Donald, Hunter, and Whataboutism

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Donald, Hunter et le « whataboutism »

Depuis que Hunter Biden a plaidé coupable de chefs d’accusation de délits fiscaux mineurs et d’achat d’une arme à feu à l’époque où il était toxicomane, les républicains, Donald Trump en tête, dénoncent un traitement de faveur pour le clan Biden alors que, selon eux, la justice s’acharne sur l’ex-président. En plus de comparer des pommes et des oranges, ils donnent ainsi à voir une autre utilisation de la bonne vieille tactique du « whataboutism ».

Il s’agit d’un mode de manipulation destiné à détourner l’attention, souvent utilisé par les Soviétiques lorsqu’ils étaient critiqués pour des violations des droits de la personne. Lorsqu’on reprochait à Moscou les mauvais traitements infligés aux détenus dans les camps de prisonniers du goulag en Sibérie, les Soviétiques répondaient par des formules toutes faites : Qu’en est-il du traitement des Noirs par les Américains? Qu’en est-il des lynchages passés et des incarcérations injustes actuelles?

Bref, le whataboutism (le « qu’en-est-il-isme ») permet de détourner l’attention d’un problème et d’éviter d’avoir à l’aborder directement en retournant la critique sur le critique. L’idée, c’est d’essayer de révéler au grand jour l’hypocrisie de l’autre.

Par exemple, quand ils étaient visés par des critiques de l’administration Trump, les républicains répliquaient par ceci : Et l’ordinateur portable de Hunter Biden? Et les courriels d’Hillary Clinton?

Ou encore, dans le cas de l’attaque du 6 janvier 2021 au Capitole et des tentatives de Donald Trump de faire annuler l’élection de 2020 : Et les troubles civils en 2020? une référence aux manifestations qui avaient suivi le meurtre de George Floyd et qui avaient mis en évidence le mouvement Black Lives Matter.

De telles comparaisons boiteuses s’effondrent évidemment si on prête attention à ce qui est rétorqué dans ces contre-attaques. Cependant, le but consiste non pas à donner une comparaison sensée mais plutôt, diront certains, à embrumer le discours.

Des républicains devenus spécialistes

Cette tactique de déviation utilisée par bien des politiciens de tous les horizons est toutefois devenue, depuis quelques années, l’apanage des républicains. L’ère Trump n’est sûrement pas étrangère à cette stratégie.

L’inculpation de Donald Trump pour rétention de documents gouvernementaux a d’ailleurs donné lieu aux inévitables fausses équivalences concernant la conduite du principal rival politique de Donald Trump, le démocrate Joe Biden, et sa supposée mainmise sur le département américain de la Justice.

Les républicains, y compris l’équipe de campagne de l’ancien président Trump et son plus proche rival à l’investiture, le gouverneur de la Floride, Ron DeSantis, ont immédiatement accusé le département d’avoir fait suivre l’inculpation de Donald Trump par ce qu’ils appellent une ruse destinée, disent-ils, à donner l’impression que l’administration Biden applique la loi de manière uniforme pour Hunter Biden.

Aujourd’hui prouve qu’il y a clairement un système de justice à deux vitesses : une pour les démocrates et une contre le président Trump, a déclaré Steven Cheung, porte-parole de la campagne Trump. Comme le président Trump l’a prédit au début du mois, Hunter a bénéficié d’un traitement de faveur qui balaie ses crimes sous le tapis dans une tentative flagrante d’interférer avec l’élection de 2024. L’équipe faisait ainsi dans l’hyperbole, comme chaque jour, dans tous ses communiqués.

Parlons de traitement de faveur, justement. Lors de son arrestation et de son inculpation à Miami, dans le cadre de l’affaire de sécurité nationale des documents classifiés, Donald Trump ne s’est pas fait retirer son passeport ni demander de verser une caution pour sa libération. Si un simple quidam avait fait face aux mêmes chefs d’accusation, il y a fort à parier que le traitement eût été différent.

Les républicains montrent du doigt le supposé parti pris du département de la Justice concernant les documents classifiés retrouvés chez Joe Biden. En plus d’évoquer la militarisation (weaponization) de la justice, ils dénoncent la chasse aux sorcières contre Trump, alors que le président Biden s’en sort. Ils oublient cependant de mentionner que Mike Pence a aussi été blanchi, mais cela ne fonctionne pas dans leur raisonnement vendeur.

Il faut de plus ajouter que Mike Pence et Joe Biden ont tous deux invité le FBI à rechercher des documents dans leurs locaux, alors que Donald Trump a tout fait pour les garder en sa possession et a, de plus, donné l’occasion à bien du monde de parcourir ces documents pourtant confidentiels dans son domaine floridien.

Oui, mais Hunter dans tout ça?

Depuis lundi, les républicains redoublent de whataboutism en promettant qu’ils vont continuer d’enquêter sur Hunter Biden pour trouver le lien avec son président de père. L’ordinateur portable de Hunter, ses supposées négociations en coulisses, ses paiements reçus de présumées entreprises chinoises, un prétendu scandale selon lequel les Biden auraient reçu des millions de dollars de pots-de-vin d’un homme d’affaires ukrainien, tout y passe.

Pas depuis quelques jours, mais depuis plusieurs années. Et, jusqu’ici, aucune accusation déposée.

Lors d’un entretien avec le président de la commission de surveillance de la Chambre des représentants, James Comer, l’animateur de Fox News Bill Hemmer a demandé au républicain des informations sur les conclusions de cette enquête de longue haleine, notamment sur un supposé virement de 3 millions de dollars envoyé à Joe Biden après son départ de l’administration Obama.

Vous avez mis le doigt dessus à un moment donné. Vous avez dit ce qu’ils faisaient en échange de cet argent. Avez-vous une réponse? a demandé M. Hemmer. Je n’en ai pas, a répondu M. Comer. Et l’animateur de Fox News de laisser tomber : Cela fait cinq ans et qu’avons-nous comme résultat? Cinq ans, c’est long pour enquêter…

Oui, mais Trump, alors?

Pendant ce temps, on n’entend pas ces mêmes républicains défendre la façon dont Donald Trump a traité les documents classifiés. Et Donald Trump, lui, continue de donner des munitions aux procureurs de l’affaire des documents classifiés en s’incriminant chaque jour davantage par ses déclarations incendiaires, incohérentes et franchement troublantes.

L’entrevue serrée menée par Brett Baier, lundi soir sur Fox News, a donné lieu à de bons exemples de cette situation qui donne aux avocats de l’ex-président l’occasion de s’arracher les cheveux.

Ce whataboutism, qui consiste à montrer du doigt quelqu’un d’autre pour détourner l’attention de sa propre culpabilité, ressemble à ce que les enfants apprennent à faire lorsqu’ils sont pris la main dans le sac de bonbons.

Avec la potentielle date du 14 août pour le début du procès de Trump au sujet des documents classifiés et les accusations dans le dossier de l’interférence électorale en Georgie qui devraient être rendues publiques autour de la même date, le bon vieux truc du détournement d’attention du sac de bonbons risque d’être utilisé à qui mieux mieux.

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