Obama aurait-il pu sauver ses otages ?
La mort confirmée de la dernière Américaine prisonnière des djihadistes a levé le secret sur les détails d’une opération de récupération manquée.
C’est une polémique qui risque d’apporter une touche supplémentaire aux critiques déjà nombreuses sur l’incapacité de l’appareil militaire américain à prendre des décisions rapides quand l’urgence d’une situation l’exige : des informations d’origine française et britannique avaient été données à la CIA, au printemps 2014, sur la localisation très probable de plusieurs otages des djihadistes, dont trois Américains qui furent assassinés, ainsi que de Kayla Mueller, la jeune humanitaire. Mais quand, début juillet, les forces spéciales américaines ont lancé une opération à haut risque, en territoire syrien, pour tenter de les libérer, c’était trop tard. Ils n’ont trouvé que des traces de la présence très récente – sans doute moins de 48 heures – des otages à l’endroit où ils avaient été détenus.
Le débriefing des otages français libérés en mars, ainsi que des renseignements obtenus par des agents infiltrés de la DGSE ou du MI6 avaient permis, autour d’avril-mai 2014 de déterminer avec une quasi-certitude, que les otages occidentaux étaient regroupés dans deux ou trois bâtiments des environs de la ville syrienne de Raqqa, proches d’une raffinerie de pétrole et du Q. G. de certains responsables militaires de l’organisation État islamique. Ces tuyaux avaient été évidemment partagés avec les services américains.
Mais si le JOSC (Joint Operation Special Command) avait, dès ce moment, planifié la faisabilité d’une opération de récupération – jugée par ailleurs très difficile et risquée -, les services de renseignements, la CIA, comme ceux de l’armée, étaient sceptiques sur la valeur des informations qui leur avaient été communiquées par leurs alliés.
Presque trois mois d’attente
Il a fallu attendre mi-juin et la libération du photographe danois Daniel Ottosen, pour que les responsables à Washington commencent à envisager un raid. Les informations d’Ottosen étaient en effet récentes, précises et concordantes : libéré le 19 juin près de la frontière turque, il avait quitté les quatre otages américains, qui étaient alors regroupés, seulement quelques jours plus tôt. De plus, il avait donné de nouvelles précisions sur le bâtiment dans lequel étaient aménagées leurs cellules.
Mais, entre sa libération et le moment où la Maison-Blanche est informée, puis que le secrétaire à la Défense Chuck Hagel donne son feu vert, il s’écoule une semaine. Et une semaine de plus avant qu’Obama donne le sien et qu’une centaine de commandos d’élite, soutenus par des hélicoptères Black Hawks et de l’aviation en altitude débarquent à Raqqa le 4 juillet. Après des combats très intenses, au cours desquels plusieurs dizaines de djihadistes ont été tués, les commandos trouvent des cellules vides, dans lesquelles les restes d’un repas attestent du départ récent des otages. Les prélèvements ADN confirmeront que James Foley (exécuté en août) Steven Sotloff ( en septembre), Peter Kassig (en novembre) et Kayla Mueller (morte dans un bombardement en février 2015) ont bien séjourné dans ces lieux, mais les ont quittés. “Quelques heures ou quelques jours” avant, avouera Obama.
Rançon
La Maison-Blanche minimise évidemment le temps perdu. D’abord en expliquant qu’une opération de sauvetage d’otages est bien plus difficile à monter que celle qui a permis de mettre Ben Laden hors d’état de nuire. Ne serait-ce qu’à cause de la mise en sécurité des otages avant que les ravisseurs ne les abattent. C’est ce qui est arrivé au photographe américain Luke Somers alors qu’il allait être libéré au Yémen.
Patronne du Conseil national de sécurité, Susan Rice fait, de plus, remarquer que le président a donné l’ordre d’y aller dès qu’il a su que la mission n’attendait plus que son feu vert.
Mais il en faudra plus pour faire cesser la controverse, très animée aux États-Unis sur le bien-fondé d’accepter ou non de payer une rançon pour récupérer ses ressortissants prisonniers. Les Américains nous tiennent là-dessus en haute suspicion. Sans compter que les Français et les Britanniques, relayés en cela par les familles des otages assassinés, peuvent légitimement regretter que les Américains n’aient pas fait confiance plus tôt dans les informations qu’ils leur avaient transmises. Presque trois mois avant l’opération ratée de Raqqa.
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