In the United States you can demand $54 million in damages for a lost pair of pants. But does this mean that Americans are better protected in their justice system? Not necessarily. The main beneficiaries of this system are lawyers, explains Anne Deysine, professor at the University of Paris X-Nanterre and author of several books including “Institutions of the United States” (Les institutions aux États-Unis) and “The United States, a New Deal?” (Les États-Unis, une nouvelle donne?).
Is the United States the country of lawsuits? Americans are certainly not afraid to go before a judge and everything seems to favor resorting to legal action. But does this mean that the country is inundated with lawsuits? It is not so simple. One thing is certain, if the system established by the Constitution of 1787 allows for the settlement of disputes to be made by a judge, it also paves the way for a new type of despotism, that of lawyers.
What facilitates the resort to lawsuits? To start, there is no social safety net; obtaining compensation for damages is often the only option for victims. Then there is the complex judicial structure as well as the nature of the law. The United States is a Common Law country, having an essentially case-law system; judges base their rulings on precedents (previous rulings) which prevail and are imposed in court decisions, unlike in French law. Contributing to the complexity is the decentralized judicial system with 51 supreme courts, one federal and one for each of the 50 states.
In American DNA
Moreover, the accusatory system places the procedure in the hands of the parties, that is to say the lawyers, with the judge simply acting as an arbitrator ensuring that everything goes smoothly. It is also each party (and not the judge) that chooses and pays its own experts. Therefore, it is difficult to do without a lawyer whose interest it is to encourage his client to go to court, especially in a civil case. Moreover, numerous mechanisms facilitate the task. The pactum de quota litis (an agreement entered between a creditor and a third person with regard to recovery of a debt) allows him to collect fees that are proportional to the damages awarded to the client. This system permits an individual with few financial resources to undertake legal action that he knows will be costly. Furthermore, American law is very accommodating to litigation; it allows for class action lawsuits and the possibility of asking for punitive damages when, for example, there is a blatant and voluntary failure to respect safety.
As a result, trials are without a doubt as embedded in American DNA as baseball. Of course, resort to legal action can also be a form of exploitation with the threat of trial becoming a strategic element forcing the other party to give in; a trial means time and money. Lawyer and court officer fees are so significant that even a victorious trial can lead to ruin. Furthermore, the rules are so complex and esoteric that they confer an exorbitant power to lawyers, shamans of the law. They are so numerous they can eventually obstruct any initiative. Fear of risk dominates because risk is everywhere. Obstetricians refuse to deliver babies for fear of lawsuit; in schools and universities fear of being accused of sexual harassment has become haunting; this explains the very strict procedures imposed on professors and students alike. This does not, however, prevent slip-ups on either side. In 2008, a six-year-old child was accused of sexual harassment and reported to the police by his school administration for touching the buttocks of a girl in his class.
Inequality
But things must be kept in perspective. Less than 10 percent of cases end in trial. The vast majority of civil cases are settled out of court, while others lead to mediation, a very developed technique for settling disputes in the United States. In criminal cases, more than 95 percent of cases, even ones involving the most serious crimes, can end in negotiation between the prosecutor and the defendant's lawyer; this is called plea bargaining. The result is a plea agreement, an admission of guilt in exchange for a lightened sentence, provided the defendant has a good lawyer. But perhaps the major flaw of the system in that it is very unequal, especially when concerning criminal matters. With the exception of federal jurisdiction and the jurisdictions of certain progressive cities or states, court-appointed lawyers are paid very poorly or are hardly paid at all. Therefore, they rarely have the means or desire to invest in their clients’ defense. The last option for a defendant is to challenge the court's decision by citing ineffective assistance of counsel because the lawyer, for example, fell asleep at the hearing or did not make the minimum effort to research all factors, extenuating circumstances, and so on. But despite a favorable jurisprudence, appellate courts are little inclined to open the floodgates for this type of recourse.
Everything or almost everything can be a reason for a trial in the United States.
États-Unis : la vérité sur la folie des procès
Les États-Unis sont le pays des procès, mais les Américains sont-ils pour autant bien défendus ? Décryptage.
Aux États-Unis, on peut réclamer 54 millions de dollars d'indemnités pour le préjudice subi par la perte d'un pantalon. Mais les Américains sont-ils pour cela mieux défendus par la justice ? Pas sûr. Les principaux bénéficiaires du système sont d'abord les avocats, comme l'explique ici Anne Deysine, professeur à Paris X-Nanterre, auteur, entre autres, de Les institutions aux États-Unis et Les États-Unis, une nouvelle donne ? (2010).
Les États-Unis sont le pays des procès ? Certes, les Américains n'ont pas peur de faire appel au juge, et tout concourt à favoriser le recours au contentieux, mais cela signifie-t-il que le pays est submergé par les procès ? Ce n'est pas si simple. Une chose est sûre (...), si, dans le système mis en place par la Constitution de 1787, le mode de résolution des différends passe par le juge, il ouvre aussi la voie à un nouveau type de despotisme, celui des avocats.
Qu'est-ce qui favorise le recours aux procès ? L'absence de filet social d'abord, car l'obtention de dommages et intérêts est souvent la seule option pour les victimes. L'organisation judiciaire, ensuite, qui est complexe, et, enfin, la nature du droit. Les États-Unis sont un pays de Common Law, c'est-à-dire d'un droit essentiellement jurisprudentiel élaboré par les juges : c'est le précédent (la décision antérieure) qui prime et s'impose, non la loi comme en France. Le fait qu'il s'agisse d'une organisation judiciaire décentralisée - soit 51 cours suprêmes, une fédérale et une dans chacune des cinquante États fédérés - ajoute à la complexité.
Dans l'ADN américain
De surcroît, le système accusatoire place la procédure entre les mains des parties, donc des avocats, le juge étant un simple "arbitre" du bon déroulement de la procédure. Ce sont ainsi les parties (et non le juge) qui choisissent et rémunèrent "leurs" experts. Difficile donc de se passer d'un avocat, le lawyer, qui a tout intérêt, notamment dans une affaire civile, à encourager son client à saisir la justice. De nombreux mécanismes lui facilitent d'ailleurs la tâche. Le pacte quota litis l'autorise à percevoir des honoraires proportionnels aux dommages et intérêts perçus par son client, ce qui permet à ce dernier, même sans grands moyens financiers, de se lancer dans une action qu'il sait coûteuse. De plus, le droit américain est très conciliant sur les conditions permettant d'aller au contentieux : il admet ainsi les recours collectifs (class actions) et la possibilité de demander des dommages et intérêts (punitive damages) quand il y a, par exemple, un manquement caractérisé et volontaire aux règles de sécurité.(...)
Résultat, le procès est inscrit dans l'ADN des Américains autant sans doute que le base-ball. Bien sûr, le recours à la justice peut aussi être instrumentalisé, la menace de procès devenant un élément de stratégie pour contraindre l'autre partie à céder. Car procès rime avec temps et argent. Les honoraires des lawyers et les frais liés aux différents auxiliaires de justice sont tels que même un procès gagné peut entraîner la ruine. Or les règles sont si complexes et ésotériques qu'elles confèrent un pouvoir exorbitant aux juristes, devenus de véritables chamanes du droit, et elles sont si nombreuses qu'elles peuvent finir par entraver toute initiative. La peur du risque domine, car le risque est partout. Des obstétriciens refusent de procéder à des accouchements par peur des procès ; dans les écoles ou les universités, la peur d'être accusé de harcèlement sexuel est devenue obsédante, d'où des procédures très strictes imposées aux professeurs comme aux élèves. Ce qui n'évite pas les dérapages, d'un côté comme de l'autre. En 2008, un enfant de six ans a été accusé par la direction de son école de sexuel harassement et dénoncé à la police parce qu'il avait touché les fesses d'une copine de classe.
Inégalité
Mais il faut relativiser. (...) Moins de 10 % des affaires donnent lieu à un procès. La grande majorité des demandes au civil se termine par une transaction, c'est-à-dire un accord à l'amiable, tandis que d'autres vont à la médiation, une technique de règlement des différends très développée aux États-Unis. En matière pénale, plus de 95 % des affaires, même les crimes les plus graves, peuvent faire l'objet d'une négociation entre le procureur et l'avocat de la défense, ce qu'on appelle le plaider coupable (plea bargaining). Le résultat est un plea agreement, une reconnaissance de culpabilité en échange d'une peine allégée. À condition évidemment d'avoir un bon avocat. Or c'est peut-être là la véritable faille du système : il est très inégalitaire, particulièrement au pénal. Car à l'exception des juridictions fédérales et de quelques villes ou États plutôt progressistes, l'avocat nommé par le juge est peu, voire quasiment pas rémunéré : il n'a en conséquence ni les moyens ni souvent le désir de s'investir dans la défense de son client. Reste pour ce dernier à contester la décision rendue, en invoquant une défense inefficace (ineffective counsel), par exemple parce que l'avocat s'est endormi à l'audience ou qu'il n'a pas fait l'effort minimum de recherche d'éléments ou de circonstances atténuantes, etc. Mais en dépit d'une jurisprudence favorable, les juridictions d'appel ne sont guère enclines à ouvrir les vannes de ce type de recours.
Tout ou presque peut être matière à procès aux États-Unis.
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It wouldn’t have cost Trump anything to show a clear intent to deter in a strategically crucial moment; it wouldn’t even have undermined his efforts in Ukraine.