Bordered by the waters of the Illinois River, the city of Peoria, headquarters for Caterpillar, has for decades been America’s barometer. “Will it play in Peoria?” asked political communications advisors before launching their new “products” on the American market.
Today, the region of Peoria is no longer mainstream America in a nutshell. Although far from being an economic desert, it rests within the Rust Belt, land of manufacturing industries hit with full force by the technological switchover and by globalization. In November, certain states in this region (Illinois, Ohio, and Michigan) will be “for the taking” and it is in these swing states, pivots of the electoral campaign, that these experts are trying to predict the impact of the Trump phenomenon.
Since the 1980s, since the Reagan years marked by deregulation and free trade, tens of millions of Americans have prospered in those sectors that lead globalization, but others, numerous others, have been left high and dry. Large companies have left the “heartland” to establish themselves in Mexico or China, causing this “giant sucking sound” that Texan billionaire Ross Perot had denounced during his 1992 electoral campaign against Bill Clinton and George H.W. Bush. The “third man” in that election had predicted that free trade would cause massive loss of industrial jobs. A true Cassandra, he had already attracted nearly 19 percent of votes.
The Establishment accused Ross Perot of being old-fashioned and populist and lost interest, but reputable journalists and sociologists heard the warning. Since the beginning of the 1990s, the years of Bill Clinton, books by Donald Barlett and James Steele, one of the most gifted duos of American investigative journalism, were testament to the social pullback of the liberalization and the unease that took over part of the country: They wrote “America: What Went Wrong?” in 1992; “America: Who Stole the Dream?” came in 1996.
The America of the 'Relegated'
As seen from the industrial wasteland of Flint, abandoned by General Motors (and immortalized by Michael Moore’s camera), and the battered neighborhoods of Youngstown, the former Steel City, reality has had little to do with the “winning America,” from Silicon Valley to Wall Street. This other America was that of the “invisible.” They didn’t make the opening of JT or onto the glossy cover of magazines.
And yet, there it was. In her 1990 essay “Bait & Switch: The (Futile) Pursuit of the American Dream,” and, in 2001, in “Nickel and Dimed: On (Not) Getting By in America,” Barbara Ehrenreich describes people reduced to unstable and poorly paying odd jobs, but also a middle class distressed by the “fear of falling,” worried about their future and that of their children. Since then, social surveys followed one after the other, with the result being “indignant” travels across an America of wastelands and burdened horizons, with the radical example of "Days of Destruction, Days of Revolt,” published in 2012 by Chris Hedges and Joe Sacco.
At the beginning of September, Roger Cohen, one of the most respected columnists of the New York Times, returned from the depressed regions of the Appalachians, at the heart of “Trump Country,” with a startling report on an America that feels abandoned at the altar of globalization. “President Obama cares more about Paris, France, than he does about Paris, Kentucky,” confided one of the people he interviewed. This feeling of relegation, sparking uncertainty and hostility, is, in part, at the root of movements that carried the campaigns of “socialist” Bernie Sanders within the Democratic party and of “nationalist-populist” Donald Trump in the Republican party.
Certainly, Donald Trump doesn’t just attract the rejects of liberalization or the “invisibles” of media coverage. He also does extremely well among folks who are comfortable but don’t want to share anything, not with the poor and especially not with blacks, Hispanics, or Muslims. It’s these “racist, sexist, homophobic, xenophobic, Islamophobic” people, “half of Trump supporters,” as Hillary Clinton was caught saying a few days ago, triggering a whirlwind of condemnation from the right against her “social contempt.” Yes, as Charles Blow highlighted in the New York Times, many Trump voters are racist, homophobic “deplorables.” But this statement cannot make us forget that a certain Democratic elite, protected by their diplomas and incomes and conviction of belonging to a “moral generation,” has seriously neglected the social issue. And so Donald Trump is left, as masterfully described by Arlie Russell Hochschild in her book “Strangers in Their Own Land,” with the possibility of seizing upon these feelings of anxiety and injustice.
Hillary Clinton is seeking to recapture the “other half” of Donald Trump’s voters, “who are people who feel,” she said, “that government has let them down, nobody cares about them.” But, as noted by a journalist from Mother Jones, Democrats in the Rust Belt are going to have the hardest job in America: bringing back workers who are trying to see if the grass is greener on the Republican side.
Baignée par les eaux du fleuve Illinois, la ville de Peoria, siège de Caterpillar, a été pendant des décennies le baromètre de l’Amérique. Will it play in Peoria? « Est-ce que ça va marcher à Peoria ?», s’interrogeaient les conseillers en communication politique avant de lancer leur nouveaux « produits » sur le marché américain.
Aujourd’hui, la région de Peoria n’est plus le résumé de l’Amérique moyenne. Même si elle est loin d’être un désert économique, elle appartient à la Rust Belt, la « ceinture de la rouille », terre d’industries manufacturières frappées de plein fouet par le basculement technologique et la globalisation. En novembre, certains des Etats de cette région, l’Illinois, l’Ohio, le Michigan, seront « à prendre » et c’est dans ces swing states, pivots de la campagne électorale, que les experts tentent de prédire l’impact du phénomène Trump.
Depuis les années 1980, depuis ces années Reagan marquées par la dérégulation et le libre échange, des dizaines de millions d’Américains ont prospéré dans les secteurs qui mènent la globalisation, mais d’autres, de nombreux autres, ont été laissés sur le carreau. De grandes entreprises ont quitté le heartland pour s’installer au Mexique ou en Chine, provoquant ce « bruit de succion géant » que le milliardaire texan Ross Perot avait dénoncé lors de sa campagne électorale en 1992 contre Bill Clinton et George H.W. Bush. Le « troisième homme » de ce scrutin avait alors prédit que le libre échange allait provoquer des pertes massives d’emplois industriels. Cassandre, il avait attiré, déjà, 19% des voix.
L’Establishment taxa Ross Perot de ringard et de populiste et s’en désintéressa, mais des journalistes et des sociologues réputés entendirent l’avertissement. Dès le début des années 1990, les années Bill Clinton, des livres de Donald Barlett et James Steele, un des duos les plus doués du journalisme d’investigation américain, avaient témoigné du ressac social de la libéralisation et du malaise qui gagnait une partie du pays: L’Amérique: qu’est-ce qui a foiré?, écrivaient-ils en 1992; l’Amérique: qui a volé le rêve?, renchérissaient-ils en 1996.
L’Amérique des “déclassés”
Vue des friches industrielles de Flint, désertée par General Motors (et immortalisée par la caméra de Michael Moore), ou des quartiers cabossés de Youngstown, l’ancienne Steel City (ville de l’acier), la réalité n’avait pas grand chose à voir, en effet, avec « l’Amérique qui gagne », de la Silicon Valley à Wall Street. Cette autre Amérique était celle des « invisibles ». Elle ne faisait pas l’ouverture des JT ni la couverture des magazines en papier glacé.
Elle était pourtant là. En 1990, dans son essai On achève bien les cadres: l’envers du rêve américain, et, en 2001, dans L’Amérique pauvre ou comment ne pas survivre en travaillant, Barbara Ehrenreich décrivait des personnes réduites à des petits boulots précaires et mal payés, mais aussi des classes moyennes angoissées par la « peur de tomber », inquiètes de leur avenir et de celui de leurs enfants. Depuis, les enquêtes sociales se sont succédé, résultat de bourlingues « indignées » dans l’Amérique des terrains vagues et des horizons plombés, à l’exemple, radical, de Jours de destruction, Jours de révolte, publié en 2012 par Chris Hedges et Joe Sacco.
Début septembre, Roger Cohen, l’un des chroniqueurs les plus respectés du New York Times, est revenu des régions déprimées des Appalaches, au coeur du « Trump Country », avec un reportage saisissant sur une Amérique qui se sent abandonnée sur l’autel de la globalisation. « Le Président Obama se préoccupe plus de Paris, en France, que de Paris (Nda: une ville de 9.000 habitants, du comté de Bourbon), au Kentucky », lui confiait un de ses interlocuteurs.
Ce sentiment de déclassement, ferment d’incertitude et de hargne, est, en partie, à l’origine des mouvements qui ont porté les campagnes du “socialiste” Bernie Sanders au sein du Parti démocrate et du “national-populiste” Donald Trump chez les Républicains.
Certes, Donald Trump n’attire pas seulement les laissés pour compte de la libéralisation ou les « invisibles » de la médiatisation. Il cartonne aussi parmi des gens confortables, mais qui ne veulent rien partager, ni avec les pauvres, ni surtout avec les noirs, les hispaniques et les musulmans. Ce sont à ces « gens pitoyables, racistes, sexistes, homophobes, xénophobes, islamophobes », « la moitié des partisans de Trump », que s’en est pris Hillary Clinton il y a quelques jours, déclenchant, à droite, une tornade de réprobations contre son « mépris social ».
Oui, comme le signalait Charles Blow dans le New York Times, beaucoup d’électeurs de Trump sont racistes, homophobes,« déplorables ». Mais ce constat ne peut faire oublier qu’une certaine élite démocrate, protégée par ses diplômes et ses revenus, convaincue d’être une « génération morale », a gravement négligé la question sociale. Elle a ainsi laissé à Donald Trump, comme le décrit magistralement Arlie Russell Hochschild dans son livre Etrangers dans leur propre pays, la possibilité de récupérer à son profit le sentiment d’angoisse et d’injustice.
Hillary Clinton cherche à reconquérir l’ «autre moitié » des électeurs de Donald Trump, « ceux qui pensent, disait-elle récemment, que le gouvernement les a laissés tomber, que personne ne se préoccupe d’eux ». Mais, comme le notait une journaliste du magazine Mother Jones, les Démocrates de la « ceinture de la rouille » vont avoir le boulot le plus dur en Amérique: ramener au bercail des travailleurs tentés d’aller voir chez les Républicains si la houille y est plus grasse.
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