Les limites de l’autocongratulation de l’industrie musicale américaine
Il y en a pour tous les goûts, mais que signifie la célébration d’une chanson accusant Drake d’être pédophile… et le meilleur album rock aux Stones!
Les récompenses des Grammy Awards (décernées dans la nuit de dimanche à ce lundi) sont tellement nombreuses que même après avoir écumé plusieurs sites les dénombrant, il demeure malaisé de savoir si on les a toutes repérées. Même la plateforme des Grammies répand la confusion en cherchant, probablement, à multiplier les clics sur différentes entrées incomplètes…
Peu importe, le monde ne retiendra que les principaux lauréats et lauréates. Qui se soucie du livret de l’album «Centennial» du King Oliver’s Creole Jazz Band écrites par Ricky Riccardi et récompensé du Grammy des meilleures notes de pochette? Parmi les noms plutôt connus, il est difficile de ne pas citer le meilleur album rock de l’année, distinction qui devrait enchanter tous les «workaholics» du 3e âge déçus par le peu d’attention que le monde leur accorde.
Octogénaire’n’roll
Au nez et à la barbe de The Black Crowes, Fontaines D.C., Green Day, Idles, Pearl Jam et Jack White (pas tous des perdreaux de l’année), The Rolling Stones décrochent cette accolade équivoque qui pourrait tout aussi bien passer pour un nouvel acte de décès du rock’n’roll, supposition encore renforcée par la «Best Rock Performance» du «Now and Then» posthume des… Beatles. Revenons donc rapidement à des représentants actuels, des artistes qui pourraient nous dire quelque chose de plus pertinent sur l’état du monde contemporain qu’une petite bande de papys imbus de leur passé.
Il y a évidemment Beyoncé, sacrée pour son album aux accents country «Cowboy Carter», œuvre qui symbolise désormais l’incursion réussie dans un territoire musical traditionnellement très blanc, célébration musicale d’un «empowerment black lives matter» cher au cœur de la chanteuse afro-américaine.
Drake, pédophile?
Plus déroutantes, les multiples récompenses accordées au titre «Not Like Us» de Kendrick Lamar viennent accréditer les propos de cette «diss track» (ndlr. chanson qui attaque violemment une personne). Ce morceau de 2024, qui poursuivait une rivalité de plus en plus venimeuse avec Drake, l’accusait sans équivoque de pédophilie. Depuis, le conflit entre les deux hommes s’est encore accentué, mais n’en récolte pas moins de cinq récompenses: «Best music video», «Best rap song», «Best rap performance», «Record of the year» et, last but not least, «Song of the year».
Autant dire que le tampon de la Grammy Academy – quelque 13’000 votants au sein de l’industrie du disque – vient valider avec vigueur une chanson diffamatoire, même si l’on ne se prononcera pas sur le fond des accusations portées. C’est peut-être ce que l’on appelle la hauteur de vue du rap contemporain, à moins qu’il ne s’agisse d’une franchise de lanceur d’alerte?
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