DeSantis peut-il détrôner Trump ?
Ne vous fiez pas à la soirée de lancement catastrophique de sa campagne pour écarter Ron DeSantis de la course. Le candidat à l’investiture républicaine jouit de bien d’autres atouts pour battre Donald Trump.
Cela fait maintenant plus de sept ans que la domination sans partage de Donald J. Trump sur les républicains définit le Grand Old Party. Jamais depuis 2016, malgré les scandales, les mises en accusation et les défaites électorales, l’emprise de Trump sur le parti n’a été sérieusement remise en question par qui ou quoi que ce soit.
À une exception près : à la fin de l’année dernière, alors que, dans la foulée des élections de mi-mandat, le gouverneur fraîchement réélu (avec une forte majorité de 59 %) de la Floride, Ron DeSantis, a émergé en tant que menace pour Trump.
DeSantis devançait Trump dans de nombreux sondages, à la fois à l’échelle nationale et dans les États clés, en misant sur une combinaison que n’avaient pu former les autres opposants républicains à l’ex-président : rallier l’establishment, la base militante du parti et un segment de l’électorat « trumpiste ».
Comme les choses ont changé en six mois ! Le 24 mai, le jour où DeSantis a annoncé officiellement sa candidature présidentielle dans une sortie bâclée sur Twitter, il tirait de l’arrière par 30 points contre Trump auprès des électeurs républicains.
La chute est telle que certains observateurs se demandent s’il n’aurait pas été plus sage pour le gouverneur de la Floride — qui, à 46 ans, deviendrait le plus jeune président élu de l’histoire, à l’exception de John F. Kennedy, s’il devait gagner en 2024 — de passer son tour et d’attendre un prochain cycle électoral.
DeSantis peut-il toujours espérer déloger Trump ? La réponse est nuancée.
Il est peut-être battu d’avance…
On ne doit pas se faire d’illusions quant à la profondeur du trou duquel Ron DeSantis lance sa campagne. Jamais un candidat avec un tel retard sur le meneur à ce stade-ci de la course n’est parvenu à décrocher l’investiture d’un parti depuis au moins un demi-siècle, sauf une fois, il y a plus de 30 ans.
Non seulement la pente à remonter pour DeSantis est extrêmement abrupte, mais elle est rendue encore plus difficile par le fait que pour y arriver, il devra à la fois attaquer Trump et rester dans les bonnes grâces d’au moins une partie de son électorat.
Le tout alors qu’il sera, comme c’est déjà le cas depuis des mois, la cible principale des attaques : les démocrates, qui préféreraient de loin affronter Trump plutôt que DeSantis dans une élection générale, vont prendre un malin plaisir à amplifier les pointes lancées par l’ex-président vers son rival républicain.
Plusieurs autres candidats républicains seront également tentés de s’en prendre à DeSantis, cherchant d’abord à le remplacer à titre d’option de rechange principale à Trump, ou alors à s’attirer les bonnes grâces de ce dernier dans l’espoir d’une candidature à la vice-présidence. C’est précisément le jeu auquel semble d’adonner Nikki Haley depuis des semaines.
Qui plus est, le fait qu’il y ait d’autres prétendants républicains constitue en soi un signe de l’affaiblissement politique de DeSantis : il devait fédérer derrière lui l’ensemble des voix anti-Trump dans le Parti républicain avant de donner le coup d’envoi à sa campagne. Or, seulement dans les derniers jours, pas moins de trois gouverneurs et un ex-gouverneur — Doug Burgum du Dakota du Nord, Chris Sununu du New Hampshire, Glenn Youngkin de la Virginie et Chris Christie du New Jersey — ont annoncé leur intention de se lancer dans la course. Ils s’ajouteraient à Haley, au sénateur Tim Scott et, fort possiblement, à l’ex-vice-président Mike Pence.
Il s’agit là d’un cercle vicieux pour DeSantis : plus il est affaibli, plus cette situation attire de nouvelles candidatures ; et plus il y a de candidatures, plus il est affaibli…
Mais affaibli veut-il dire mort et enterré ? Pas tout à fait.
… mais peut-être pas battu d’avance
Au moins trois éléments importants permettent toujours à DeSantis de croire réalistement en ses chances de décrocher l’investiture du parti.
D’abord, il continue à jouir d’un énorme capital de sympathie et d’ouverture de la part de l’électorat républicain. Certes, pour le moment, il n’est plus préféré à Trump comme premier choix de candidat présidentiel. Reste que lorsque les sondeurs de CNN ont demandé à la mi-mai aux électeurs du parti s’ils pouvaient envisager d’appuyer DeSantis en 2024, 85 % ont répondu oui. Il s’agissait du niveau le plus élevé parmi tous les candidats potentiels, un point devant Trump, qui récoltait 84 %. Aucun des autres n’approchait même du cap des 70 %.
Autrement dit, une masse critique d’électeurs pourrait avoir envie de rejoindre le navire DeSantis si ce dernier arrive à faire bonne figure, notamment lors des débats, dont le premier devrait avoir lieu en août. Son plafond potentiel d’appuis reste élevé.
Ensuite, bien que la course à l’investiture républicaine soit nationale, elle se fait d’abord État par État. Les premiers à voter (l’Iowa, le New Hampshire, la Caroline du Sud) auront, comme c’est le cas tous les quatre ans, un poids disproportionné. Si DeSantis parvient à coiffer Trump dans au moins l’un de ces trois États, la dynamique nationale pourrait rapidement tourner en sa faveur.
Puis, DeSantis jouit d’une ressource essentielle pour toute campagne présidentielle aux États-Unis : de l’argent. On estime son trésor de campagne sur la ligne de départ à une centaine de millions de dollars américains.
Très souvent, c’est le manque de fonds qui pousse un candidat vers la porte de sortie. À moins d’énormes problèmes imprévisibles, l’argent ne devrait pas être un obstacle pour le gouverneur de la Floride, il bénéficie de ressources financières lui permettant de demeurer sur les rangs jusqu’au bout.
Reste à voir s’il y parviendra. Et cela, en mai 2023, personne ne le sait.
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