Trump 2 : une politique étrangère plus prévisible qu’il n’y paraît
Il y aura peut-être plus de similitudes entre la politique étrangère de Donald Trump et celle de Joe Biden qu’il est permis de le croire à l’heure actuelle.
Le Donald Trump qui retournera à la Maison-Blanche le 20 janvier prochain ne devrait pas être très différent de celui qui l’a quittée quatre ans auparavant. Son style mêlant chaos et rivalités sera le même. Sa communication restera parfois spectaculaire et souvent débridée. Ses obsessions, telles que l’immigration ou le sentiment que les États-Unis sont des perdants de l’ordre international libéral, guideront encore son action.
Une doctrine Trump inchangée
Dans cette perspective, les grandes lignes de la politique étrangère qu’il tâchera de mener sont déjà connues. Pourfendeur des institutions internationales et du multilatéralisme, il retirera de nouveau les États-Unis de l’Accord de Paris sur le climat. Peu sensible aux questions des droits de la personne, il ne mobilisera pas la communauté internationale pour défendre les Afghanes ou les Ouïghours en Chine. Convaincu que le protectionnisme est la clé de la prospérité et de la réindustrialisation de son pays, il a déjà annoncé son intention d’imposer des droits de douane aux rivaux comme aux partenaires commerciaux.
Partisan de la « forteresse Amérique », il ne sabrera pas le budget de la Défense tout en évitant de s’engager dans de coûteuses aventures militaires à l’étranger.
Lors de son premier mandat, l’une de ses motivations principales fut de détricoter ce qu’avait réalisé son prédécesseur Barack Obama. Même s’il est habité d’une volonté de vengeance à la veille de son second séjour à la présidence, il n’est pas acquis qu’il prenne le contrepied de Biden sur les principaux dossiers que ce dernier a eu à gérer sur la scène internationale. Son futur conseiller à la Sécurité nationale, Michael Waltz, a d’ailleurs souligné le week-end dernier qu’il travaillait étroitement avec l’actuel conseiller de Joe Biden, Jake Sullivan, et qu’ils partageaient les mêmes objectifs.
Un abandon de l’Ukraine qui n’est pas ineluctable
Les intentions de Trump au sujet de la guerre entre l’Ukraine et la Russie sont peut-être celles qui suscitent le plus d’interrogations et d’inquiétude. Il s’est en effet vanté de pouvoir rapidement y mettre fin. Il a certes quelques sympathies pour les dirigeants autoritaires comme Vladimir Poutine. Trois facteurs laissent toutefois à penser qu’il n’est pas inéluctable qu’il sabre brutalement et totalement l’aide fournie par Washington à Kyiv. Premièrement, il est peu probable que Trump aimerait être perçu comme celui qui a « perdu » l’Ukraine.
Deuxièmement, les dirigeants ukrainiens, comme les partenaires européens et canadiens, ont des arguments à faire valoir pour convaincre Trump de maintenir cette aide – surtout si ces derniers partenaires s’engagent à augmenter leurs engagements et assument un leadership qui va dans le sens de leurs intérêts.
Troisièmement, et peut-être plus fondamentalement, la dynamique du conflit au cours des derniers mois, alors qu’aucune des parties ne semble en mesure d’atteindre ses objectifs stratégiques, ouvre de plus en plus la voie à une pause des hostilités.
Si Trump veut y contribuer, il doit se montrer ferme à l’endroit de Moscou et prêt à accorder de solides garanties de sécurité à Kyiv. De tels paramètres seraient largement en adéquation avec les pistes actuellement évoquées, plus ou moins publiquement, pour geler le conflit.
Une politique dans la continuité de celle de Biden
La situation au Moyen-Orient depuis plus d’un an est l’autre grand dossier de politique étrangère qui préoccupe la présente administration. Le retour au pouvoir de Trump ne laisse entrevoir aucun changement radical dans le cas du conflit israélo-palestinien. Si Joe Biden n’est pas parvenu à limiter l’ampleur des opérations militaires israéliennes à Gaza, il ne faut pas s’attendre à ce que Donald Trump impose de sévères restrictions ou brandisse la menace d’une suspension de l’aide militaire américaine à l’État hébreu. Il est de même peu concevable qu’il s’engage à ressusciter la solution des deux États. Trump pourra ici aussi se satisfaire d’une dynamique du conflit qui sied à ses intérêts.
Après des mois de frappes intenses, Nétanyahou a suffisamment affaibli le Hamas et le Hezbollah (et par conséquent l’Iran) pour accepter une forme de pause. Celle-ci favorisera la reprise du processus de normalisation des relations d’Israël avec ses voisins arabes, en premier lieu l’Arabie saoudite, au plus grand plaisir de Trump.
Quant à la compétition avec la Chine, il ne rompra pas avec l’approche de Biden, qui était elle-même dans la continuité de celle de l’administration précédente. Une posture plus ferme en la matière est de fait un des rares sujets de consensus à Washington.
Dans un rapport publié la semaine dernière, la commission bipartisane qui conseille le Congrès sur les relations sino-américaines préconisait ainsi la suppression des privilèges commerciaux attribués à Pékin au début des années 2000 et la création d’un Projet Manhattan pour assurer la supériorité américaine dans le domaine de l’intelligence artificielle.
La politique étrangère du second mandat de Trump ne devrait donc pas être surprenante, ni en rupture radicale avec celle de Joe Biden. Son impulsivité, son indiscipline et son imprévisibilité ne surprendront pas les adversaires des États-Unis, mais donneront des maux de tête à leurs alliés. La nation qui se disait il n’y a pas si longtemps « indispensable » le sera peut-être un peu moins dans les quatre prochaines années. Puisse-t-elle au moins demeurer une cité scintillante sur la colline.
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