The question comes from Donald Trump during a recent rally in Florida: the kind of thing his electoral base loves and that the unlikely president, met by a swell of red “Make America Great Again” caps, relishes. The chief demagogue of course refers to “criminals, rapists and drug smugglers,” the titles he gives to Latino immigrants seeking to enter the United States. A theme that certainly contributed to his election in 2016 and that he counts on reusing in the upcoming campaign.
“Shoot them!” replied a woman in the crowd.
Unfortunately, this order was executed last weekend in the border town of El Paso by a 21-year-old American. The outcome: 22 dead, 24 injured. “I am simply defending my country from cultural and ethnic replacement brought on by an invasion,” wrote the suspected killer in a manifesto published on social media a few hours earlier.
Donald Trump obviously did not invent the ideology behind many of the recent massacres. Born in the aftermath of the Vietnam War and initially bringing together neo-Nazis, skinheads and members of the Ku Klux Klan, the “white-power” movement had its first impact with the Oklahoma City attack in 1995. Despite the fact that domestic terrorism had just taken a dramatic toll (168 dead, 680 injured), it was never taken seriously by American authorities. Not then and not since. Since the attack on the World Trade Center, six years later, all attention has turned toward Islamic terrorism, leaving white extremist nationalism to flourish at its ease in the nation’s damp cellars and the dark corners of the Internet.
Successive attacks by white supremacists, particularly since Trump’s election, including 39 killings last year alone, have therefore been seen as isolated acts, perpetrated by the “mentally ill” or, even better, “video game addicts.” Will the El Paso attack change the trend? Will we finally see violence of the extreme right for what it is? “The great threat to the United States today,” according to the Anti-Defamation League. Will we finally dare to formalize the link between the rise of this violence and the current occupant of the White House?
Despite the killer’s clear motivations, despite the inspiration he had clearly drawn from Trump himself (often copying the same terms “invasion,” “open borders,” “fake news”), nothing is less certain. If Trump surprised people by holding a press conference for the first time to denounce racism and white supremacy, it was the cardboard president who showed up to the podium last Monday. The one who settles for reciting prepared sentences, obviously written by someone else. To be taken with great care, in other words. It is not an act of contrition; it is hypocrisy. This is not a new start for Trump; it is a very small step backwards so he can have greater success next time.
Remember that the man who just laughed when he heard “shoot them” has not disappeared. It is this man, after all, who calls immigrants aliens, who admires dictators and autocrats, who boasts of sexually assaulting women, who does not pay his taxes, who is indeed the king of cheating and cover-ups, who succeeded in being elected in 2016, and who could well succeed again in 2020. However much he may grind his teeth, Donald John Trump has not only managed to retain his electoral base and transform the Republican Party into his own image, but he has also succeeded in bringing about a cultural revolution.
“[Trump] is redefining what you can say and how a leader can act,'' says New York Times columnist David Brooks. “He’s reasserting an old version of what sort of masculinity deserves to be followed and obeyed ... We are all subtly corrupted while this guy is our leader. And throughout this campaign he will make himself and his values the center of conversation. Every day he will stage a little drama that is meant to redefine who we are, what values we lift up and who we hate.”
Donald Trump is a rebel who, far from repenting, doesn’t give a damn. The drama, which regularly makes you want to cry in your mother’s arms, only helps this melodramatic clown. It contributes to legitimizing a diversion of common sense, a looting of democracy, simply because this man has been duly elected. It must be noted that the democratic rules Trump spits on with impunity actually give him a certain normality. Even when ousted from the throne, the corrosive effect of this man is likely to permeate the air for a long time to come.
The question to ask is not how to stop immigration, but rather, how to stop Donald Trump.
La révolution culturelle de Donald Trump
« Comment arrête-t-on ces gens-là ? »
La question est de Donald Trump, posée lors d’un récent rassemblement en Floride, le type d’événement que sa base électorale affectionne et que l’improbable président, porté par une houle de casquettes rouges (« Make America Great Again »), mange à la petite cuillère. Le démagogue en chef fait bien sûr référence aux « bandits, violeurs et trafiquants de drogue », selon sa désignation consacrée des immigrants latinos cherchant à entrer aux États-Unis. Un thème qui a certainement contribué à le faire élire en 2016 et qu’il compte bien réutiliser dans la campagne qui s’amorce.
« Abattez-les », répond une femme dans la foule.
Commande malheureusement mise à exécution le week-end dernier à la ville frontière d’El Paso par un Américain de 21 ans. Bilan : 22 morts, 24 blessés. « Je défends simplement mon pays face à une invasion ethnique et culturelle », écrit le présumé tueur dans un manifeste publié sur les réseaux sociaux quelques heures auparavant.
Donald Trump n’a évidemment pas inventé l’idéologie qui est derrière plusieurs des récents carnages. Né au lendemain de la guerre du Vietnam et rassemblant au départ des néonazis, des skinheads et des membres du Klu Klux Klan, le mouvement « white power » a connu un premier retentissement lors de l’attentat d’Oklahoma City en 1995. Malgré le fait que le terrorisme intérieur venait de faire une spectaculaire irruption (168 morts, 680 blessés), celui-ci n’a jamais été pris au sérieux par les autorités américaines. Ni à ce moment-là ni par après. À partir de l’attentat du World Trade Center, six ans plus tard, toute l’attention se portera sur le terrorisme islamique, laissant le nationalisme extrémiste blanc proliférer à son aise dans les caves humides de la nation et les coins sombres de l’Internet.
Les attentats de suprémacistes blancs qui se sont succédé, notamment depuis l’élection de Trump, dont 39 tueries commises l’année dernière seulement, ont donc été vus comme autant d’actes isolés, perpétrés par des « malades mentaux » ou, mieux encore, des « obsédés de jeux vidéo ». L’attentat d’El Paso changera-t-il la donne ? Verra-t-on enfin la violence de l’extrême droite pour ce qu’elle est ? « La plus grande menace pour les États-Unis à l’heure actuelle », selon la Anti-Defamation League. Osera-t-on enfin officialiser le lien entre la montée de cette violence et l’actuel occupant de la Maison-Blanche ?
Malgré les motivations on ne peut plus claires du tueur, malgré l’inspiration que celui-ci a manifestement puisée chez Trump lui-même, copiant souvent les mêmes termes (« invasion », « frontières ouvertes », « fake news »…), rien n’est moins sûr. Si Trump a surpris en tenant un point de presse pour dénoncer, pour la première fois, le racisme et la suprématie blanche, c’est le président en carton-pâte qui s’est présenté au podium, lundi dernier. Celui qui se contente de réciter des phrases préparées, visiblement écrites par quelqu’un d’autre. À prendre avec de grosses pincettes, en d’autres mots. Ce n’est pas un acte de contrition, c’est de l’hypocrisie. Ce n’est pas un nouveau départ pour Trump, c’est un tout petit pas en arrière pour mieux réussir la prochaine galipette.
Dites-vous bien que l’homme qui s’est contenté de rire en entendant « abattez-les » n’a pas disparu. C’est cet homme-là, après tout, celui qui traite les immigrants d’extraterrestres (« aliens »), qui admire les dictateurs et les autocrates, qui se vante d’agresser les femmes sexuellement, qui ne paie pas ses impôts, c’est bel et bien le king de la triche et du plaqué or qui a réussi l’exploit d’être élu en 2016, et qui pourrait bien réussir à nouveau en 2020. Il a beau faire grincer des dents, Donald John Trump a non seulement réussi à garder sa base et à transformer le Parti républicain à son image, il a réussi une véritable révolution culturelle.
« [Trump] est en train de redéfinir ce qu’on peut dire et la façon dont un dirigeant peut agir, dit le chroniqueur du New York Times David Brooks. Il réaffirme un vieux modèle de masculinité, celui qui, à ses yeux, mérite d’être écouté et auquel on obéit. […] Nous sommes tous un peu plus corrompus sous sa gouverne. Tout le long de cette campagne, il va se mettre, lui et ses valeurs, au centre de la conversation. Tous les jours, il va trouver un petit drame pour nous redéfinir, nous dire qui nous sommes et qui nous devons désormais haïr. »
Donald Trump est un hors-la-loi qui, loin de s’en repentir, s’en tape les cuisses. Le drame, ce qui donne régulièrement envie de brailler dans les bras de sa mère, c’est d’assister, impuissants, à ce grand-guignol. C’est de contribuer à légitimer un détournement de sens, un pillage de la démocratie, du simple fait que cet homme a été dûment élu. C’est de constater que les règles démocratiques sur lesquelles Trump crache impunément lui confèrent, ô misère, une certaine normalité. Même chassé du trône, l’effet corrosif de l’homme risque d’imprégner l’air encore longtemps.
La question à poser n’est donc pas comment on arrête l’immigration, mais bien comment on arrête Donald Trump.
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