Beirut Is Calling on Cincinnati

Published in L'Orient le Jour
(Lebanon) on 5 October 2020
by Emilie Sueur (link to originallink to original)
Translated from by Maren Daniel. Edited by Gillian Palmer.
Here, today, we are not going to put forward an analysis of the many crises that Lebanon has gotten itself caught up in, nor even their latest developments. That is done regularly and with talent in these very pages, and it feels like everything has already been said. At least, up until now.

Today we are at a total stalemate. No glimmer of hope, neither when it comes to the cabinet member themselves, nor when it comes to reforms. We certainly saw Nabih Berri’s show at the time of the framework agreement concerning the maritime border with Israel. We had already been wondering if this progress was a sign that the Shiite coalition, under pressure from the American government, was going to back down in one way or another.

No matter what it is in regard to, everything, including the new extension granted by Emmanuel Macron during his stern speech last Sunday [Oct. 4], seems to lead to the same conclusion: We are in for a muddy, weekslong waiting period. Four weeks, to be exact.

For today, it is in the hands of Americans, everyday Americans, that our fate seems to be placed. Today, all we can do is wait for voters, big and small, thousands of miles from Lebanon, to decide whether or not they will send an incoherent and unpredictable man back to the White House.

As we wait, in Beirut, in Sidon, in Nabatieh, in Tripoli and in Baalbek, we sink deeper and deeper as the future withers away. And, filled with a horrible sense of impotence, we watch Lebanon disappear—a possibility that the French minister of foreign affairs warned of over a month ago.

This is what a country disappearing looks like.

A country disappearing is a county whose best and brightest flee, often with a heavy heart. Educated young people, full of ideas that they will sow … somewhere else. Doctors, some of the most talented in the world, who will care for patients … somewhere else. Architects, engineers who will build cities … elsewhere. Artists who will cover gallery walls … somewhere else.

A country disappearing is a country where pharmacy shelves are empty because it has become impossible to import medications. A country where it is hard to find a box of Panadol and where tracking down diabetes medication for your mother and filters for your father’s dialysis is a full-time job.

A country disappearing is one whose inhabitants are treated like children when they want to access their own money. It is a country where a text from the bank arrives like a punishment, with “no credit card” taking the place of “no dessert.” A country whose inhabitants are confined when their means of travel are locked up.

A country disappearing is a country whose most vulnerable citizens are willing to leave in makeshift boats, under the eyes of lawless ferrymen, with children’s lives at risk.

A country disappearing is a country where a degree and a career carry less weight and have less value than a salary in dollars, however crummy it may be.

A country disappearing is a country whose educational system, the very system it was once proud of, is collapsing.

A country disappearing is a country where too many no longer have the energy or the will to go on fighting.

A country disappearing is a country held by the wealthy and political elites who operate behind closed doors. Elites too hung up on ineffective, though seemingly powerful, titles and positions to make even the slightest amount of room for those who could work for the common good.

Yet, there are numerous men and women, throughout Lebanon and elsewhere, who are capable of dreaming, thinking, envisioning and constructing a new world. So many Lebanese are prepared, in spite of everything and after having lost so much, to work at it. So many Lebanese are working at it already, those who reopened their stores and restaurants that were destroyed in the Beirut port explosion on Aug. 4, those who use their skills, their money, and their time to serve others.

“We are at an impasse, without a government, without a plan to get back up and running, without reforms, without respect for the constitution, without shame, and this should force us to find an opening without waiting for foreigners to deliver,” declared Cardinal Bechara Boutros Rai.

Today, we have been reduced, in our sad city of Absurdistan, to imploring voters in Cincinnati, Ohio — deep in the Midwest — to vote wisely. Even if no one really knows what it means to vote wisely. Even if people are doubting that a “good vote” is all it will take to get us off this highway to hell.


Ici, aujourd’hui, nous n’allons pas vous proposer une analyse des crises multiples dans lesquelles est empêtré le Liban, ou du moins de leurs derniers développements. Cela est fait régulièrement et avec talent dans ce même espace. Et il nous semble que tout a été dit. Du moins jusqu’à présent.

Aujourd’hui, l’enlisement est total. Aucune percée, que ce soit sur le front du cabinet ou des réformes. Il y a bien eu le show de Nabih Berry lors de l’annonce de l’accord-cadre sur les négociations pour la délimitation des frontières maritimes avec Israël. Une avancée dont nous nous sommes déjà demandé si elle était le signe que le tandem chiite, sous pression de l’administration américaine, allait lâcher du lest à un niveau ou un autre.

Quoi qu’il en soit, tout, y compris le nouveau délai accordé par Emmanuel Macron lors de son intervention amère dimanche dernier, semble converger vers la même conclusion : nous sommes partis pour des semaines d’une attente bourbeuse. Quatre semaines pour être précis.

Car aujourd’hui, c’est entre les mains des Américains, des Américains lambda, que notre sort semble être remis. Aujourd’hui, il nous faut attendre que des électeurs, grands et petits, à des milliers de kilomètres du Liban, décident s’ils reconduisent ou pas à la Maison-Blanche un homme incohérent et imprévisible.

En attendant, à Beyrouth, Saïda, Nabatiyé, Tripoli ou Baalbeck, l’on continue de s’enfoncer à mesure que l’avenir s’étiole. Et l’on regarde, plombés par un terrible sentiment d’impuissance, le Liban disparaître. Une perspective contre laquelle avait mis en garde, il y a plus d’un mois déjà, le ministre français des Affaires étrangères.

Voici ce à quoi ressemblent les signes de la disparition d’un pays.

Un pays qui disparaît, c’est un pays que fuient, le cœur en lambeaux, ses talents. Des jeunes éduqués et pleins d’idées qu’ils vont faire germer... ailleurs. Des médecins, parmi les plus talentueux au monde, qui soigneront des patients... ailleurs. Des architectes, des ingénieurs, qui iront construire des villes... ailleurs. Des artistes qui couvriront les murs de galeries... ailleurs.

Un pays qui disparaît, c’est un pays où les rayons des pharmacies se vident parce qu’il devient impossible d’importer des médicaments. Un pays dans lequel trouver une boîte de Panadol devient compliqué, dans lequel dénicher le médicament antidiabète de sa mère et les filtres pour dialyse de son père est un job à plein temps.

Un pays qui disparaît, c’est un pays dont les habitants sont ramenés au rang de mineurs quand il s’agit pour eux d’accéder à leurs sous. C’est un pays dans lequel un SMS de la banque sonne comme une punition, avec un « privé de carte de crédit ! » en lieu et place du « privé de dessert ! ». Un pays dans lequel on coffre les habitants en séquestrant tous leurs moyens de voyager.

Un pays qui disparaît, c’est un pays que les plus malheureux sont prêts à fuir dans des barques de fortune, sous l’œil de passeurs sans foi ni loi, en risquant la vie d’un enfant.

Un pays qui disparaît est un pays où un diplôme et une carrière ont moins de poids, moins de valeur, qu’un salaire en dollars, aussi minable soit-il.

Un pays qui disparaît est un pays dont le système éducatif s’effondre, celui-là même dont il s’enorgueillissait.

Un pays qui disparaît est un pays dont trop d’habitants n’ont plus l’énergie, l’envie de se battre.

Un pays qui disparaît est un pays tenu par des élites politiques et financières fonctionnant en vase clos. Des élites qui refusent, trop accrochées qu’elles sont à des maroquins, titres et postes de papier, de laisser ne serait-ce qu’une chance à ceux qui peuvent travailler au bien commun, à l’intérêt général.

Pourtant, ils sont nombreux ces hommes et ces femmes qui, à travers le Liban mais aussi au-delà, ont la capacité de rêver, penser, concevoir, construire un nouveau monde. Tant de Libanaises et de Libanais sont prêts, malgré tout et après avoir tant perdu, à y travailler. Tant de Libanaises et de Libanais y travaillent déjà, qui en rouvrant son magasin, son restaurant, détruits le 4 août, qui en mettant ses compétences, ses sous, son temps, au service des autres.

« Nous sommes dans une situation de blocage, sans gouvernement, sans plan de relance, sans réformes, sans respect de la Constitution, sans honte, et cela doit nous obliger à trouver une brèche sans attendre les échéances étrangères », déclarait Mgr Raï lors de son homélie dominicale. Vœu tellement pieux…

Aujourd’hui, nous en sommes réduits, en notre triste Absurdistan, à implorer les électeurs de Cincinnati, Ohio, au fin fond du Midwest, de bien voter. Ce, même si l’on ne sait pas trop ce que cela veut dire, de bien voter. Même si l’on doute que désormais, un « bon vote » suffise à nous sortir de cette autoroute vers l’enfer.
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