La mue spectaculaire de Kamala Harris
En un temps record, la candidate a réussi à redonner de l’espoir aux démocrates. Il lui reste à convaincre les Américains et les écueils seront nombreux
En acceptant l’investiture du Parti démocrate jeudi soir, Kamala Harris a réussi avec brio la première partie de son pari. Son camp est en ordre de bataille pour l’explication finale avec Donald Trump. Dans cette nouvelle campagne, extraordinairement courte pour les standards américains, Kamala Harris est lancée, et son adversaire, désemparé, n’a plus beaucoup de temps pour briser cet élan. La vitesse avec laquelle la vice-présidente de Joe Biden, qui avait longtemps cherché sa place aux côtés du président, s’est transformée en candidate incontestée force l’admiration.
Pour clôturer la convention, Kamala Harris a défendu un message de confiance en l’avenir, contre un retour vers le passé qu’incarnerait une nouvelle présidence de Donald Trump. Pour l’instant, elle réussit à se présenter comme une personnalité neuve, passant sous silence les échecs de la présidence Biden.
Par comparaison avec le talent oratoire des époux Obama ou l’authenticité joyeuse de son colistier, le gouverneur du Minnesota Tim Walz, le discours de la candidate a suscité moins de passion. Mais la bonne nouvelle pour Kamala Harris est qu’elle n’est pas seule. Sa candidature a remobilisé les démocrates, suscitant une vague d’enthousiasme inédite depuis la campagne de Barack Obama en 2008. Les démocrates veulent croire que la présidence de Donald Trump qui avait suivi n’était qu’un accident de l’Histoire.
Selon ce récit optimiste, les Etats-Unis, de plus en plus divers, peuvent reprendre leur marche en avant. Le pays serait ainsi prêt à élire pour la première fois une femme, qui plus est fille d’immigrés, aux plus hautes fonctions.
Ce pari repose sur la bonne santé économique des Etats-Unis, qui doit beaucoup au bilan remarquable de Joe Biden. Mais l’élection se jouera dans une poignée d’Etats, où les oubliés du miracle américain, précarisés par l’inflation, sont nombreux. Les Etats-Unis restent aussi ultra-polarisés et Donald Trump sait à merveille jouer des peurs de cette autre Amérique.
Plus problématique, le message de confiance adressé à Chicago tranche avec un parti verrouillé et une candidate qui fuit les médias. Sur Gaza, le sujet le plus controversé pour les démocrates, les rares délégués qui avaient été élus pour protester contre le soutien inconditionnel de Joe Biden à Israël n’ont pas pu s’exprimer à la tribune de la convention. Jeudi soir, la candidate s’est inscrite dans la même ligne que le président sur le Proche-Orient. Elle parie sur l’essoufflement du mouvement aux Etats-Unis contre la guerre à Gaza, espérant que le conflit ne s’étendra pas à tout le Moyen-Orient. Et s’adresse déjà à l’ensemble des Américains, majoritairement acquis à Israël. Mais, en contrepartie, elle risque de s’aliéner définitivement des voix cruciales dans quelques Etats clés. Ce dilemme illustre le fil sur le lequel s’est engagée Kamala Harris.
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