Les républicains ne voient pas de raisons d’assouplir les sanctions américaines. Mais le candidat démocrate, Barack Obama, a promis une nouvelle approche.
«Nous sommes déçus.» Gordon Johndroe, le porte-parole du conseil de sécurité nationale à la Maison-Blanche, ne s’est pas abrité derrière des formules diplomatiques après la décision de l’Union européenne, jeudi soir, de lever son régime de sanctions contre Cuba : «Nous estimons que les Castro doivent prendre un certain nombre de mesures pour améliorer les droits des Cubains ordinaires avant qu’une quelconque sanction puisse être levée.» Au département d’État, le porte-parole Tom Casey a renchéri : «Nous ne voyons absolument aucune rupture avec la dictature castriste de nature à nous faire penser que le moment est venu de modifier substantiellement notre politique.»
Le défi européen aux États-Unis sur ce dossier sensible, surtout en période électorale, paraît plus idéologique que concret. Les sanctions diplomatiques imposées par l’UE en 2003, après l’emprisonnement de 75 opposants politiques par le régime de La Havane, étaient beaucoup plus limitées que l’embargo américain maintenu depuis 1962. Elles se bornaient à bannir les contacts de haut niveau entre gouvernements, sans restreindre les échanges commerciaux. En pratique, elles étaient déjà suspendues depuis 2005, ce qui rend la décision de les supprimer avant tout symbolique : «Les États-Unis ont leur politique à l’égard de Cuba. Nous ne la partageons pas», a tranché Miguel Angel Moratinos, le ministre espagnol des Affaires étrangères, principal avocat de la levée des sanctions.
L’Europe espère encourager la timide libéralisation amorcée
Les Européens estiment que cette carotte devrait encourager Raul Castro, qui a succédé à Fidel, son frère aîné, en février dernier, à poursuivre la timide libéralisation amorcée depuis son arrivée. L’achat de téléphones portables est devenu légal sur l’île, ainsi que l’accès aux hôtels jusque-là réservés aux touristes étrangers. Insuffisant pour l’Administration Bush, qui maintient de strictes restrictions aux échanges et qui a encore durci en 2004 les possibilités de contact entre les Cubains exilés en Floride et leurs familles sur place. Des dérogations existent pour les denrées alimentaires, marché âprement convoité par les fermiers américains. Mais les exportations relèvent du casse-tête, tout navire étant interdit dans les ports américains pendant six mois après une escale à Cuba.
La décision de l’UE pourrait donner un nouveau tour au débat qui agite déjà la campagne présidentielle américaine. Le candidat démocrate, Barack Obama, s’est attiré les foudres de son adversaire républicain, John McCain, en prônant une nouvelle approche qui n’exclurait pas des contacts au plus haut niveau avec le régime castriste. Il promet d’assouplir les conditions de voyage à Cuba et de relever le plafond de 1 200 dollars par an que les exilés peuvent envoyer à leurs proches. Des ouvertures jugées «naïves» par McCain, qui campe sur une ligne dure, envisageant de judiciariser les relations avec Cuba en «poursuivant les assassins et les trafiquants de drogue» associés au régime. Être taxé d’«Européen», comme John Kerry en 2004, pourrait nuire au candidat démocrate.
Les conditions d’une levée de l’embargo américain sont gravées dans la loi : elles incluent la légalisation des mouvements d’opposition, la libération de quelque 230 prisonniers politiques, l’effacement des frères Castro et l’organisation d’élections libres. Quel que soit le prochain président, elles exigeront de passer par le Congrès.