Why Trump Is Not a Fascist

Published in Le Devoir
(Canada) on 16 September 2016
by Christian Rioux (link to originallink to original)
Translated from by Elona Ritchie. Edited by Shelby Stillwell.
Though history can sometimes help us better understand the present, it can also prevent us from looking at reality head-on. A few years ago, I wrote about the Vichy regime. Due to the deadlines that dictate the life of a columnist, I hastily and with little explanation called Marshal Pétain's government fascist. I paid the price when a historian friend quickly informed me that my prose was dangerously lacking in nuance.

In France, there is a real debate amongst historians about the fascist nature of Pétain and the Vichy regime. Though the influence is evident and its totalitarian, far-right, ultranationalist and anti-Semitic aspects are widely acknowledged, many serious historians, like Serge Bernstein and Michel Winock (Fascisme français? La controverse, CNRS Éditions) make a strong argument against the existence of a widespread fascist movement in France.

As you may have guessed, when I heard people call Donald Trump a "fascist," I fell off my chair. From a European perspective, this grotesque statement is not only indicative of great ignorance, but it is also a glaring political error about the history of the 20th century and current world issues. Several French and European newspapers (L'Obs, Le Temps) also quickly reacted to statements found often in North American media, in Quebec and elsewhere.

In France, high school students learn that fascism is characterized by a charismatic leader who holds all the reins of power and communes directly with the people; a totalitarian ideology that uses corporatism to undercut both capitalism and socialism; and a single ultranationalist, revolutionary party that distinguishes itself with its organized military.

Who the devil could think of Donald Trump as a charismatic leader who controls the levers of power when his own party does not respect him? Who would believe that this multi-billionaire would want to abolish capitalism and American democracy? Where are the Trumpist militias waving banners in the streets of Washington and Los Angeles?

Those sorts of statements would not be worth paying attention to if they did not trivialize fascism and the horrors of the 20th century. As the great Italian writer Curzio Malaparte, a one-time disciple of Mussolini, wrote, "A totalitarian regime is a regime where everything that is not forbidden is mandatory." A bit like today's radical Islam, fascism, being an all-encompassing ideology, sought to control all aspects of life from the economy to private lives, including arts and literature; just like its Siamese twin, communism, which you need to understand the other.

We can safely say that, for a 1930s fascist, Donald Trump would seem more like a corrupt capitalist with a gigantic ego who barely has a guiding principle. With all due respect to those who thought they could explain everything by unearthing a century-old ideology, Donald Trump has much more to do with a certain kind of media populism than the march of Blackshirt boots.

His role model is neither Mussolini nor Hitler. It is demagogue Silvio Berlusconi, who arrived on the Italian political scene in the 1980s, not long after the privatization of public television networks, which gave birth to a new media aristocracy. Unlike France and Great Britain, Italy and the United States both have a television industry where the notion of public service has practically disappeared. This could explain the Trump phenomenon.

Like Il Cavaliere, Trump brandishes his personal success as the sole measure of his worth. He encourages the same kind of unfettered misogyny and xenophobia. Like Berlusconi, he is counting on a discredited political and media class to go after voters who have not cast a ballot for a long time. What does he offer but a strange hodge-podge that is more like a reality show than politics?

Fascism crushed the individual under its ideological steamroller, but Trump represents individualism gone mad, where the spectacle is the main attraction, where social climbers are heroes, and where public jokers take over the screen while claiming their inalienable "right" to be vulgar. A symbol of "anthropological regression," as writer Philippe Muray so aptly put it.

At a time when government ministers goof around on "Tout le monde en parle," why wouldn't presidential candidates also don red clown noses? Why not use all the provocations and thus ridicule politics itself? Donald Trump is not the spokesperson for an ideology; he represents a world that has seen it all when it comes to ideas. But that does not mean our future is as bleak as the past.


Si l’histoire permet parfois d’éclairer le présent, elle peut aussi être un écran qui sert à éviter de regarder la réalité en face. Il y a quelques années, il m’est arrivé d’écrire sur le régime de Vichy. Dans la rapidité d’exécution qu’exige l’exercice de la chronique, j’avais un peu vite associé le gouvernement du maréchal Pétain au fascisme sans plus d’explications. Mal m’en prit puisqu’un ami historien eut vite fait de m’informer que ma prose manquait dangereusement de nuances.

En effet, il existe en France un véritable débat chez les historiens sur le caractère fasciste de Pétain et du régime de Vichy. Si les influences sont évidentes et si le caractère totalitaire, d’extrême droite, ultranationaliste et antisémite ne prête pas à discussion, nombre d’historiens sérieux, comme Serge Bernstein et Michel Winock (Fascisme français ? La controverse, CNRS Éditions), contestent avec des arguments de poids l’existence d’un véritable mouvement fasciste de masse en France.

Vous aurez donc compris que lorsque j’ai entendu certains traiter Donald Trump de « fasciste », je suis tombé de ma chaise. Vue d’Europe, cette affirmation grotesque laisse non seulement deviner un abîme d’ignorance, mais elle exprime surtout une erreur politique grave concernant l’histoire du XXe siècle et les enjeux du monde actuel. D’ailleurs, plusieurs journaux français et européens (L’Obs, Le Temps) ont assez vite réagi à ces affirmations que l’on retrouve surtout dans les médias nord-américains, notamment québécois.

En France, on apprend dès l’école secondaire que le fascisme se caractérise par un chef charismatique doté de tous les pouvoirs et qui communie directement avec le peuple, une idéologie totalisante pour qui le corporatisme est une façon de dépasser aussi bien le capitalisme que le socialisme, et enfin un parti unique ultranationaliste et révolutionnaire qui se distingue par son organisation militaire.

Qui diable peut donc imaginer Donald Trump en chef charismatique doté de tous les pouvoirs alors même que son propre parti ne lui obéit pas ? Qui peut croire que ce multimilliardaire veut en finir avec le capitalisme et la démocratie américaine ? Et qui donc a vu des milices trumpistes défiler bannières au vent dans les rues de Washington et de Los Angeles ?


De telles affirmations ne mériteraient pas qu’on s’y arrête si elles ne banalisaient pas le fascisme et l’horreur qui a caractérisé le XXe siècle. Comme l’écrivait le grand écrivain italien Curzio Malaparte, qui fut d’ailleurs un temps disciple de Mussolini, « le régime totalitaire est un régime où tout ce qui n’est pas interdit est obligatoire ». Un peu comme l’islamisme aujourd’hui, le fascisme, en tant qu’idéologie globalisante, ambitionnait de régir tous les aspects de la vie, de l’économie à la vie privée, en passant par les arts et la littérature. Exactement comme son frère siamois, le communisme, sans lequel il ne peut être compris.

D’ailleurs, il y a fort à parier que, pour un fasciste des années trente, Donald Trump passerait pour un capitaliste corrompu à l’ego surdimensionné chez qui l’on peine à discerner la moindre pensée directrice. N’en déplaise à ceux qui croyaient tout expliquer en déterrant une idéologie centenaire, Donald Trump a beaucoup plus à voir avec un certain populisme médiatique qu’avec le bruit des bottes mussoliniennes.

Son modèle n’est ni Mussolini ni Hitler. C’est plutôt le démagogue Silvio Berlusconi arrivé sur la scène politique italienne dès les années 1980, peu après la privatisation des chaînes publiques qui donna naissance à une nouvelle aristocratie médiatique. Contrairement à la France et à la Grande-Bretagne, l’Italie et les États-Unis ont comme point commun de posséder un paysage télévisuel d’où toute notion de service public est pratiquement disparue. Or, ceci explique peut-être cela.

Comme le Cavaliere, Trump brandit sa réussite personnelle comme seul gage de sa compétence. Il cultive la même misogynie et la même xénophobie décomplexées. Comme lui, il table sur une classe politique et journalistique déconsidérée afin d’aller chercher ces électeurs qui ne votent plus depuis longtemps. Que leur offre-t-il sinon une étrange soupe qui a plus à voir avec la téléréalité qu’avec la politique ?

Alors que le fascisme écrasait l’individu sous le rouleau compresseur de l’idéologie, Trump est le représentant d’un individualisme devenu fou où le spectacle occupe toute la place, où les parvenus sont des héros et où les amuseurs publics envahissent les écrans en affichant leur « droit » inaliénable à la vulgarité. Un symbole de cette « régression anthropologique »qu’avait si bien diagnostiquée l’écrivain Philippe Muray.

À une époque où les ministres font les pitres à Tout le monde en parle, pourquoi les candidats à la présidence ne porteraient-ils pas eux aussi un nez de clown ? Pourquoi n’useraient-ils pas de toutes les provocations, ridiculisant ainsi la politique elle-même ? Donald Trump n’est pas le représentant d’une idéologie, mais plutôt celui d’un monde revenu de toutes les idées. Il ne faudrait pas en déduire que notre horizon est moins sombre que celui d’hier.
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