Trump, le révélateur inquiétant de la dépendance de la Genève internationale à l’égard du financement états-unien
ÉDITORIAL. Les menaces que fait peser le 47e président américain sur l’écosystème international genevois mettent en évidence un fait souvent oublié: la ville du bout du Léman reflète un ordre international mis en place par les Occidentaux sous l’égide des Etats-Unis
L’avènement de la seconde administration Trump est un bouleversement fondamental de la démocratie américaine. S’il est de nature à faire basculer cette dernière dans l’illibéralisme, il va aussi fortement secouer la Genève internationale. En 2016, la victoire du républicain à la présidentielle avait pris un peu le milliardaire de court. Son administration avait claqué la porte du Conseil des droits de l’homme, jugé trop «anti-israélien». Les effets collatéraux pour la Cité de Calvin furent limités. Cette fois, nous entrons dans une autre dimension. L’annonce du retrait américain de l’Organisation mondiale de la santé, dont l’Amérique est le premier bailleur de fonds, va se répercuter violemment sur l’écosystème de santé globale qui représente 48% de la Genève internationale. Globalement, Washington finance cette dernière à hauteur de 26%, toutes organisations confondues.
Le multilatéralisme traverse une grave crise. Les valeurs qu’il promeut sont aux antipodes de celles que semble défendre Donald Trump. Ce dernier ne réfléchit pas en termes de bien commun et de compromis. Il voit le monde comme un jeu à somme nulle, défend ses intérêts et accessoirement ceux de l’Amérique. Mais les alliances régionales ou plurilatérales l’horripilent. L’Organisation mondiale du commerce, dont les jours sont peut-être comptés, incarne tout ce que le 47e président abhorre: trouver un terrain d’entente entre Etats membres pour un commerce international moins conflictuel.
Electrochoc pas surprenant
Si les Etats-Unis n’étaient pas aussi impliqués au bout du Léman, on pourrait serrer les dents pendant quatre ans. Or cette dépendance de la Genève internationale force à l’introspection. Car si l’OMS tremble face à Trump, d’autres organisations internationales le redoute encore davantage. Washington assume plus de 40% du budget du Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés. La vulnérabilité de Genève est manifeste.
Cette dépendance peut surprendre. Mais elle s’inscrit dans l’ADN de la Genève internationale dont l’essor a vraiment commencé par la création de la Société des Nations sous l’impulsion du président Woodrow Wilson, puis par celle de l’ONU. L’écosystème genevois est la traduction de l’«American Century» et d’un ordre international établi au lendemain de 1945 sous l’égide des Etats-Unis. Il n’est donc pas surprenant que Donald Trump provoque un électrochoc.
Le grand défi de la Genève internationale va être d’élargir sa base de bailleurs de fonds, de s’ouvrir suffisamment pour devenir un «hub» global, sans pour autant renier les valeurs libérales qui l’ont toujours charpentée. Pour rester pertinente sur la scène internationale.
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