Joe Biden’s Chinese Obsession

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L’obsession chinoise de Joe Biden

Guy Taillefer

En janvier dernier, le président américain, Joe Biden, est arrivé au pouvoir armé de la promesse que les États-Unis étaient, en politique étrangère, « de retour à la table » et prêts à assumer le « leadership du monde aux côtés des pays partageant [leurs] valeurs les plus profondes ». Le propos aura bien sûr mis du baume sur des relations internationales maltraitées par quatre années de Donald Trump.

Qui, par contre, aura vraiment pensé que sa déclaration de principes multilatéraliste, au demeurant contradictoire (coopération contre leadership sans partage), n’allait pas se heurter aux intérêts supérieurs de la superpuissance américaine ?

Le Canada a pu vite le constater : révocation du permis de Keystone XL — juste décision américaine, certes, mais prise unilatéralement —, maintien dans le dossier du bois d’œuvre et des produits laitiers canadiens d’une position toujours aussi inflexible… Dans l’affaire Huawei, Biden, à l’envers de Trump, a bien fait preuve d’empathie à l’égard du Canada et des « deux Michael » emprisonnés en Chine, mais on en attend toujours des résultats concrets. Preuve, au fait, qu’à se coller à la politique étrangère américaine en cette histoire comme en bien d’autres, Ottawa pèche par déficit grave d’initiative et de pertinence diplomatiques.

Au tour de la France de prendre la mesure des limites de ladite promesse de plus grande collaboration avec la décision annoncée la semaine dernière par l’Australie d’annuler sans avertissement le contrat d’achat de 12 sous-marins français, signé en 2016 à hauteur de 80 milliards de dollars canadiens, pour leur préférer des bâtiments nucléaires américains. Un revirement qui part d’un nouveau partenariat stratégique — et anglo-saxon — rassemblant Washington, Canberra et Londres. Et qui fait de l’Australie, en conflit économique et diplomatique ouvert avec Pékin, le poste avancé des États-Unis dans la résistance à l’expansion chinoise dans la zone indo-pacifique.

La décision prise en catimini a été perçue par la France, non sans raison, comme une énorme trahison américaine. Si bien que la crise déclenchée par cette affaire risque fort de laisser des traces durables, tant la colère de Paris est grande et tant elle met en exergue chez certains le sentiment qu’au fond, Washington ne se soucie de ses alliés, des plus proches aux plus distants, que lorsqu’ils peuvent lui être utiles — conformément à ses réflexes historiques. Il n’y avait qu’à voir en fin de semaine la réaction furibonde et peu diplomatique du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, qui a comparé la manière Biden « à celle de Donald Trump, sans les tweets » et pour lequel « il y a eu mensonge, il y a eu duplicité, il y a eu rupture majeure de confiance ».

C’est dire, à la lumière de cette « crise des sous-marins », que l’idée que se fait M. Biden de la coopération multilatérale s’inscrit très étroitement — et de plus en plus — dans le grand affrontement mondial qui oppose les États-Unis à Pékin. Qui m’aime me suive, version plus lisse du « vous êtes avec nous ou vous êtes contre nous ». Les États-Unis sont un empire qui ne veut pas mourir, un empire confronté à l’implacable croissance de la Chine. De fait, M. Biden agit dans la continuité de Barack Obama et de son « pivot asiatique », et de Donald Trump et de sa « guerre commerciale ». 

Se trouve par le fait même mise à mal la « troisième voie » défendue à Paris et dans certains cercles européens, par laquelle il s’agit de tenter de dépolariser le monde — sans oublier, ne soyons pas naïfs, d’accompagner le développement de l’industrie militaire française. Son « multilatéralisme » consiste pour Biden à entraîner le monde dans le sillage de la protection de l’empire américain et de son complexe militaro-industriel. Le froid franco-américain soulève des questions difficiles : comment construire des relations internationales qui soient plus collaboratives ? Une approche occidentale concertée et plus nuancée est-elle possible face à la dictature chinoise ?

C’est dans ce contexte que s’ouvre mardi l’Assemblée générale annuelle des Nations unies, qui sera faite de discours en présentiel et de visioconférences. Joe Biden y sera ; Emmanuel Macron, non. Il avait déjà décidé de ne pas y participer, y compris à distance, comme du reste plusieurs autres chefs d’État et de gouvernement. Les pots risquent d’être difficiles à recoller.

Aux prises avec une pandémie que le variant Delta est en train de relancer et pour avoir très mal géré le départ américain d’Afghanistan, Biden voit chuter son indice de popularité à des planchers semblables à ceux de son prédécesseur dans l’opinion publique américaine. Voilà qu’il perd aussi des plumes parmi ses alliés.

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