Rendre à l’Amérique sa grandeur? Euh…
Oui, bon, d’accord : on ne sautera pas aux conclusions.
Des colis suspects ont été expédiés à une série de personnalités contre qui Donald Trump s’est acharné ces dernières années, mais il est impossible d’affirmer hors de tout doute que les propos et le ton du président ont un lien direct avec le geste criminel qui vient d’être commis.
Voilà pour le bémol.
Maintenant, permettez-nous malgré tout de faire remarquer que Donald Trump n’est ni innocent ni inoffensif. Ne pas parler de lui, dans ces circonstances, ce serait faire l’autruche. Le politicien républicain a joué un rôle central dans la flambée d’intolérance à laquelle on assiste actuellement sur le sol américain.
La colère, il l’alimente. La violence, il n’hésite pas à l’encourager. Pour lui, l’une et l’autre semblent légitimes en politique américaine.
Il lui est même arrivé d’encourager ses partisans à assommer (« knock the crap out of them ») des opposants éventuels, leur promettant de rembourser leurs frais juridiques en cas de poursuites.
Que disent ceux qui le défendent bec et ongles ?
Que la société américaine est polarisée…
Que de nombreux partisans, tant républicains que démocrates, se sont radicalisés…
Que certains médias déversent leur fiel sur Donald Trump…
Que des politiciens démocrates tiennent eux aussi des propos hargneux, comme Hillary Clinton qui a suggéré récemment de ne pas « être courtois avec un parti politique qui veut détruire tout ce pour quoi vous vous battez ».
Tout ça est vrai, bien sûr. Donald Trump n’est pas le seul responsable de cette situation. Et les démocrates ne sont pas les seules victimes. Il y a eu une fusillade en Virginie en juin 2017 et ce sont des politiciens républicains qui étaient ciblés.
Néanmoins, Donald Trump est le moteur de cette tendance alarmante. Si la politique américaine est un train, il déraille… et le président en est la locomotive.
Parce qu’il est, de tous les ténors républicains et démocrates, de loin le plus belliqueux. Et parce qu’en tant que président, il jouit d’un prestige, d’un pouvoir et d’une influence sans commune mesure avec les autres politiciens américains.
Un président américain, d’ailleurs, a généralement une autorité morale forte. Or, contrairement à bon nombre de ces prédécesseurs, Donald Trump est convaincu que pour régner, il doit diviser. Et pas juste un peu. Ses rivaux ne sont pas seulement des rivaux. Ce sont des traîtres, voire des ennemis du peuple. Et il préférerait les voir en prison plutôt qu’en politique.
Malheureusement, même si la responsabilité de Donald Trump dans la flambée d’intolérance est indéniable, il est incapable de l’admettre. Incapable de se regarder dans un miroir. Incapable de faire une nécessaire séance d’introspection.
Alors il fait quoi ? Il jette le blâme sur d’autres.
Hier matin, au réveil, il a accusé les médias d’être en « grande partie » responsables de la « colère » dans la société américaine. Il a dénoncé le « traitement intentionnellement inexact et imprécis des médias traditionnels ». Il a soutenu que « c’est devenu si mauvais et haineux que c’est au-delà de toute description ».
Il a, en somme, jeté de l’huile sur le feu ! Ça dépasse l’entendement. Peut-être le fait-il surtout pour mobiliser sa base à la veille des élections de mi-mandat, mais ça n’excuse rien.
Bien sûr, la veille, il avait condamné « les actes et les menaces de violence politique ». Cette sortie publique était cependant aussi forcée qu’artificielle.
Donald Trump avait promis de « rendre à l’Amérique sa grandeur ». Jusqu’ici, il a fait l’inverse. Son pays, il le radicalise et le dévalorise.
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