Former French Ambassador Gérard Araud: ‘A New Slap in the Face from the US’

<--

Pour Gérard Araud, l’ancien ambassadeur de France à Washington, les États-Unis ont entamé un virage dans leur politique étrangère. Leur influence dans la décision australienne de rompre le contrat qui la liait à la France en est l’illustration.

L’Australie a rompu son contrat avec la France portant sur la construction de sous-marins. Comment analysez-vous le rôle des États-Unis dans cette affaire ?

Des bruits ont commencé à se faire entendre ces dernières semaines mais tout le monde a été surpris par l’annonce et la manière dont tout ceci s’est fait. À l’évidence, ils ont négocié dans le dos de la France depuis des mois. Pour arriver à ce genre de décision, il est évident que cela n’a pas été décidé au cours des dernières semaines. Il y aura des leçons à tirer. Il y a une logique de rivalité, de concurrence. Quand nous avions obtenu ce contrat, les États-Unis ne nous soutenaient pas, ils étaient aux côtés du Japon. Ils ont essayé et ont finalement réussi à vendre leurs marchandises aux Australiens. Les Américains se tournent vers l’Asie avec leur brutalité habituelle et une indifférence vis-à-vis de l’Europe. Ils cherchent à contenir la puissance chinoise par tous les moyens.

« On se dit qu’Obama, Trump ou Biden, c’est la même chose »

Quelles conséquences sur les relations franco-américaines ?

Les Américains n’ont pas consulté la France dans leur sortie de l’Afghanistan, ils nous infligent, avec cette rupture, une autre claque. Il faut s’interroger sur leur décision de ne pas nous inclure dans les discussions. On arrive à se dire qu’Obama, Trump ou Biden c’est un peu la même chose. C’est un pays qui est totalement indifférent aux intérêts de ses alliés. C’est plus pratique pour eux de travailler avec l’Australie et la Grande-Bretagne qui accepteront leurs rôles de subordonnés. L’alliance « Five Eyes » (l’alliance des services de renseignements des trois pays avec le Canada et la Nouvelle-Zélande) permet des échanges de confidentialité, une coopération sur des équipements secrets. Ils n’ont pas ça avec les Français. Paris va devoir réviser ses positions avec les États-Unis. Il faut le comprendre. Nous n’avons pas à entrer en guerre avec la Chine, mais nous pouvons être alliés sans l’être vraiment. À l’instar du Général de Gaulle avec l’URSS, face à la Chine il faut peut-être inventer un gaullisme du XXIe siècle.

« La volonté de répandre la démocratie à la baïonnette »

Vous évoquiez le retrait des troupes américaines d’Afghanistan. Que vous inspire aujourd’hui cette intervention ?

Initialement, il y a une justification à intervenir. Il s’agit d’abord d’une opération antiterroriste avec des bases juridiques et légitimes pour expliquer les raisons de cette opération militaire. Mais, par la suite, l’Otan et les États-Unis ont dérivé vers une volonté d’installer un état démocratique et de reconstruire le pays. Après la Seconde guerre mondiale, les États-Unis se sont vus comme le gendarme du monde. Ils apparaissaient comme les « rois du monde » d’une certaine manière. Derrière cela, il y avait cette volonté de répandre la démocratie avec la baïonnette.

Comment les États-Unis ressortent-ils de cette guerre ?

Barack Obama avait entamé cette politique de retrait des troupes. Elle répond à une lassitude chez les Américains et Américaines concernant les interventions. Il fallait que les États-Unis se retirent de certains dossiers, notamment en Irak. Ce sont des opérations très coûteuses sur le plan financier et humain. Donald Trump a poursuivi ce travail dans la même lignée qu’Obama. Ce n’est pas une ligne de conduite conçue sous le gouvernement Biden. Le mode opératoire dans le retrait des troupes est un échec et cela a engendré des conséquences dans l’opinion publique. C’est la première fois que la cote de popularité de Joe Biden, ancien vice-président dans le gouvernement Obama, repasse sous les 50 %. Vouloir tout régler en Afghanistan a été l’erreur des Américains.

« Les États-Unis ne seront plus les gendarmes du monde »

Comment voyez-vous évoluer la politique étrangère américaine ?

Première chose, je pense que ce n’est pas vécu comme une défaite par le gouvernement. Il y a un changement de logique, les États-Unis ne vont plus intervenir partout. Ils vont agir pour protéger leurs intérêts et ne seront plus les gendarmes du monde. C’était ce que l’on peut appeler une guerre éternelle en Afghanistan, sans espoir de victoire. Les États-Unis vont être plus sélectifs maintenant dans leurs interventions. Ils ne sont pas au Sahel, en Ukraine ou en Libye par exemple car cela ne les concerne pas.

About this publication