Forgotten Friends

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Les amis oubliés

25 avril 2016 |François Brousseau | États-Unis

Dans son ultime année déjà bien engagée, le président Barack Obama fait actuellement ses adieux à l’Europe. Il essaie tant bien que mal de préserver, ou de rétablir, une relation dégradée avec un continent inquiet et désorienté, peut-être en voie d’éclatement…

La semaine dernière, c’était le saut vers l’Arabie saoudite, parmi les rois et princes du Golfe — là où, aussi, l’air du temps est plutôt à la détérioration des relations entre « l’État le plus puissant du monde » et certains ses amis naguère réputés les plus solides.

Dimanche à Hanovre, il a défendu avec Angela Merkel le libre-échange euro-américain, contre une bonne partie de l’opinion publique des États-Unis et de l’Allemagne. À Londres, il a tenté de conjurer la menace du « Brexit » (la sortie de l’Union européenne par le Royaume-Uni), qu’il a attaqué de front avec le premier ministre, David Cameron, à l’encontre d’une majorité possible de Britanniques au référendum historique de juin prochain.

Sept années de guérilla politique et diplomatique ont conduit Barack Obama à négliger, voire à oublier les fronts traditionnels de la diplomatie américaine. Non pas qu’il ait chômé : il était ailleurs, occupé sur la scène nationale (batailles sur l’immigration et l’environnement ; succès de l’Obamacare contre vents et marées) et diplomatique (percées importantes avec l’Iran et Cuba, nouvelle priorité à la Chine, initiatives sur le climat).

Mais durant les derniers mois de sa présidence, Obama se retrouve face à la perte d’influence des États-Unis sur les fronts plus traditionnels que sont l’Europe et le Moyen-Orient.

Que donnera, par exemple, son ingérence franche et directe dans le débat sur le Brexit, interne à la Grande-Bretagne, mais dont les conséquences iront bien au-delà ? On le verra dans exactement deux mois, mais les partisans de la sortie de l’Europe, comme le maire de Londres, Boris Johnson — coreligionnaire conservateur de Cameron, mais adversaire politique féroce dans ce débat-là —, ont eu beau jeu de dire que le président américain « nous demande d’accepter [en restant dans l’Europe] des choses qu’un Américain n’accepterait jamais », en matière d’abandons de souveraineté nationale. Un beau cas, selon lui, de « Faites ce que je dis, pas ce que je fais » !

Au demeurant, on comprend la position de Washington, pour qui un Royaume-Uni resté (même nominalement) membre de l’Union européenne, c’est un allié précieux, un relais, un « agent » fiable autour de la table des discussions. Les États-Unis ne désirent peut-être pas une Europe politiquement trop forte… mais actuellement, le vrai danger est inverse, et il est réel : c’est un Vieux Continent qui menace d’exploser politiquement.

L’« obamanie » européenne de 2008-2009 est oubliée. Amour transi d’une région du monde négligée par la diplomatie états-unienne ; déception envers un homme qui n’était, bien entendu, pas le magicien annoncé en 2008 par la propagande électorale du « Yes We Can ».

Mais lorsque le président des États-Unis vient dire sur le Vieux Continent que l’aventure européenne ne mérite pas de mourir au début du XXIe siècle, sous les assauts des migrations massives, des attaques terroristes et de la montée des égoïsmes nationaux… il mérite d’être écouté.

Les nuages noirs s’accumulent dans le ciel européen. La volonté de conclure les aventures afghane et irakienne, la priorité nouvelle donnée à l’Asie ou aux discussions multilatérales sur le climat : pendant les années Obama, cela a détourné les États-Unis de leurs vieux alliés. Obama s’en rend compte aujourd’hui, mais on peut douter de l’efficacité de ses exhortations tardives — fussent-elles lyriques comme lorsqu’il a parlé des « dizaines de milliers d’Américains enterrés en Europe », témoins de la solidarité transatlantique — pour infléchir le cours des événements. À cet égard, le référendum britannique du 23 juin sera un test crucial, pour mesurer l’influence américaine et la cohésion de l’Europe.

Dans le Golfe, quelques jours plus tôt, le message présidentiel était différent : là, il est allé dire aux princes du Golfe que le vieux pacte « pétrole contre protection militaire » n’est plus sacré, que les États-Unis, oui, se désengagent de cette région, comme l’a montré par exemple leur non-intervention contre Bachar al-Assad, qui a tant ulcéré les Saoudiens.

Modestie devant les limites de la puissance, inquiétude devant l’évolution des vieux alliés : entre Londres et Riyad, pour Washington, c’est l’histoire d’un désengagement incertain.

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