Nov. 5, What Comes Next

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Le 5 novembre, la suite

« On arrive pour tout casser » : telle est l’intention qui se dégage des nominations annoncées, dans un incroyable blitz de frappes post-électorales, par le président à peine élu Donald Trump, pour ce qui sera sa version XXIe siècle des États-Unis d’Amérique.

Offensive tous azimuts. État de droit, renseignement, santé, défense, administration… C’est une offensive généralisée contre l’ordre existant, une révolution à la hache qui s’annonce, avec le dévoilement des noms prévus pour diriger les départements de la Justice, de la Santé, de la Défense, plus un nouveau « département de l’Efficacité gouvernementale ». Objectif : rien de moins qu’un changement de régime.

Personnalités. Il y a d’abord Matt Gaetz à la Justice, qui fait l’objet d’une enquête sérieuse pour détournement de mineure, le fidèle sur qui compte Donald Trump pour poursuivre en justice ses « ennemis » ; Kristi Noem à la Sécurité intérieure, l’amoureuse des armes à feu qui aime raconter comment elle a abattu son chien qui ne marchait pas droit ; Pete Hegseth à la Défense, qui entend purger l’armée américaine du « wokisme » et qui luttera contre les « ennemis de l’intérieur » désignés par le capo.

Grenade. Il y a aussi Tulsi Gabbard, ex-simple représentante (démocrate puis républicaine), aujourd’hui placée par Trump à la tête du renseignement (18 agences, dont la CIA et le FBI). Sans expérience dans le domaine, connue pour avoir relayé la propagande anti-ukrainienne de Vladimir Poutine (sur de supposées armes chimiques de Kiev) et celle de Bachar al-Assad (rencontré deux fois à Damas) « qui n’est pas notre ennemi ». « Gabbard, tout comme Gaetz, est une grenade prête à exploser », selon l’ancien conseiller à la sécurité nationale (ultraconservateur) de Trump John Bolton.

Fantasque. N’oublions pas l’antivax radical Robert Kennedy Junior, à la Santé (déjà étiqueté par ses adversaires « ministre de la progression des maladies »). Ou Elon Musk, « M. Tesla », représentant d’une « techno-ploutocratie » triomphante, véritable innovation de cette élection. Ce fantasque insensible sera chargé de réduire à portion congrue le nombre d’employés du gouvernement fédéral (trois millions actuellement) et de placer des fidèles à la tête des agences. C’est également l’homme aux 3 femmes et aux 12 enfants.

Combinaison gagnante. Du point de vue des ennemis des États-Unis, voilà une véritable « combinaison gagnante ». Comment s’y prendrait un dirigeant étranger souhaitant affaiblir les États-Unis ? Le moyen le plus simple serait de s’arranger pour que les Américains fassent eux-mêmes le travail. En démantelant leur système de santé, leur État de droit, leur administration, leur défense, leur renseignement…

Narcissisme et corruption. Sur ce point, l’historien Timothy Snyder, spécialiste de l’Ukraine, philosophe (De la liberté, Gallimard, 2024) et polyglotte époustouflant, s’exprime sur son blogue : « À cette fin, les nominations proposées par Trump — Kennedy Jr., Gaetz, Musk, Ramaswamy, Hegseth, Gabbard — sont des instruments parfaits. Ils combinent le narcissisme, l’incompétence, la corruption, l’incontinence sexuelle, l’instabilité personnelle, des convictions dangereuses et la soumission à des influences étrangères comme aucun groupe avant eux ne l’avait fait. »

Poutine et Nétanyahou, la victoire ? À l’international, le président russe et le premier ministre israélien apparaissent comme les deux gagnants de l’élection américaine. C’est sans doute plus clair pour Israël. On a certainement sorti le champagne à Jérusalem (dans l’un de ses procès pour corruption, Nétanyahou est accusé d’en avoir reçu plusieurs caisses).

Aucun état d’âme. Trump a nommé comme ambassadeur à Jérusalem Mike Huckabee, ex-pasteur baptiste et ex-gouverneur de l’Arkansas, pour qui « la Palestine n’existe pas ». Il soutient à fond la colonisation de la Cisjordanie et même la recolonisation de Gaza, après épuration ethnique. Devant les violences d’Israël, le nouveau gouvernement n’aura pas d’états d’âme et ne protestera pas comme le faisait mollement et périodiquement le gouvernement sortant.

Projets immobiliers. Ceux pour qui « Biden-Trump, c’est bonnet blanc et blanc bonnet sur Israël », verront la différence lorsque la ploutocratie familiale Trump commencera à tirer des plans immobiliers sur Gaza-Nord épuré de tous ses Palestiniens. Car c’est bien ce qui se dessine : une véritable épuration ethnique (après une étude de terrain, Oxfam a décidé jeudi d’appliquer ce terme spécifique à la partie Nord de Gaza) et un nouvel exode des Palestiniens, béni par le gouvernement Trump. Il faudra cependant voir si les pays du Golfe, complaisants envers les « accords d’Abraham » en 2020, seront disposés à rejouer ce jeu après les atrocités des treize derniers mois.

L’Ukraine abandonnée ?Le romancier ukrainien Andreï Kourkov écrivait dans le New York Times de vendredi que l’élection du 5 novembre avait eu l’effet d’une bombe à Kiev. Mais cette fois, c’était une bombe américaine. Avec Trump au pouvoir, ami et admirateur de Poutine, le spectre de l’abandon hante les Ukrainiens démontés. Ils se battent à quatre contre un, épuisés après 33 mois de résistance héroïque, contre Poutine qui mise tout sur la guerre et sacrifie chaque jour, sans état d’âme, 1000 soldats pour gruger 20 ou 30 kilomètres carrés.

Incertitude. Mais Trump voudra-t-il être associé, si on applique son supposé plan de supprimer l’aide à Kiev et de « donner » à la Russie les territoires spoliés, à ce qui serait aussi une débandade de l’Occident, de l’OTAN, de l’Europe… et des États-Unis ? Le narcissisme, l’absence de morale et de principes chez Trump peuvent aussi, parfois, receler des surprises. Cette partie n’est pas terminée.

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