Obama/Trudeau, Merkel/Hollande : nouveau monde et vieux continent
Un tweet, un simple tweet, avec deux photos.
Pas de légende, ou plutôt si, une seule, ramassée en deux mots : « L’Amérique/L’Europe. »
Ce qui saute aux yeux
La légende ne nous guide pas sur le rapprochement des deux images. A vous de le faire seuls, semble nous dire la twitteuse (Mélissa Bounoua, journaliste à Slate, invitée sur notre plateau), à vous de voir ce qu’il y a à voir, de le voir seuls comme des grands, de formuler seuls le constat accablé, ce qui saute aux yeux dans le rapprochement des deux photos. A vous de faire ce boulot, en violation de la règle sacrée des cours de récré – « on n’attaque pas sur le physique ».
Eh bien si, justement, on attaque sur le physique. On ne peut pas faire autrement que d’opposer les deux silhouettes de fières gazelles du président américain et du premier ministre canadien en visite à Washington, aux chairs affaissées, aux silhouettes trapues, voutées, du couple européen.
Tout, dans le duo américain, exprime l’élan, la conquête, la jeunesse, quand tout ici ne semble que résignation, ruses matoises, sordides compromis.
Mal au ventre
Se méfier des images, bien sûr. Ne pas sombrer dans la fatale américanolâtrie que suggère le rapprochement du nouveau monde et du vieux continent. Après tout, sur « la question des migrants », comme on dit, Merkel a été au moins aussi audacieuse que Trudeau, aussi flamboyante, aussi transgressive. Et à l’heure du départ, le bilan d’Obama sera sans doute aussi mince que son impeccable silhouette, de l’échec de la fermeture de Guantanamo à la mise en pièces de son plan anti-réchauffement par la Cour suprême. d’ailleurs, quel que soit son successeur, Trump, Clinton ou Sanders, ce n’est pas un athlétique basketteur qui s’installera à la Maison Blanche.
Se méfier des images, donc, comme d’habitude. Mais tout de même. Si le rapprochement fait si mal au ventre, c’est par ce qu’il nous dit de l’épuisement européen, ce continent qui s’essouffle en interminables palabres. C’est par ce qu’il nous dit, aussi, de cette gérontocratie française, qui nous écrase tous les jours de sa médiocrité, comme le rappelle ce vendredi, par coïncidence, une accablante enquête du Monde sur la « professionnalisation des politiques ».
Un système fermé, dans lequel on entre comme assistant parlementaire à 25 ans, et où l’on termine sénateur, à 75 ans, sans jamais en être sorti, en ayant cumulé tout ce qu’on pouvait cumuler, et en tremblant instinctivement quand « les jeunes » sortent dans la rue, et bloquent les lycées. Un système qui condamne l’électeur à l’éternel retour des mêmes, quand les deux systèmes américains, quels que soient par ailleurs leurs innombrables défauts, ont au moins le mérite de produire, de temps en temps, des Obama et des Trudeau.
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