When Older Politicians Cling to Power

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Quand les vieux élus s’accrochent au pouvoir

Ces dernières semaines, les troubles de santé de vétérans de la politique américaine ont relancé les discussions sur l’âge de ces élus et leur habilité à servir en politique.

Les électeurs sont de plus en plus préoccupés par l’âge de ceux qui travaillent à l’adoption des lois et à l’imposition des réglementations aux Américains.

Bien qu’il n’y ait pas de limite d’âge pour les membres du pouvoir législatif au Congrès, près d’une vingtaine de membres des deux partis ont franchi le seuil des 80 ans et continuent de travailler dans les deux chambres.

Par exemple, Grace Napolitano, représentante démocrate de Californie, a 86 ans, Hal Rogers, républicain du Kentucky, 85 ans, tout comme Bill Pascrell Jr, démocrate du New Jersey, alors que Maxine Waters, démocrate de Californie, a 84 ans. Et la démocrate de 83 ans Nancy Pelosi a promis la semaine dernière de briguer un autre mandat en 2024.

Au Sénat, ce n’est guère mieux. Chuck Grassley, républicain de l’Iowa a 89 automnes, alors que Bernie Sanders en affiche 81 au compteur, tout comme son collègue républicain Mitch McConnell, qui dit vouloir au moins terminer son mandat actuel.

Des problèmes de santé évidents

Le problème, c’est que le leader républicain au Sénat a eu récemment deux épisodes d’absence mentale retentissants.

Le premier a commencé comme suit : Bonjour à tous, nous sommes sur le point de terminer le NDAA (National Defense Authorization Act) cette semaine. Nous avons bénéficié d’une bonne coopération bipartisane et d’une série de… avant de s’interrompre et de regarder dans le vide pendant près d’une minute, avant que ses collègues n’interviennent.

Ça va, Mitch? a demandé le sénateur John Barrasso du Wyoming. Y a-t-il quelque chose d’autre que vous voulez dire ou devrions-nous ramener dans votre bureau?

Plus de peur que de mal, dit-on à son bureau. Mais quelques semaines plus tard, lorsque questionné sur ses projets de réélection, il disait ne pas avoir entendu la question et fut incapable de répondre, les yeux dans le vide pendant 30 secondes. Là encore, ses assistants ont dû intervenir pour l’aider.

Les mauvaises langues disent que Joe Biden n’est qu’à « un épisode McConnell » près, montrant du doigt les hésitations et démarches chancelantes du président américain.

Chez les démocrates, on n’est pas en reste, puisque la sénatrice Dianne Feinstein, 90 ans, a été hospitalisée en février dernier pour des complications neurologiques graves dues à un zona qui avait affecté son cerveau et son visage.

Âgée de 90 ans, elle souffre de graves problèmes de santé depuis plus d’un an, ce qui a conduit de nombreuses personnes à s’interroger sur son aptitude à exercer ses fonctions.

Depuis son retour dans l’hémicycle, Mme Feinstein a semblé à plusieurs reprises ne pas savoir ce qu’elle y faisait et quelles étaient ses responsabilités lors des audiences. Elle a dû se faire rappeler par un collègue de dire simplement “Aye” lorsqu’elle a voté en faveur du budget militaire.

Une moyenne d’âge de plus en plus élevée

Il faut dire que l’âge médian des sénateurs américains est de 65 ans – un record – tandis que celui des représentants à la Chambre est de 58 ans. Sans oublier qu’à la Maison-Blanche, le président Biden, 80 ans, est le plus vieux président élu dans l’histoire des États-Unis, et il espère rester en fonction jusqu’à 86 ans s’il remporte un deuxième mandat l’an prochain.

Le Washington Post a compilé les tranches d’âge de l’ensemble des élus. Six pour cent font partie de la génération silencieuse, les 80 ans et plus, alors que les boomers représentent 48 % des élus et que la génération X occupe seulement un tiers des sièges.

Loin derrière se trouvent les millénariaux, comme la démocrate Alexandra Ocasio-Cortez ou encore le républicain JD Vance, avec 12 % de

s sièges. Seul dans son coin, Maxwell Frost est le seul représentant de la génération Z. Autant dire que la moyenne d’âge du Congrès n’est pas près de changer de sitôt.

Il n’en demeure pas moins que l’ancienneté joue toujours un rôle majeur au Capitole et que les législateurs de longue date au Congrès ont tendance à être plus influents au sein de leur parti et à diriger des commissions importantes.

Pourrait-on imposer une limite d’âge?

Oui, elle existe dans la Constitution américaine. Mais seulement pour marquer le seuil minimum pour se faire élire. Vingt-cinq ans pour la Chambre, 30 au Sénat et 35 pour la présidence. Après ça, sky is the limit.

En fait, les limites d’âge maximales sont considérées comme anticonstitutionnelles.

L’État de l’Arkansas a bel et bien essayé de changer les règles du jeu en 1995 en refusant que des représentants et sénateurs qui avaient déjà effectué respectivement trois mandats et deux mandats puissent encore se représenter.

Dans ce cas, les électeurs de l’Arkansas, par le biais d’un amendement de l’État, ont cherché à imposer non pas des limites d’âge, mais des limites de mandat, explique Jeremy Paul, qui enseigne à la Faculté de droit de l’Université de Northeastern à Boston. Mais la Cour suprême des États-Unis a jugé que l’État n’avait pas le pouvoir de le faire et que les qualifications énumérées dans la Constitution étaient fixes et exclusives et ne pouvaient être modifiées.

Changer la Constitution?

Selon plusieurs sondages, les Américains seraient en faveur d’un changement des règles concernant l’âge. Entre 67 % et 75 % sont pour l’imposition d’un âge limite pour les membres du Congrès et parfois même pour le président. Les problèmes de santé d’élus et les propos pas toujours intelligibles de Joe Biden leur donnent des munitions.

Mais, même si les législateurs ou les électeurs voulaient encore une fois proposer un changement de la Constitution pour imposer un plafond d’âge, la tentative serait plus que probablement vouée à l’échec.

Il faudrait en effet que le Congrès ajoute un nouvel amendement à la Constitution. Et pour ce faire, il faut généralement le soutien des deux tiers des deux chambres du Congrès, ainsi que des trois quarts des assemblées législatives des États. Autant dire virtuellement impossible dans le contexte actuel de dysfonctionnement du Congrès et de la polarisation extrême entre les États eux-mêmes.

Apporter des amendements à la Constitution a été fait seulement 27 fois dans l’histoire des États-Unis et c’était souvent pour accroître le droit de vote notamment pour les femmes, les Afro-Américains ou encore pour les 18 ans et plus, ajoute Jeremy Paul.

Prendre le problème à la racine

Pour le professeur Jeremy Paul, la vraie solution au problème se trouve ailleurs : le fameux gerrymandering ou redécoupage électoral qu’imposent les politiciens au pouvoir pour s’assurer d’avoir une supermajorité lors des élections suivantes.

Républicains et démocrates tracent ainsi presque au scalpel politique les limites de ces districts afin de répartir les votes selon leurs besoins pour gagner.

Si je suis l’élu républicain en fonction, estime Jeremy Paul, et que j’ai 60, 70 ou 80 ans et que je suis dans une circonscription républicaine, je n’ai pas vraiment de concurrence à affronter. Même chose pour les élus démocrates. Ce qui expliquerait cette tendance des élus, si âgés soient-il, à se représenter puisque, selon le professeur Paul, ils peuvent ainsi s’assurer des réélections successives sans trop de difficultés.

Ce redécoupage électoral, imposé par la partisanerie politique, qu’elle soit républicaine ou démocrate, empêche que les choses changent et que le renouveau politique s’installe.

Ajoutez à cela des électeurs qui vont toujours voter républicain s’ils sont républicains ou démocrate s’ils sont démocrates et vous obtenez un immobilisme politique qui profite aux élus en place depuis un certain temps, trop heureux de se garantir une longue carrière.

Bref, en attendant, la gérontocratie américaine a encore un bel avenir devant elle…

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