‘Since 2001, There Has Been a Total Decline in Law in the United States’

Published in Liberation
(France) on 11 December 2014
by Laurence Defranoux (link to originallink to original)
Translated from by Nathanael Milien. Edited by Helaine Schweitzer.
Philosopher Michel Terestchenko, author of “Du bon usage de la torture, ou comment les democraties justifient l’injustifiable,” (“On the Good Use of Torture or How Democracies Justify the Unjustifiable”) La Decouverte, 2008, reacts to the publication of the U.S. Senate Intelligence Committee report on the use of torture in secret prisons abroad by the CIA after the terrorist attacks of Sept. 11, 2001.

What was your first reaction when you read this report which was published on Tuesday?

“It’s a terrifying finding, capable of feeding all the conspiracy theories against the CIA. From the moment that President Bush signed the memorandum of Sept. 17, 2001 — less than a week after the attacks on the World Trade Center — which authorized the CIA director to ‘use all necessary measures to capture and detain suspects who represent a continuous and serious violent threat or who plan terrorist attacks,’ the CIA acted with total impunity and unprecedented powers, without consulting the administration or the president. Either it had been tacitly authorized, or the CIA deliberately misled the Bush administration until 2003, and the president until 2006.

“We know that the United States has used torture since Vietnam. And most recently, since the 2004 revelation of the abuses committed by the army in the Abu Ghraib prison in Iraq. What is very disturbing in this report, in addition to the appalling list of abuses, is that the CIA has never hesitated to provide false information to the White House, to various agencies and to the press. It lied about the detention conditions of the prisoners, about the interrogation techniques, about the physical effects of those methods, and about their effectiveness.”

The effectiveness of torture is, however, the argument used to defend its use …

“George W. Bush publicly acknowledged in 2006 the use of 'alternative methods,' justifying them a posteriori under the pretext that they would help ‘obtain important information’ and ‘save lives.’ However, there is no valid or useful information available to help foil terrorist attacks. What is very surprising is that the intelligence agencies knew that torture is ineffective and that intelligence was gathered by confrontation and analysis. In addition, we can see that the CIA used inexperienced agents in its interrogation centers.”

Can we really believe that the highest level of the American government was not aware?

“Despite the report, it seems unlikely to me that President George W. Bush, Vice President Dick Cheney or Defense Secretary Donald Rumsfeld were completely left in the dark about the activities that they explicitly implemented and supported at Guantanamo, in Afghanistan, or in Iraq at that time. On Feb. 7, 2002, the president also signed a directive confirming that the Taliban and the al-Qaida detainees were not protected by the Geneva Conventions relative to the treatment of prisoners of war. Despite the amount of outstanding information collected, there are still many gray areas. Only 525 pages were declassified out of the 6,000 pages of the report, and there is a specific reference to the fact that the White House refused to give the Intelligence Committee access to the more than 9,400 documents that it retains by 'presidential privilege,' despite repeated demands — including in 2013 — under Obama’s presidency.“

What do you conclude from this first reading?

“It is proof of the dysfunction of all channels of command and of a decline in law after the terrorist attacks of Sept. 11. For 13 years, all positive forms of control of democratic institutions have been disappearing, to the total apathy of citizens. Similarly, impunity, secrets, disregard for international law and ineffectiveness all are ways that describe CIA practices conducted today to eliminate jihadi through targeted strikes which are, in fact, assassinations. The U.S. Senate Intelligence Committee concluded that the results of this investigation are ‘a warning for the future,’ and that ‘the intelligence agencies must reflect about who we are as a nation.’ And that in a crisis situation, we should never challenge the laws and rules of democracy again.”


«Depuis 2001, on assiste à un recul total du droit aux Etats-Unis»

INTERVIEWLe philosophe Michel Terestchenko réagit à la publication du rapport sur l’usage de la torture par la CIA, «réquisitoire terrifiant» et «preuve d'un dysfonctionnement de la démocratie».

Le philosophe Michel Terestchenko, auteur du Bon Usage de la torture ou comment les démocraties justifient l’injustifiable, réagit à la publication du rapport du Sénat américain sur l’usage de la torture par la CIA sur des suspects à la suite des attentats du 11 septembre 2001, dans des prisons secrètes à l’étranger.

Quelle est votre première réaction à la lecture de ce rapport, publié mardi ?

C’est un réquisitoire terrifiant contre la CIA, de nature à nourrir toutes les théories conspirationnistes et complotistes. A partir du moment où le président Bush a signé le mémorandum du 17 septembre 2001, moins d’une semaine après l’attaque du World Trade Center, qui autorisait le directeur du service de renseignement américain à «entreprendre toutes les opérations nécessaires pour capturer et placer en détention les personnes qui représentent une menace de violence continuelle et sérieuse ou qui planifient des actions terroristes», la CIA a agi en toute impunité, avec des pouvoirs sans précédent, sans en référer à l’exécutif ni au président. Soit parce qu’elle y a été tacitement autorisée, soit parce qu’elle a délibérément trompé l’administration Bush jusqu’en 2003 et le Président jusqu’en 2006.

Que les Etats-Unis aient pratiqué la torture, on le savait depuis le Vietnam. Et plus récemment, depuis la révélation, en 2004, des exactions commises par l’armée dans la prison d’Abou Ghraib, en Irak. Ce qui est très troublant dans ce rapport, en plus du catalogue épouvantable des sévices pratiqués, c’est que la CIA n’a cessé de transmettre de fausses informations à la Maison Blanche, aux différents ministères et à la presse. Elle a menti sur les conditions de détention des prisonniers, sur les techniques d’interrogatoire, sur les effets physiques de ces méthodes et sur leur efficacité.

L’efficacité de la torture est pourtant l’argument utilisé pour défendre son utilisation…

George W. Bush a reconnu publiquement en 2006 l’usage de «procédures alternatives», les justifiant a posteriori sous le prétexte qu’elles permettraient «d’obtenir des informations significatives» et de «sauver des vies». Or, aucune information valable ou utile permettant de déjouer un attentat n’en a résulté. Ce qui est très étonnant, c’est que les agences de renseignement savent que la torture est inefficace, que les renseignements s’obtiennent par la confrontation et l’analyse. Et en plus, on s’aperçoit que la CIA a utilisé dans ces centres d’interrogatoire des agents sans expérience.

Peut-on vraiment croire que le plus haut niveau de l’Etat américain n’était pas au courant ?

Malgré ce qu’affirme le rapport, il me semble peu probable que le président George W. Bush, le vice-président Dick Cheney ou Donald Rumsfeld, le ministre de la Défense, aient été tenus dans la plus complète ignorance d’activités qu’ils ont par ailleurs explicitement mises en œuvre et soutenues à Guantánamo, en Afghanistan ou en Irak à cette période. Le 7 février 2002, le Président a d’ailleurs signé une directive rappelant que les talibans et les détenus d’Al-Qaeda n’étaient pas protégés par la convention de Genève sur les prisonniers de guerre. Malgré la somme d’informations remarquables recueillies, il reste beaucoup de zones d’ombre. Seules 525 pages ont été déclassifiées sur les 6 000 que compte le rapport, et une note précise que la Maison Blanche a refusé à la commission d’enquête l’accès à plus de 9 400 documents qu’elle retient par un «privilège présidentiel», et ce malgré des demandes répétées, y compris en 2013 – sous la présidence Obama.

Quelle est la conclusion que vous tirez de cette première lecture ?

C’est la preuve du dysfonctionnement de toute la chaîne de commandement et du recul total du droit à la suite des attentats du 11 Septembre. On assiste depuis treize ans à la disparition de toutes les formes positives de contrôle des institutions démocratiques, dans la passivité totale des citoyens. De la même façon, l’impunité, le secret, le mépris du droit international et l’inefficacité caractérisent la politique menée par la CIA aujourd’hui pour éliminer les jihadistes par des frappes ciblées, qui sont de fait des assassinats. La commission du Sénat américain conclut que les résultats de cette enquête sont «un avertissement pour le futur», que «les agences de renseignement doivent refléter qui nous sommes comme nation». Et que c’est en situation de crise qu’il faut plus que jamais se confronter aux lois et aux règles de la démocratie.
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