Iran: Illusory Regime Change

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Iran: l’illusoire changement de régime

EDITORIAL. Les sanctions américaines après le retrait de Washington de l’accord sur le programme nucléaire iranien entrent en vigueur ce mardi. La population iranienne sera la première touchée. Le régime des mollahs, lui, va une nouvelle fois montrer sa résilience à la lumière d’une économie moribonde

«La folie, disait Einstein, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent.» En imposant de nouvelles sanctions après s’être retirée de l’accord sur le programme nucléaire iranien, l’administration de Donald Trump veut étrangler l’économie de la République islamique et provoquer un changement de régime. Elle est convaincue que les pressions exercées vont forcer l’Iran à accepter de négocier un accord global comprenant le nucléaire, le programme balistique et les activités néfastes déployées par Téhéran au Moyen-Orient.

Or, on l’a vu avec l’Irak ou la Libye, la politique de changement de régime mène au chaos. Le mécontentement populaire est considérable, mais disparate. Il est encore loin de suffire à mettre en danger le régime, pourtant plus instable, mais dont on connaît depuis la résilience. Les manifestations anti-régime se sont certes multipliées ces derniers jours. Avec une inflation galopante, une devise en chute libre et une pénurie de médicaments, le peuple iranien souffre. Les espoirs nés de l’accord nucléaire étaient à l’aune de l’envie d’ouverture des Iraniens. Mais ils ont été doublement déçus. Téhéran n’a pas accompli l’ouverture que Barack Obama pensait avoir suscitée. Quitte à provoquer une énorme frustration au sein de la population, le pouvoir iranien a investi des sommes astronomiques pour accentuer sa présence en Syrie, l’indéfectible allié arabe. Or si Hassan Rohani a été élu deux fois à la présidence, c’est précisément parce qu’on croyait dans sa capacité à décloisonner le pays et son économie.

L’échec est en partie celui de Rohani, mais c’est aussi celui du régime tant le président joue essentiellement un rôle d’exécutant des volontés du guide suprême. Désormais, les durs du régime se frottent les mains. Donald Trump les a remis en selle. Or ceux qui vont subir les sanctions, ce sont, comme toujours, les simples gens. Ce ne sont pas les Gardiens de la révolution dont les affaires n’ont jamais autant prospéré que sous les sanctions.

Enfin, le front face à Téhéran est éclaté. Les Européens, qui croient toujours dans les vertus de l’accord nucléaire que l’Iran, dixit l’ONU, a pleinement respecté, tentent bien de préserver ce qui peut l’être. Mais la «loi de blocage» qu’ils mettent en vigueur mardi pour protéger les sociétés européennes souhaitant investir en Iran aura des effets plus symboliques que réels. Si elles ont des intérêts sur le marché américain – beaucoup plus grand –, elles ne prendront aucun risque en Iran. Enfin, Téhéran devrait pouvoir compter sur un allié de taille. Pékin a déjà annoncé qu’il allait continuer à importer du pétrole iranien. Il entend même coopérer étroitement avec Téhéran dans le cadre de son pharaonique projet d’infrastructure «One Belt, One Road». Or sans l’appui chinois, voire russe, la politique de Trump, encouragée par Israël et l’Arabie saoudite, risque de tomber à plat. A moins d’une guerre dont les répercussions dans la région seraient dévastatrices.

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