
Or, il semble déjà évident qu’en sélectionnant le gouverneur du Minnesota, Tim Walz, Kamala Harris a fait un choix judicieux.
Il nous aura suffi d’une petite vingtaine de minutes, mardi soir, pour le mesurer.
Sur scène, à l’occasion de son premier discours de la campagne, Tim Walz a offert une performance solide.
On a découvert un politicien habile, charismatique, énergique et optimiste. Il est aussi, de toute évidence, bagarreur. C’est une qualité, car les colistiers sont souvent au front lors de la course à la Maison-Blanche, à la fois pour parer les attaques des rivaux et donner des coups.
Mais au-delà de tous ces avantages, ce qui fait de Tim Walz un atout particulier, c’est la façon dont il vient équilibrer le ticket démocrate.
Ce fut aussi très clair lors de son allocution.
« Je suis né à West Point, dans le Nebraska. J’ai vécu à Butte, une petite municipalité de 400 habitants où la communauté était un mode de vie. J’ai passé mes étés à travailler dans la ferme familiale », a-t-il dit.
Puis il a poursuivi en évoquant ses 24 années passées dans la Garde nationale – il avait été encouragé à s’y joindre par son père, un ancien combattant de la guerre de Corée.
Il a ensuite raconté qu’il avait été enseignant pendant près de 20 ans, mais aussi entraîneur d’une équipe de football, avant de se lancer en politique en 2006 dans un district « qui n’avait élu qu’un seul démocrate depuis 1892 ».
Il a gagné et a servi 12 ans au Congrès américain – il était davantage au centre de l’échiquier politique qu’aujourd’hui… et même dans les bonnes grâces de la National Rifle Association – avant d’être élu gouverneur du Minnesota.
Un parcours bien différent de celui de Kamala Harris.
Cette juriste renommée a essentiellement grandi dans les zones urbaines de la Californie (et à Montréal, pendant quelques années). Elle a notamment travaillé à San Francisco, ville dépeinte comme l’enfer sur Terre par une partie non négligeable de la droite américaine.
Comme le chante Francis Cabrel, « c’est une question d’équilibre » qui fait la force du ticket démocrate cette année.
Et ce n’est pas exceptionnel.
La complémentarité des deux candidats démocrates était aussi flagrante en 2020 quand le tandem formé de Joe Biden et Kamala Harris a vaincu Donald Trump.
Tout comme elle l’avait été en 2012 et 2008 : Barack Obama, critiqué pour son inexpérience, particulièrement en politique étrangère, avait recruté Joe Biden pour y remédier. En prime, ce vieux routier du Sénat était originaire d’une ancienne ville industrielle de Pennsylvanie et se targuait d’être demeuré proche de la classe ouvrière.
D’ailleurs, Donald Trump aussi avait compris, en 2016, qu’il avait avantage à recruter un bras droit complémentaire. Qu’il avait besoin de colmater certaines brèches dans sa candidature pour être moins vulnérable.
C’est ce qui l’a poussé à choisir Mike Pence. Le très religieux gouverneur de l’Indiana était rassurant à la fois pour les chrétiens évangéliques et pour les électeurs républicains traditionnels.
Mais cette année, ne doutant pas de sa victoire lors du scrutin en novembre, Donald Trump a plutôt privilégié un de ses disciples, J.D. Vance. Un sénateur qui connaît par cœur l’évangile du trumpisme et qui le récite avec enthousiasme sur une base quotidienne.
Ce n’est pas un choix irrationnel.
Il a du talent, J.D. Vance. Il est devenu un des plus redoutables défenseurs de l’ancien président. Et il excelle lors des joutes verbales, en entrevue ou lors de débats.
En outre, il est originaire de l’Ohio. Il s’agit, comme le Minnesota, d’un État du Midwest, région qui joue un rôle clé lors du scrutin présidentiel. C’est aussi un ancien Marine, qui a été déployé en Irak pendant six mois en 2005.
Mais J.D. Vance ne vient pas consolider le ticket républicain comme Mike Pence avait pu le faire à l’époque. Ou comme la rivale la plus coriace de Donald Trump au sein du parti, Nikki Haley, aurait pu le faire cette année.
D’autres républicains, comme le sénateur floridien Marco Rubio, auraient aussi pu séduire des électeurs qui ne sont pas déjà des trumpistes convaincus.
Les médias américains rapportent que plusieurs membres de l’entourage de Trump ont tenté de le décourager de recruter J.D. Vance. Dont sa femme, Melania. Elle aurait « exhorté son mari à modérer sa rhétorique agressive et à choisir un colistier qui l’aiderait à le faire », a écrit le New York Times.
Mais un rééquilibrage n’était pas à l’ordre du jour des farouches partisans de J.D. Vance qui gravitent dans l’orbite de l’ancien président, parmi lesquels figuraient Donald Trump Jr., le milliardaire Elon Musk et l’ancien animateur de Fox News Tucker Carlson.
Bref, Donald Trump aurait pu être encore plus menaçant pour les démocrates s’il n’avait pas privilégié comme dauphin un politicien qui ne fera guère plus que prêcher aux convertis.
Notez bien que je ne suis pas en train de dire que le choix de J.D. Vance va empêcher Donald Trump de revenir à la Maison-Blanche. C’est d’abord et avant tout sa performance et celle de Kamala Harris d’ici le 5 novembre qui vont faire pencher la balance.
Si l’ancien président républicain devait triompher, il aurait un héritier officiel en J.D. Vance. Une bonne façon d’offrir au trumpisme un avenir radieux.
En revanche, si Donald Trump perd, il est à peu près sûr que le choix de son colistier sera cité parmi les erreurs qui ont saboté ses chances. Et on constatera encore une fois que le milliardaire new-yorkais a été l’artisan de son propre malheur.
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