Le jeu trouble de Washington
En définitive, les Palestiniens ont échoué au port. Il est toutefois évident que Washington usa de tout son poids pour qu’il en soit ainsi. Aussi, manqua-t-il une voix aux Palestiniens, une toute petite voix – celle du Nigeria qui changea son vote en s’abstenant au lieu de voter oui comme il s’y est engagé – qui a fait la différence. Le projet a recueilli huit voix pour (dont celles de la Chine, la France et la Russie, membres permanents du Conseil de sécurité), cinq abstentions (dont la Grande- Bretagne, membre permanent) et deux contre (Etats-Unis et Australie). Il fallut neuf voix pour que le projet devienne une résolution du Conseil de sécurité. Cela aurait contraint les Etats-Unis à faire usage de leur veto. Pour les Palestiniens il s’agissait de mettre Washington face à ses responsabilités. Mais, encore une fois, ils ont échoué à faire valoir la priorité du droit sur les tractations de coulisses. Cela illustre singulièrement le fait que le Conseil de sécurité n’est pas, n’est plus, l’endroit ad hoc pour solutionner les problèmes de fond qui se posent aux Nations unies, supposées leur trouver des issues. En échouant sur le dossier palestinien en instance depuis 68 ans l’ONU et son Conseil de sécurité ont signé l’inanité de leur activité. En fait, le Conseil de sécurité a été totalement perverti, tant par la détention du droit de veto – veto qui annule toute résolution n’allant pas dans le sens souhaité par certains membres permanents, même si la résolution ouvre des perspectives à la paix et à la sécurité – que par les manipulation auxquelles se livrent certaines puissances. Ce qui gène les Américains et, certes, Israël, c’est bien sûr la date butoir que voulaient imposer les Palestiniens pour la fin de l’occupation et, enfin, avoir des négociations sérieuses, encadrées par la limite de temps, qui puissent déboucher sur du concret. Mais Israël ne veut pas d’une telle limite, lui qui «dialogue» avec les Palestiniens depuis 1993 sans seulement avoir abordé le vif du sujet et commencé réellement les négociations. Personne, mieux que les Américains n’est au fait de cette situation devenue un mur sur lequel butent les pourparlers depuis 23 ans. S’il y a une vérité à dire, c’est que les négociations dans leur contexte actuel ont échoué. Faut-il continuer à négocier juste pour négocier – parallèlement Israël s’active à reconfigurer et à judaïser la Cisjordanie et Jérusalem-Est occupées – sans calendrier, sans date butoir, sans objectif alors que dans 20 ans il n’y aura sans doute plus de territoires palestiniens? C’est pourtant ce que les Etats-Unis exigent des Palestiniens. Israël malmène le processus de paix par la poursuite de la colonisation, ce qui n’empêche pas les Etats-Unis de refuser les initiatives qu’ils disent «unilatérales» des Palestiniens. C’est la loi du plus fort qui s’exprime ainsi dans toute sa malveillance. Le plus cocasse cependant est la réaction de Washington qui fulminait, ne supportant pas que le président palestinien, Mahmoud Abbas, après son échec à l’ONU, signe l’adhésion de la Palestine à la Cour pénale internationale (CPI, qui prend en charge les crimes de guerre, de génocide et crimes contre l’humanité).
A-t-on laissé d’autres voies de recours alors que toutes les portes ont été fermées devant les Palestiniens? Or, Washington a très mal pris l’adhésion de la Palestine à la CPI, estimant que c’est là une «escalade contre-productive» qui «alourdit le climat» avec Israël. Nous ne relèverons pas les contre-vérités du porte-parole du département d’Etat, Jeffrey Rathke, qui réagissait à la décision palestinienne. Mais, quand les Etats-Unis se sont-ils élevés contre la colonisation et la judaïsation des territoires palestiniens, initiatives autrement contre-productives d’Israël? Le veto US est à sens unique et cible uniquement les Palestiniens.
En vérité, ce qui est troublant, c’est bien le jeu américain contre la paix quand ils soutiennent le jusqu’au-boutisme d’Israël. Toutefois, les Etats-Unis qui ne sont pas membres de la CPI, ont-ils un droit de regard sur l’adhésion de la Palestine à cette institution? Pas sûr! Plus absurde est encore la déclaration du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu qui «presse» la CPI à ne pas «accepter» l’adhésion de la Palestine. Cette déclaration est d’autant plus aberrante qu’Israël – au même titre que les Etats-Unis – n’a pas signé le Statut de Rome qui donna naissance à la CPI. Et ce sont ces deux pays – dont la première puissance mondiale – qui ne reconnaissent pas une organisation de l’ONU (la CPI) qui prétendent s’ingérer dans ses prérogatives et n’admettent du droit international que ce qui leur convient ou sert leur dessein. Et ce sont ces fossoyeurs du droit international qui disent servir la paix et la sécurité dans le monde.
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