À la convention démocrate, une revanche au féminin
Les yeux rivés vers l’avenir à la suite du concert d’éloges congruent au président sortant Joe Biden et à l’abnégation dont il a fait preuve pour son parti, les démocrates américains célèbrent cette semaine à Chicago bien plus qu’un traditionnel passage du flambeau à leur nouvelle candidate, Kamala Harris. La passation n’est cette fois-ci pas que générationnelle. L’espoir renouvelé d’une possible victoire contre un Parti républicain noyauté par des idéologues suivant aveuglément leur candidat misogyne est aussi celui d’une revanche historique toute féminine.
Kamala Harris, qui acceptera officiellement sa nomination comme candidate à la présidence jeudi, n’a pas fait de son identité — de femme, de personne racisée, de fille d’immigrants — un thème central de sa campagne. Les militantes, les élues et les politiciennes réunies à la convention nationale démocrate l’ont cependant fait pour elle, portées par l’espérance de voir ce plafond de verre enfin finir par éclater. Qui plus est grâce à une victoire contre un candidat républicain, l’ancien président Donald Trump, au discours sexiste décomplexé.
Nulle n’était mieux placée pour mettre ainsi la table que Hillary Clinton, ancienne candidate présidentielle et secrétaire d’État, qui a subi la première les invectives et les attaques de Donald Trump, en 2016. La défaite avait été aussi serrée qu’amère. Le modus operandi du rival est le même ; le résultat ne le sera peut-être pas, en revanche.
« Nous avons gardé les yeux rivés sur l’avenir. Mes amis, l’avenir est ici », a lancé Mme Clinton en ouverture de la convention, lundi, dans un discours passionné appelant les démocrates à défoncer avec Kamala Harris les dernières fissures de ce plafond de verre qu’elle a elle-même, au fil des décennies et sur les épaules de ses prédécesseures, ébréché.
« L’espoir fait un grand retour », a renchéri l’ex-première dame Michelle Obama mardi, en dénonçant la « même vieille escroquerie » de Donald Trump, soit de « surenchérir avec d’ignobles mensonges racistes et sexistes comme substituts à de réelles idées et solutions ».
Ce mépris des femmes, de leur santé reproductive et de leurs aptitudes que ne peut s’empêcher d’exhiber le ticket républicain pourrait en effet s’avérer le meilleur atout de la campagne démocrate. Le désistement forcé de Joe Biden et l’entrée en scène de Kamala Harris lui ont indéniablement donné un nouveau souffle, mais depuis, ce sont surtout les propos erratiques de Donald Trump et de son colistier, J.D. Vance, qui continuent de l’attiser. Leur entourage en serait même inquiet.
La liste des insultes puériles brandies par Donald Trump à l’endroit de son adversaire est longue. Mme Harris serait « folle », « incompétente », « pas intelligente », et le candidat républicain, jaloux qu’elle fasse la couverture du magazine Time, s’est même dit « plus beau » qu’elle. Il a poussé l’odieux jusqu’à mettre en doute que Kamala Harris puisse se revendiquer d’ascendance indienne et noire à la fois.
J.D. Vance ne l’a pas aidé. En s’indignant, dans une entrevue passée, du fait que les « femmes à chat sans enfant » estiment avoir leur mot à dire sur le sort des États-Unis. Ou en acquiesçant à l’idée que les femmes ménopausées n’ont d’autre raison d’être que d’aider à élever les enfants.
Le candidat Trump est allé jusqu’à user de l’intelligence artificielle pour trafiquer une photo de Taylor Swift et ainsi laisser croire qu’elle appuie sa candidature, dans le but de manipuler à sa faveur l’armée d’admirateurs de la vedette aux hymnes féministes. Une semaine plus tôt, il accusait (à tort) Kamala Harris d’avoir trafiqué les images des foules venant à sa rencontre, une offense qui aurait dû lui valoir, à elle, d’être « disqualifiée » de la présidentielle.
M. Trump n’en est pas à une incohérence près. Et tous les prétextes sont bons pour crier au « coup d’État » en vue de contester faussement de nouveau, s’il le faut, les résultats électoraux.
La campagne de Kamala Harris a rattrapé celle de Donald Trump dans les sondages, mais les deux candidats n’y sont qu’à quasi-égalité. Une fois la lune de miel de la convention démocrate passée, Mme Harris devra redoubler d’ardeur pour se faire connaître, élargir ses appuis au-delà des démocrates déjà convaincus et préciser sa plateforme politique, dont certains pans lui ont pour l’instant attiré surtout des critiques.
Le climat social n’est cependant plus le même qu’il y a huit ans aux États-Unis. Les attaques en règle des républicains contre les femmes, les communautés LGBTQ+ et les minorités leur ont mis la colère au ventre. Et une ancienne procureure, en qui se voient toutes ces personnes lésées, affronte aujourd’hui un Donald Trump devenu criminel condamné.
Kamala Harris pourrait bien servir à Hillary Clinton une revanche, ainsi qu’à toutes celles qui refusent de voir l’histoire se répéter. Il reste toutefois 76 jours à cette campagne inédite. Le vrai travail des démocrates ne fait que commencer.
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