LES ALLIÉS de la guerre à la terreur sont davantage soudés après l’attentat. Mais la souveraineté doit être préservée.
L’attentat de samedi contre l’hôtel Marriott d’Islamabad (53 morts, 266 blessés) « est le premier incident dans la capitale dans lequel les terroristes ont utilisé des explosifs RDX et TNT », a précisé le conseiller du Premier ministre pour les affaires intérieures, Rehman Malik ; ces 600 kilos d’explosifs de qualité militaire (complétés avec des mortiers et des pièces d’artillerie) mènent aujourd’hui les enquêteurs sur une piste située au Waziristan (Nord-Ouest). Bref, ce lundi, l’expertise policière semblait confirmer que c’est bien l’Amérique qui était visée, en relation directe avec les opérations militaires terrestres et aériennes réalisées dans le Sud-Waziristan, un des territoires autonomes sous administration fédérale (Fata).
Waziristan en guerre
Quels peuvent en être les motivations ? Rétroactes : alors que les troupes US en Afghanistan se contentaient jusqu’ici de mener au Pakistan des frappes aériennes limitées avec l’accord d’Islamabad, ce 3 septembre des forces spéciales prennent position au sol, près du village d’Angor Adda (Sud Waziristan), sans accord préalable d’Islamabad, pour une opération qui fera une vingtaine de morts. 74 % de la population pakistanaise condamne ce genre d’action américaine. Depuis, armée et gouvernement pakistanais affirment de concert qu’ils ne toléreront aucune autre violation de la souveraineté nationale, même si le Premier ministre Gilani reconnaît ne pas pouvoir se permettre une guerre avec les Etats-Unis. Lundi dernier, une nouvelle incursion présumée d’hélicoptères américains de type Chinook à nouveau à Angor Adda aurait été repoussée par des tirs militaires pakistanais (ce que tant Islamabad que la base US de Bagram vont s’empresser de démentir), et mercredi, l’armée pakistanaise confirmera avoir donné ordre général à ses troupes de tirer, si une nouvelle incursion américaine au sol était enregistrée.
Entre-temps, le mardi, le chef des états-majors US, l’amiral Michael Mullen, débarque à Islamabad et donne l’assurance qu’il n’y aura plus d’attaque inopinée.
Surprise : dans les heures qui suivent, un drone US survole le Sud Waziristan et tire des missiles qui tuent six personnes et font sauter au moins un container d’armes et munitions (de l’insurrection). Mauvaise « coordination administrative » américaine ? C’est ce qu’affirmera en fin de semaine le ministre pakistanais des Affaires étrangères Shah Mehmood Qureshi, avant d’être démenti par les faits : la frappe contre un container de munitions est le résultat (salué par l’armée pakistanaise) d’une meilleure coordination du renseignement américano-pakistanais, et, parmi les six victimes des tirs de missiles, les services pakistanais de renseignements se hâtent de confirmer la présence de « trois Arabes » comprenez : trois membres d’Al-Qaïda. Bref, Washington et Islamabad n’ont pas du tout rompu leurs liens, et Islamabad a même réaffirmé après l’attentat du Marriott que la guerre au terrorisme serait renforcée.
Mais Islamabad souhaite le respect formel de sa souveraineté. Et a des arguments pour se faire entendre : tout le carburant utilisé par l’Otan en Afghanistan transite par Karachi
L’ambassade belge va quitter ce quartier
L’ambassade de Belgique à Islamabad (et plus encore la résidence) n’a pas eu de chance : comme nombre d’immeubles du quartier Nord-Est de la capitale, les bâtiments belges ont subi des dégâts sensibles dûs au souffle de l’explosion de samedi : fenêtres et châssis sont à réparer, et les interventions pourraient être plus significatives encore.
Sombre ironie : il est à noter que, jusqu’au début août, l’ambassade se trouvait dans le quartier du centre nord (F7/2), face à l’Alliance française, mais dans un bâtiment à ce point exposé et indéfendable qu’il avait été décidé de déménager la mission plus à l’Est, dans le quartier verdoyant F6/3, connu pour son Supermarket et ses librairies Mr Books. Non seulement le nouvel immeuble est plus sûr, mais il a en outre fait l’objet d’aménagements pour en accroître la protection.
Cependant, ce déménagement avait sensiblement rapproché l’ambassade de Belgique du Marriott
L’ambassade actuelle n’est elle-même que temporaire : au vu de la dégradation de la sécurité au Pakistan, la Belgique a décidé d’acheter un terrain dans l’enclave diplomatique d’Islamabad (au sud-est de la ville, dans la droite ligne de bâtiments administratifs déjà sécurisés comme la Cour suprême ou le Parlement), et d’y construire une toute nouvelle ambassade, sans doute à terme de deux ans. Mais le premier coup de pioche n’a pas encore été donné.
L’insécurité semble également avoir eu un impact sur la rotation de notre ambassadeur, qui vient de quitter Islamabad après deux ans seulement d’excellents services. Un successeur devrait être officiellement confirmé ces prochaines semaines, et on peut prédire qu’il s’agira cette fois d’un célibataire. Il est vrai que la scolarité des enfants de diplomates devient elle aussi problématique : après l’attentat de samedi, les écoles américaines d’Islamabad ont fermé leurs portes, et aucune date de réouverture n’est prévue. D’autres facilités semblent de plus en plus limitées : ainsi, British Airways suspend ses vols pour le Pakistan pour une durée indéterminée. Etc.
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