The nuclear debate is the least of citizen concerns. And yet, the new American approach to the debate marks a paradigm shift, breaking with the orthodoxy that has been in place in Washington since the 1950s. It envisions the unthinkable, the development of limited-scope nuclear weapons that are operational during localized conflicts, as well as weapons that are used in response to non-nuclear foreign threats.
Contrary to appearances, the 2018 Nuclear Posture Review, which evaluates nuclear devices by proposing to broaden the use of deterrence and prevent the depreciation of the "strategic environment" favorable to the United States is opening the way to misunderstanding and conflict.
Among nations, the possession of atomic weapons is deemed to be a source of prestige. That is why Winston Churchill refused to disclose the codes to France in 1945. He could not afford to upset the U.K.'s balance of power. And when Paris began its own research to acquire the bomb, it was partly for this reason, as well as to differentiate itself from Bonn, West Germany.
But nuclear weaponry is especially supposed to have rebuilt the bases of political power and military ethics by making stagnation in war less likely thanks to its deterrent capacity. Think in particular of the battles of Verdun, the Somme and Stalingrad. This is not to deny the outbreak of conflicts over the past 70 years, but note that (potentially) more deadly ones could have been stifled when the fundamental interests of bomb-holding countries were threatened or when those countries credibly showed their willingness to deploy their nuclear arsenal; in the Cuban missile crisis, for example.
At least that's the opinion of the NPR, which regards the U.S. weapons stockpile as a guarantor of America’s security and that of its allies. If it were to suggest a change, it would be to allow U.S. nuclear capabilities to adapt to the increasing complexity and diversification of external threats. In this sense, it seeks to forbid any form of vulnerability. The intention is still deterrence, but there is no need to misunderstand the NPR: modernizing the U.S. nuclear triad and acquiring "atomic mini-bombs" in order to "expand the range of credible U.S. options," in addition to being bellicose, signifies an expanded and muscular conception of deterrence. In the short and medium term, the potential for American interventionism is enhanced.
In Defense of American Interests
Given its Thucydidean accents, the NPR strongly warns against reinsuring Russia and the rise of China, and it also supposedly aims to stem the decline of the United States.
China is at the head of the world's largest economy. And since it holds the largest share of U.S. debt, the United States cannot effectively contain its strategic and diplomatic progress, as evidenced by the recent development of a Chinese naval base in Djibouti, near East Africa and the Indian Ocean.
It is unlikely that the Trump administration can remedy the decline of the American state, especially given its strategic misjudgments, which may accelerate the strengthening of China, to say nothing of the the Russians, North Koreans and Iranians. The National Intelligence Council's latest report (2017) is crystal clear: "For better and worse, the emerging global landscape is drawing to a close an era of American dominance following the Cold War.”
The NPR follows from this basic principle. That is why one of its objectives consists of shielding the United States "against an uncertain future," by expanding the role played by nuclear weapons in its defense strategy. This approach is tantamount to bolstering U.S. leadership where it is faltering, in addition to strengthening U.S. containment policies at the gates of Russia and China. It cannot endorse a new nuclear arms race, nor incite deterrence, as pragmatic diplomacy and a better understanding of enemy intentions would permit. The tragedy is that this time, it will involve several nations in addition to the Cold War's superpowers, which will increase the risk of a generalized conflagration.
The NPR is the product of a giant with clay feet whose military superiority supposedly remains unchallenged. By proposing peace through reinforcing America's offensive tools, it is seeking to ensure the security of the United States as much as the crystallization of the international order, while doing nothing to dissuade the reinforcement of revisionist powers (Russia, China, etc.). For these countries, the NPR represents a challenge; there is every reason to think, with no offense to our collective security, that they will try to take it up.
Le potentiel danger à surveiller du nucléaire aux États-Unis
Le débat sur le nucléaire est le parent pauvre des préoccupations citoyennes. Et pourtant ! La nouvelle approche américaine marque un changement de paradigme, rompant avec l’orthodoxie en place à Washington depuis les années 1950. Elle envisage en effet l’impensable, soit le développement d’armes nucléaires à portée limitée, opérationnelles lors de conflits localisés, ainsi qu’en réponse à des menaces étrangères non nucléaires.
Contrairement aux apparences, la Nuclear Posture Review 2018 (NPR), soit l’évaluation du dispositif nucléaire, puisqu’il propose d’élargir le recours à la dissuasion et d’empêcher la dépréciation de « l’environnement stratégique » favorable aux États-Unis, ouvre la voie à la mésentente et aux conflits.
Parmi le concert des nations, la possession de l’arme atomique est réputée être une source de prestige. C’est pourquoi Churchill s’est refusé à en communiquer les codes à la France en 1945. Il ne pouvait se permettre de réduire le rapport de force du Royaume-Uni. Et quand Paris a entrepris ses recherches pour acquérir la bombe, c’était en partie pour cette raison ; être à même de se différencier de Bonn (République fédérale d’Allemagne).
Mais l’armement nucléaire est surtout réputé avoir refondé les bases du pouvoir politique et de l’éthique militaire, en rendant moins vraisemblable, grâce à sa capacité de dissuasion, l’enlisement dans la guerre (pensons aux batailles de Verdun, de la Somme et de Stalingrad, notamment). Il ne s’agit pas de nier l’éclosion des conflits intervenus lors des soixante-dix dernières années, mais notons que les (potentiellement) plus funestes ont pu être étouffés lorsque les intérêts fondamentaux des pays détenteurs de la bombe étaient menacés — ou quand ceux-ci démontraient d’une façon crédible leur volonté à déployer leur arsenal nucléaire (la crise des missiles de Cuba, par exemple).
C’est du moins l’avis de la NPR, qui considère le stock d’armement des États-Unis comme un garant de la sécurité de l’Amérique et de ses alliés. Si elle contraint à une révision, c’est pour permettre aux capacités nucléaires américaines de s’adapter à la complexification et à la diversification des menaces extérieures. Son inconvénient, en ce sens, est de s’interdire toute forme de vulnérabilité. L’intention affichée demeure la dissuasion, mais il n’y a pas lieu de se méprendre : moderniser sa triade nucléaire et acquérir des « minibombes atomiques » dans l’optique « d’élargir [sa] gamme d’options crédibles », en plus d’être belliqueux, signifie une conception élargie et musclée de la dissuasion. À court et à moyen terme, le potentiel interventionnisme américain s’en trouve rehaussé.
À la défense des intérêts américains
Compte tenu de ses accents thucydidiens — la NPR met amplement en garde contre la réassurance de la Russie et la montée de la Chine —, il vise aussi, comprend-on, à enrayer le déclin des États-Unis.
La Chine est à la tête de la première économie mondiale. Et puisqu’elle détient la plus grande part de la dette américaine, les États-Unis sont impuissants à contenir efficacement ses progressions stratégiques et diplomatiques, tel qu’en atteste le récent aménagement d’une base navale chinoise à Djibouti, à proximité de l’Afrique de l’Est et de l’océan Indien.
Il est peu probable que le gouvernement Trump puisse remédier au déclin de l’État américain, d’autant que ses erreurs d’appréciation stratégique risquent d’accélérer le renforcement de la Chine — pour ne rien dire du cas des Russes, des Nord-Coréens et des Iraniens. Le dernier rapport du National Intelligence Council (2017) est limpide : « Pour le meilleur ou pour le pire, le paysage mondial qui émerge pousse à sa fin une ère de domination américaine, après la guerre froide. »
La NPR découle de ce postulat. C’est pourquoi l’un de ses objectifs consiste à couvrir les États-Unis « contre un avenir incertain », en élargissant le rôle joué par le nucléaire dans leur stratégie de défense. Cette approche revient à asseoir le leadership américain là où il est chancelant, en complément des politiques américaines d’endiguement exercées aux portes de la Russie et de la Chine. Elle ne peut donc manquer de cautionner une nouvelle course aux armements nucléaires, et non d’inciter à la dissuasion, comme le permettraient une diplomatie pragmatique et une meilleure lecture des intentions adverses. Le drame est qu’elle impliquera, cette fois, plusieurs nations, au-delà des superpuissances de la guerre froide, ce qui rehaussera les risques d’une conflagration généralisée.
La NPR est le produit d’un géant aux pieds d’argile — dont la supériorité militaire demeure incontestée, entendons-nous. En proposant la paix par un renforcement des outils offensifs américains, c’est autant la sécurité des États-Unis qu’il cherche à assurer que la cristallisation de l’ordre international, tandis qu’il ne dissuade en rien le renforcement de puissances révisionnistes (Russie, Chine, etc.). Pour celles-ci, la NPR représente un défi ; il y a tout lieu de penser, n’en déplaise à notre sécurité collective, qu’elles tenteront de le relever.
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